Triste Noël à Tsingoni
108 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Triste Noël à Tsingoni , livre ebook

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108 pages
Français

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Description

A Mayotte, comme partout ailleurs, l'adolescence est l'âge des doutes et des souffrances. Tenaillé par sa double appartenance, sa mère est comorienne et son père français de métropole, Matthieu se cherche. Il ne supporte pas le remariage de sa mère. Ce Noël ne sera pas comme les autres, les rapports conflictuels avec son beau-père s'amplifient, heureusement ses amis Alban, Faïza, Justine et Oumi l'entourent.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 juin 2011
Nombre de lectures 55
EAN13 9782296465015
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0450€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

TRISTE NOËL
À TSINGONI
Laurence Lavrand


TRISTE NOËL
À TSINGONI


L’Harmattan
© L’Harmattan, 2011
5-7, rue de l’Ecole polytechnique ; 75005 Paris

http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr

ISBN : 978-2-296-55143-5
EAN : 9782296551435

Fabrication numérique : Socprest, 2012
Ouvrage numérisé avec le soutien du Centre National du Livre
Pour mon amie Sylvie
et les élèves du collège de Tsingoni dont les bribes
d’histoires ont inspiré celle-ci.
VIE DE FAMILLE
Je suis sûre de les avoir rangés ici. Dis-moi, Marc, tu ne les aurais pas déplacés ?
Mais de quoi parles-tu, répond-il sans lever la tête de son journal. Tu ne peux me laisser tranquille cinq minutes ?
La jeune femme soupire. Inutile d’insister. Il n’est pas d’humeur commode après sa journée de travail, ce n’est pas la peine de lui demander de l’aider à mettre la main sur ces maudits papiers. Elle ouvre le tiroir du buffet, celui dans lequel elle range les courriers à traiter, factures et feuilles de Sécu. Son mari lui jette un bref regard. Il referme le journal, se lève pour rincer sous l’évier sa tasse de café et se retourne vers la jeune femme.
De quels papiers parles-tu ?
Des carnets de santé de Camille et Charlotte. Elles ont une visite médicale lundi matin, la maîtresse m’a donné l’information ce matin.
Une visite médicale ? Mais pour quoi faire ? Elles n’ont aucun problème !
Bien sûr que non, mais c’est juste un contrôle de routine. On les pèse, on les mesure, on vérifie leurs yeux et leurs oreilles. On observe si elles s’expriment correctement, si elles comprennent bien. C’est à la fois pour le développement physique et psychologique. Matthieu aussi en a passé une en grande section de maternelle, tu as oublié ?
Et comment je m’en souviendrais, répond-il sèchement. Matthieu avait plus de six ans lorsque je t’ai rencontrée.
Elle sourit, un peu crispée par sa remarque.
Excuse-moi, c’est vrai qu’on ne se connaissait pas encore.
Elle pose une main affectueuse sur le bras de son mari. Il la regarde. Comme elle est jolie avec ses longs cheveux bouclés qui cascadent sur ses épaules, sa peau caramel, ses yeux de velours noir comme la nuit, et son air doux et si tendre. Elle a si peu changé, en huit ans, qu’on lui donnerait bien moins que ses trente-quatre ans. Elle a la même silhouette fine que n’a pas déformée sa double grossesse, et cette même démarche légère qu’il aime tant.
Il lui rend son sourire. Elle se penche et pose un rapide baiser sur ses lèvres puis se redresse, l’air détendu.
J’ai tout le week-end pour les trouver, et ces deux chipies ne seront pas dans mes jambes pour me gêner dans mes recherches.
Les deux jumelles sont en effet jusqu’au dimanche soir chez la mère de Dhaouia, à quinze kilomètres de Combani. Le lendemain, ils doivent profiter avec Matthieu des journées portes ouvertes au lycée agricole de Coconi, dans le centre de l’île. Bien qu’étant bon élève de seconde 1, le jeune garçon s’interroge sur son envie de quitter le lycée pour une formation professionnelle en horticulture. Il a toujours adoré les fleurs. Tout petit, il en ramenait à la maison à chaque occasion. La moindre balade à la campagne était pour lui source de questions, d’observations. Très vite, les murs de sa chambre se sont recouverts de posters de plantes et d’arbres, les étagères de sa bibliothèque de livres et d’herbiers. Dhaouia sait bien que ça agace Marc, cette passion pour des trucs aussi ridicules. « Des trucs de bonne femme », grommelle-t-il souvent en observant son beau-fils penché au-dessus de ses plantations. Il aimerait mieux, comme ses copains de boulot, que Matthieu fasse du foot ou du rugby, sorte le soir et coure les filles. Mais Matthieu n’est pas comme ça. Il aime les fleurs, c’est tout. Et aussi sa mère et ses petites sœurs. Depuis qu’elles sont nées, Matthieu a toujours veillé sur elles ; il a assisté sa mère dans toutes les tâches ingrates : les couches à changer, les bébés qui hurlent au milieu de la nuit et qu’il faut bercer durant des heures, les repas interminables. Il leur a donné le bain du soir, lu des histoires assis entre elles sur le lit qu’elles partagent pour l’occasion, chanté des chansons et appris à dessiner.
Il est si fier de ses petites sœurs à la peau claire, lui qui a hérité son teint de pain d’épices de sa mère et ses yeux verts de son père, instituteur reparti en métropole après quatre ans sur l’île. À présent, Matthieu ne rentre plus que le vendredi soir et aux vacances. Il est interne au lycée.
Qui a voulu cette séparation ? On ne sait plus au juste. C’était il y a un an, pour l’entrée en seconde. Marc l’a peut-être suggéré, pour ne pas avoir à aller le chercher tous les jours, ou Dhaouia, qu’une journée avec ses deux petites de quatre ans laissait épuisée. À moins que ce ne soit Matthieu lui-même, comme pris par un besoin de s’éloigner de cette famille où il tenait si peu de place. Bref, depuis la rentrée, il n’est plus là que le week-end, et chacun de ses retours est une fête pour les petites. Dès leur retour de l’école, le vendredi, sitôt le goûter avalé, elles se postent près du portail pour guetter son arrivée. Une voiture s’arrête sur le bas-côté : c’est la Clio verte d’Anne, leur voisine. Ses deux fils sont dans le même établissement que Matthieu et internes comme lui. Quand Anne s’est retrouvée seule, l’an dernier, après la mort brutale de son mari, il a bien fallu trouver des solutions pour s’accommoder de ses horaires d’infirmière libérale. De toute façon, elle envisage de repartir en France dès que possible. Tous les vendredis, après sa dernière visite, Anne ramène les trois garçons, que Marc à son tour dépose le lundi matin. L’internat n’est pas plein, la plupart des jeunes Mahorais préfère se lever aux aurores pour prendre le bus et rentrer chez eux leur journée finie.

Dimanche soir, Dhaouia s’agite dans son lit. Le week-end a été fatigant. Samedi, la visite du lycée qu’envisage d’intégrer Matthieu leur a pris trop de temps, selon Marc. Elle aurait pourtant pris grand plaisir à découvrir les jardins et les serres avec son fils mais Marc ne cessait de soupirer. Ils ont à peine jeté un œil distrait sur les expositions dans le hall ou dans les salles de classe, et sont sortis dès que le directeur a eu fini son discours de présentation, prenant distraitement au passage les documents que leur tendait un petit groupe d’élèves préposés aux visites guidées. Les filles étaient ravissantes en tenue traditionnelle, et les jus de fruits naturels, mangue, papaye, ananas ou caramboles, qu’on offrait aux visiteurs étaient délicieux. « Quel dommage, se dit-elle en s’installant dans la voiture. Ça aurait aussi plu aux jumelles d’admirer les poules et les lapins dans leur cage, de déguster ces jus et de respirer les plantes aromatiques du jardin botanique. Il faut vraiment que je passe mon permis. »
Ensuite, le dimanche ils ont été chez mamie récupérer les petites. Comme d’habitude, sa mère a tenu à les garder pour le souper, et Dhaouia a ignoré les regards noirs de son mari pour accepter. Charlotte et Camille ont poussé des cris de joie avant d’entraîner Matthieu jouer à la brouette dans le jardin, tandis que mamie se mettait à ses casseroles pour leur réchauffer un cabri massalé. Elle se fait un malin plaisir à servir à son gendre de la cuisine locale, sachant que ses préférences vont au bœuf bourguignon ou au gigot d’agneau. C’est sa vengeance devant l’asservissement qu’il impose à sa fille et à ses petits-enfants, leur interdisant la pratique de leur langue comme s’il s’agissait d’une honte à cacher.
Ils ne sont arrivés chez eux que vers vingt et une heures. Les jumelles se sont endormies dans la voiture, chacune laissant sa tête reposer sur l’épaule de leur grand frère. Dans le rétroviseur, Dhaouia l’apercevait, s’efforçant de ne pas faire de mouvement qui pourrait les réveiller. Comme il les aime, se dit-elle. Et quelle chance elles ont de l’avoir. Pourvu qu’il continue jusqu’en terminale au lycée. Il est si jeune ! Il a bien le temps de faire des études d’horticulture après le bac.

Un week-end, ça file à toute allure, et voilà que retentit le klaxon de la fourgonnette de Marc. Il e

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