La discontinuité dans la littérature contemporaine
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Description

Essai philosophique d’introduction au Nouveau Roman.

Informations

Publié par
Date de parution 26 juillet 2018
Nombre de lectures 29
EAN13 9782312059730
Langue Français

Extrait

La discontinuité dans la littérature contemporaine
N athalie L aurent
La discontinuité dans la littérature contemporaine
Mémoire de maîtrise de philosophie, Sous la direction d’Olivier Revault d’Allonnes , Septembre 1988
LES ÉDITIONS DU NET
126, rue du Landy 93400 St Ouen
Illustration de couverture : René Magritte , Le Temps menaçant , 1929.
© Les Éditions du Net, 2018
ISBN : 978-2-312-05973-0
« C’est le rêve pur d’un Minuit, en soi disparu, et dont la Clarté reconnue, qui seule demeure au sein de son accomplissement plongé dans l’ombre, résume sa stérilité sur la pâleur d’un livre ouvert que présente la table ; page et décor ordinaires de la Nuit, sinon que subsiste encore le silence d’une antique parole proférée par lui, en lequel, revenu, ce Minuit évoque son ombre finie et nulle par ces mots : J’étais l’heure qui doit me rendre pur. » {1}
Stéphane Mallarmé
Introduction
La discontinuité est un concept très présent dans la pensée contemporaine. Si l’on considère l’analyse des fonctions en mathématiques, les développements récents de la physique atomique ou bien les données de la biologie concernant les mutations génétiques, on s’aperçoit que l’événement mathématique, physique ou biologique est de plus en plus étudié dans sa singularité comme surgissement discontinu d’un état de choses donné. De même, « l’histoire de la pensée, des connaissances, de la philosophie, de la littérature semble multiplier les ruptures et chercher tous les hérissements de la discontinuité […] » {2} .
Que ce soit dans les sciences, en histoire ou bien dans l’expérience du monde qui nous environne, nous ne pouvons pas échapper à l’irruption des événements, à leur surgissement instantané qui fait figure de défi à toutes les tentatives d’homogénéisation, d’intégration ou de régulation. C’est pourquoi, nous nous sommes posé la question de l’écriture d’un tel éclatement du sens. Comment la pensée littéraire et poétique produit-elle les formes écrites capables de réfléchir cette fragmentation du sens ? Et surtout, comment le fait-elle en dehors de la narration classique ?
Si l’on considère l’économie du langage classique, on remarque qu’elle est essentiellement relationnelle c’est-à-dire que les événements, choses, et états de choses, dont elle traite ne sont pas considérés en eux-mêmes, dans leur singularité propre, mais plutôt dans leurs rapports. Aussi, l’enchaînement causal, la progression temporelle finalisée et, finalement, la mise en correspondance des signifiants et de leurs signifiés, sont l’objet d’un soin permanent puisqu’ils sont porteurs du sens. La mise en évidence d’une continuité, le souci d’ordonner et de donner sens à la réalité factuelle sont donc parties intégrantes de la pensée classique qui considère le monde comme un ensemble de rapports cohérents.
Mais, penser de nos jours encore, que des structures narratives pénètrent notre conscience des événements, n’est-ce pas se dispenser de mener une réflexion critique sur l’image du monde que nous renvoie l’écriture classique et s’empêcher, par là même, d’interroger le semblant de réalité qu’elle nous présente, pour recevoir une certaine mise en forme du réel ? N’est-ce pas, d’une certaine manière, rester attaché à une forme de pensée et d’écriture passéiste, impropre à rendre compte de ce que nous expérimentons dans la société contemporaine ?
Se poser la question de la discontinuité consiste à étudier les formes d’écriture qui révèlent d’autres formes de réalité correspondant à notre expérience ou, du moins, qui amorcent une réflexion critique sur la narration et la représentation comprises comme vectrices de continuité. La saisie de la simultanéité d’un état de choses ne peut être exprimée par l’enchaînement temporel que présuppose la narration. De nombreux auteurs ne réfléchissent plus « un temps filiforme, comme ces brins tressés de nœuds, dont se servent pour leurs messages les Indiens primitifs, conception d’une durée à une seule dimension le long de laquelle les événements nœuds, le passé le présent, et l’avenir se suivraient sans bousculade, sagement, à la queue leu leu, mais au contraire, un temps semblable à une sorte d’épais magma où l’instant serait comme le coup de bêche dans la terre sombre mettant à nu l’indénombrable grouillement des vers » {3} . D’où la nécessité d’étudier les procédés qui permettent de donner le coup de bêche dans le magma épais du temps et d’exprimer par là même, la profondeur ontologique de l’événement.
I. Les deux vecteurs de la continuité dans la littérature classique
Une étude portant sur la discontinuité dans la littérature contemporaine se doit de commencer par montrer ce qu’elle entend par continuité en littérature.
En effet, diverses formes de continuité structurent un texte littéraire et il s’agit de mettre en évidence les lignes qui la transmettent. Pour cela, l’inscription schématique d’un récit dans un quadrillage permet de repérer deux formes de continuité constitutives de l’exposé narratif. La première de ces formes, horizontale, est causale. Elle correspond à l’enchaînement temporel des événements entre eux et constitue la narration proprement dite. L’autre, verticale, n’est plus de l’ordre de la temporalité et de la causalité qui règlent le déroulement de l’histoire, mais de la représentation qui fait se correspondre les mots et les choses, les signifiants et leurs signifiés. Nous analyserons ces deux dimensions du récit : sa forme narrative et sa forme représentative.
1. L A NARRATION
Pour dégager la spécificité de la narration, nous la démarquons d’une pure chronique qui est une liste de faits historiques rapportés dans l’ordre de leur succession. Car, si toutes les deux peuvent s’intéresser aux mêmes événements, leur approche n’en est pas moins différente. Le chroniqueur raconte les événements dès qu’ils se produisent. Cette immédiateté interdit toutes références à un événement qui ne se serait pas encore produit. Elle interdit toutes les ouvertures sur le futur car le temps qui sépare le chroniqueur de l’événement décrit est beaucoup trop petit : il ne rapporte que des informations. A l’inverse, le narrateur se situe à un intervalle de temps plus éloigné des faits qu’il relate. Il n’est pas obligé d’être contemporain d’eux et peut, sans difficulté, les raconter plusieurs siècles après. Ce délai lui permet de tenir compte d’événements postérieurs. Si le chroniqueur ne peut parler d’ apogée , de crise et de tout ce qui nécessite une réflexion approfondie, cela est permis au narrateur à la condition que les événements qui lui servent de médiation soient bien choisis. En effet, si l’on pouvait montrer qu’ils n’interféraient pas sur ceux du récit, les références seraient inutiles. Pour illustrer ce propos, Arthur C. Danto, dans Narration and knowledge , s’appuie sur une réflexion de Wittgenstein. Ce dernier fait remarquer qu’une roue qui tourne sur elle-même, en entraînant rien avec elle, n’est pas partie constituante d’une machine. De même, un fait relaté qui n’est pas lié de manière causale à un autre fait n’est pas partie constituante d’un récit. Il n’a rien à voir avec l’histoire relatée. Le récit suppose donc une série causale d’événements où chaque événement passé renvoie à d’autres (antérieurs) dont il dépend. Comme son existence dépend de l’existence des premiers, on peut parler d’une linéarité du récit littéraire. Cette mise en série des divers éléments de la narration nécessite le plus souvent l’emploi du passé simple qui oriente l’acte « vers une liaison logique avec d’autres actions, d’autres procès, un mouvement général du monde : il vise à maintenir une hiérarchie dans l’empire des faits » {4} .
La linéarité temporelle, qui vaut pour l’histoire racontée, s’applique également à l’écriture de cette histoire ; ce qui donne lieu &

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