Le Silence de la Restigouche

Jocelyne Mallet-Parent

Description

«Les bernaches avec les oies blanches, ça finit toujours par porter malheur.»
Le jour où il se met à fréquenter l’école des Blancs, Simon Vicaire prend vite conscience de sa «différence». Adolescent, il se voit interdire de fréquenter Isabelle Bouchard, une jeune Blanche qui l’attire beaucoup au grand dam de Meaghan, son amie d’enfance, une Amérindienne comme lui.
Simon se met en tête de découvrir ce qui a bien pu se passer du temps de son grand-père, le vieux Billy, célèbre guide de la pêche au saumon, pour que les familles Vicaire et Blanchard éprouvent une telle haine l’une pour l’autre. Mais son destin bascule quand le corps de Meaghan est découvert se balançant au bout d’une corde…
Grande amatrice de pêche, Jocelyne Mallet-Parent s’est inspirée de ses excursions sur la majestueuse rivière Restigouche pour imaginer cette histoire de clans qui illustre bien à quel point la loi du silence pèse parfois sur des petites communautés isolées.

Sujets

• Jeunesse Aventure
• Action
• Amérindiens
• Ristigouche
• Adventure
• Restigouche
• Juvenilee Fiction
• roman

Informations

• Publié par: Éditions David
• Date de parution: 02 avril 2014
• Nombre de lectures: 11
• EAN13: 9782895974598
• Langue: Français

Extrait

Le silence de la Restigouche
De la même auteure

Celle qui reste Ottawa, Éditions David, 2011.
Dans la tourmente afghane Ottawa, Éditions David, 2009.
Ariane. L’éclaboussure Lévis, Éditions de la Francophonie, 2007.
Sous le même soleil Lévis, Éditions de la Francophonie, 2006. Prix France-Acadie 2007.
Jocelyne Mallet-Parent
Le silence de la Restigouche
ROMAN
Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives Canada
Mallet-Parent, Jocelyne, 1951-, auteur Le silence de Restigouche / Jocelyne Mallet-Parent.
Publié en formats imprimé (s) et électronique (s). ISBN 978-2-89597-426-0 (couverture souple). — ISBN 978-2-89597-458-1 (pdf). — ISBN 978-2-89597-459-8 (epub)
I. Titre.
PS8626.A4525S55 2014 C843’.6 C2014-901186-5 C2014-901187-3
Les Éditions David remercient le Conseil des Arts du Canada, le Secteur franco-ontarien du Conseil des arts de l’Ontario, la Ville d’Ottawa et le gouvernement du Canada par l’entremise du Fonds du livre du Canada.



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Tous droits réservés. Dépôt légal (Québec et Ottawa), 2 e trimestre 2014
Pour Jean-Yves, pour l’amitié et les traces indélébiles qu’elle laisse sur nos vies.
Celui qui marche dans les pas d’autrui ne laisse pas ses propres traces. D IDEROT Si l’essentiel se pêchait à la mouche, la sagesse mordrait-elle plus vite à l’hameçon ? Marcel Marie L EBLANC
Toute ressemblance avec des personnes existantes ou ayant existé ne serait que pure coïncidence.
Avant-propos
Il existe, entre le nord du Nouveau-Brunswick et la rive sud de la péninsule gaspésienne, au Québec, une rivière mythique, la Restigouche.
Tout près, du côté québécois, une autre rivière coule paisiblement dans une vallée giboyeuse, la Matapédia.
Et là, tout près de l’endroit où la Restigouche et la Matapédia se rencontrent, deux peuples, les Autochtones et les Blancs, se côtoient depuis des lustres et partagent leur destinée avec le saumon de l’Atlantique.
C’est dans les eaux douces de ces deux rivières que naissent, en effet, chaque année, un grand nombre d’alevins issus du saumon de l’Atlantique. À ces mêmes endroits qui les ont vus naître, les saumons reviennent frayer des années plus tard, une fois accompli leur long périple en eau salée qui les mène parfois aussi loin qu’au Groenland, à une distance de plus de 4 000 kilomètres.
Tout le long de la Restigouche et de la Matapédia, de nombreuses fosses retiennent temporairement les saumons. Chacune d’elles porte un nom distinct et possède ses particularités topographiques. La saison venue, des centaines de pêcheurs à la mouche, tant des environs que du monde entier, s’y donnent rendez-vous.
Depuis toujours, cette pêche soulève bien des passions où figurent les fameuses mouches, leurres multicolores servant à attirer le saumon et conçus avec des matériaux bien spécifiques, soit poils de cerfs, de lièvres, d’écureuils, soit plumes de canards, de faisans, de coqs ou matières synthétiques. La fabrication des mouches constitue un art en soi et ceux qui s’y adonnent doivent faire preuve à la fois d’habileté et de créativité.
C’est aussi au cœur de ces deux rivières, dans l’ombre du secret, que se sont scellés les destins de Billy, Lester et Simon Vicaire.
S IMON ET B ILLY
Tout s’était passé très vite.
En moins d’une seconde, Simon s’était retrouvé plaqué au sol, prisonnier du poids de son assaillant. La lèvre inférieure fendue, le goût amer du sang dans sa bouche, la poitrine comprimée, cherchant désespérément l’oxygène.
Pendant quelques instants, les deux corps fusionnés ont exécuté une étrange chorégraphie. Bras et jambes entrelacés, mains et doigts enchevêtrés, on les aurait crus soudés l’un à l’autre. Simon sentait l’haleine de l’ennemi dans son cou. Désagréable sensation d’intimité. Puis, il l’entendit lui cracher à l’oreille :
« Isabelle n’est pas pour un Sauvage… leave her alone ! »
Petite phrase assassine qui martela ses tympans comme un roulement de tambour.
Sauvage !
Plus que les coups, c’est ce mot injurieux qui fit encore plus mal à Simon. Un coup de poignard en plein milieu de son orgueil ! Puis, le coude de l’Anglais lui perça les côtes. Deux fois, trois fois. Pour que les mots tranchants traversent sa cage thoracique, atteignent l’organe vital, tuent sur-le-champ son désir croissant pour cette fille.
Isabelle !
Dans un effort suprême pour s’arracher de sa fâcheuse position, Simon contracta ses muscles au maximum, voûta sa colonne vertébrale comme un arc. Puis, dans un rapide mouvement du corps, il se ramassa sur lui-même, pivota brusquement sur le côté se délestant du coup de sa carapace humaine.
Le moment était mal choisi pour riposter. Et répondre à la violence par la violence, ce n’était pas la solution non plus. Son grand-père Billy avait mis des années à lui enseigner ce principe. Pas question d’en déroger.
Simon décida d’encaisser l’insulte.
Pour l’instant du moins. Mais ce n’était que partie remise. Avant de se relever, il prit le temps de fixer son adversaire dans les yeux.
Un regard de défi, de confrontation.
« Mat’ntultimk na 1 ! »
1
Fosse Milnikek Mouche Undertaker
Simon lança sa ligne à l’eau. Du coin de l’œil, Billy supervisait.
La soie se déroula sur une longueur respectable pour un si petit bras et elle s’étala sur l’eau comme un long spaghetti. La mouche tomba à l’endroit visé et se mit à danser sur la rivière.
Il était doué le petit. L’aïeul en sourit d’aise.
Le garçon avait à peine cinq ans. Son grand-père, lui, avait toujours refusé de comptabiliser son temps en jours, en semaines ou en années. « Une vie, ça se mesure en événements importants, qu’il disait. Un mariage, trois naissances, le décès de quelques proches… Et déjà que la vie passe assez vite sans qu’on se mette à la compartimenter. »
Un soleil rouge et rond comme un ballon de plage se pointa à l’horizon. Le vent était inexistant. L’heure parfaite pour une leçon de pêche à la mouche. D’autant plus que la Milnikek était reconnue pour abriter quelques-uns des plus gros saumons de la rivière.
Cet automne, Simon fréquenterait la maternelle.
Déjà !
Et sa mère qui tenait à ce qu’il fréquente l’école des Blancs. De l’autre côté de la rivière. Billy n’avait rien contre cette école. Ce qu’il craignait, c’est que son petit-fils y prenne un peu trop vite connaissance de sa différence. Sans ménagement, on lui cracherait sûrement au visage sa véritable identité. On l’affublerait de quolibets, on le tiendrait à l’écart. Et il y aurait sûrement quelqu’un pour le traiter carrément de sauvage.
Le temps pressait. D’ici la fin de l’été, Billy devait préparer Simon à toutes ces éventualités. Son plus grand souhait était de réussir à transmettre à son petit-fils les moindres secrets menant à la sagesse et à la détermination. « Si au moins l’essentiel pouvait se pêcher à la mouche », songeait Billy.
À défaut de sagesse venant mordre à l’hameçon, c’est un saumoneau argenté qui vint effleurer l’ Undertaker à petits coups saccadés de mandibule. Simon s’émerveilla de la chose et éclata d’un rire cristallin qui résonna comme des clochettes dans l’air vivifiant de ce matin tout neuf.
* * *
De nombreuses journées semblables avaient meublé l’enfance de Simon. Une autre phase de sa vie s’annonçait plus complexe.
Mais Billy était là.
Et il entendait bien veiller au grain.
2
Isabelle Bouchard.
C’est vrai qu’elle était belle.
Lumineuse comme une aurore boréale.
« Regarde les outardes », qu’il lui avait dit. Sans même quitter le ciel des yeux.
Trois mots. Trois simples mots sans grande importance. C’est tout ce que Simon avait trouvé à dire, totalement décontenancé qu’il était par la soudaine apparition d’Isabelle à ses côtés.
La journée avait pourtant bien commencé. Une de ces journées multicolores comme on en voit seulement