LA Folie est une couleur bleu ciel
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LA Folie est une couleur bleu ciel , livre ebook

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Description

« Je suis seule le plus clair de mon temps. Pas par hasard non, par volonté, je crois. Je constate qu’au matin venu, quand les rayons délicieux du soleil se permettent un vicieux éveil, les pensées, fines comme de la soie, sèment le chaos dans ma tête silencieuse. Un combat sanglant. J’irais même jusqu’à dire qu’il ne se passe pas une seconde sans qu’une d’elles ne me souffle des mots à l’oreille. Ces plaintes qui me torturent les tympans ainsi que les murmures bien gras, rassurants, font partie de l’écume des tempêtes qui m’a ramenée ici. Une tempête des plus essoufflantes que j’aie jamais vécue, soit la tempête de l’âme. […] Aujourd’hui ou demain, c’est sûrement la même chose, je marche vers le néant. Je m’épuise vers l’éternité. Les années ont passé et j’y suis revenue. En ce matin d’hiver, je me suis finalement levée pour aller me suffire, me rassurer et tout recommencer. Je m’appelle Ambre. J’ai vingt ans. Je suis un monstre. »
Originaire de Gatineau, Tania Vallée-Ross livre ici, dans une écriture acidulée, un premier récit déroutant sur la maladie mentale, où l’errance et l’étrangeté s’entremêlent au désordre et à la rémission, non sans une pointe d’humour.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 21 avril 2021
Nombre de lectures 3
EAN13 9782895978107
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0500€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

LA FOLIE EST UNE COULEUR BLEU CIEL
Tania Vallée-Ross
La folie est une couleur bleu ciel
ROMAN
Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives Canada
Titre : La folie est une couleur bleu ciel / Tania Vallée-Ross.
Noms : Vallée-Ross, Tania, 1993- auteur.
Collections : Indociles.
Description : Mention de collection : Indociles
Identifiants : Canadiana (livre imprimé) 20210138386 | Canadiana (livre numérique) 20210138467 |
ISBN 9782895977803 (couverture souple) | ISBN 9782895978091 (PDF) | ISBN 9782895978107 (EPUB)
Classification : LCC PS8643.A442 F65 2021 | CDD C843/.6—dc23
Nous remercions le Gouvernement du Canada, le Conseil des arts du Canada, le Conseil des arts de l’Ontario et la Ville d’Ottawa pour leur appui à nos activités d’édition.

Les Éditions David 335-B, rue Cumberland, Ottawa (Ontario) K1N 7J3 Téléphone : 613-695-3339 | Télécopieur : 613-695-3334 info@editionsdavid.com | www.editionsdavid.com
Tous droits réservés. Imprimé au Canada. Dépôt légal (Québec et Ottawa), 2 e trimestre 2021
Je suis revenue
Je m’appelle Ambre. J’ai les cheveux blonds. Ils sont tellement blonds que le soleil leur donne des reflets blancs. Je ne dirais pas qu’ils sont bouclés. Seulement que parfois ils aiment la folie des courbes. J’ai un regard bleu ciel que j’aime laisser voguer au gré des vagues. Ça oui. C’est sans doute la plus belle chose au monde à regarder. Je me lève les matins pluvieux pour contempler l’abîme du temps. Je ne parle pas ici de l’horloge, mais plutôt des traces d’usure laissées par l’âge. Les nouvelles rides qui parcheminent les visages connus quelques fois ou, tout simplement, les différents manteaux dont les arbres se revêtent au gré des saisons. Je me plais à penser à cette vie qui n’est qu’un souffle. Il me semble d’ailleurs que la mienne est la plus éphémère des bouffées d’air. Je m’endors les soirs d’automne lorsque les arbres, dans un moment de tendresse, se dénudent pour laisser la brise les caresser. Je suis seule le plus clair de mon temps. Pas par hasard non, par volonté, je crois. Je constate qu’au matin venu, quand les rayons délicieux du soleil se permettent un vicieux éveil, les pensées, fines comme de la soie, sèment le chaos dans ma tête silencieuse. Un combat sanglant. J’irais même jusqu’à dire qu’il ne se passe pas une seconde sans qu’une d’elles ne me souffle des mots à l’oreille. Ces plaintes qui me torturent les tympans ainsi que les murmures bien gras, rassurants, font partie de l’écume des tempêtes qui m’a ramenée ici. Une tempête des plus essoufflantes que j’aie jamais vécue, soit la tempête de l’âme. Malgré qu’il me semble entendre l’écho lointain me répéter sans arrêt que je n’aurais pas dû revenir, je ne puis me résoudre à rebrousser chemin. Une fois pour toutes, je traîne les pieds, en direction du connu, en direction de l’inconnu. Cette ville où je suis née sera celle où je m’enterrerai. Ça, c’est déjà décidé, pas la peine d’essayer de me faire changer d’avis. Un, deux, trois, mille, un milliard, les secondes s’essoufflent, elles tombent en lambeaux. Aujourd’hui ou demain, c’est sûrement la même chose, je marche vers le néant. Je m’épuise vers l’éternité. Les années ont passé et j’y suis revenue. En ce matin d’hiver, je me suis finalement levée pour aller me suffire, me rassurer et tout recommencer. Je m’appelle Ambre. J’ai vingt ans. Je suis un monstre.
À cette seconde près, mon souffle se dérobe, mon regard s’incruste dans la forêt qui s’étend, là où une carcasse délabrée se trouve : une maison hantée. Évidemment, je ne parle pas ici de fantômes. La hantise me semble plutôt provenir de mes peurs les plus vives, dont celle où l’amour me délaisse complètement. Je ne puis faire autrement que de revoir cette maison dans mes cauchemars à chacune de mes nuits. J’ai marché pendant plusieurs heures pour finalement y arriver. Chaque pas me semblait plus douloureux l’un que l’autre. Je ne pouvais faire autrement que penser, trimbalant les maigres effets personnels qu’on m’avait remis à ma sortie de l’hôpital.
Avec une pointe d’anxiété, je me mords les lèvres. Suis-je partie trop longtemps pour y entrer sans cogner ? C’est qu’il me semble que sonner ferait autant de bruit qu’une explosion nucléaire dans cette calme forêt. Alors que ma timide main se lève pour faire résonner mes jointures sur le bois, je l’aperçois de l’autre côté de la fenêtre. Tristement vêtu de noir, les bras croisés, le visage dur, il me fait signe d’entrer.
Assise sur le sofa, je suis silencieuse. Il me regarde avec ses yeux, ses poignards, des lames tranchantes où des gorges se déchiquèteraient. Il est fâché. Je comprends un peu. Je dois dire que mon départ a été soudain, il ne devait pas s’attendre à me revoir. J’observe, je m’échauffe. Pourquoi je suis revenue ? Je ne sais plus. On est silencieux. L’atmosphère est tendue, claquante comme une gifle. J’entends la trotteuse de l’horloge me rappeler que le temps passe. Le feu, qui hurle des obscénités au foyer, me rappelle de faire taire tous ces sanglots. Le temps n’est pas à la mélancolie. Dans ma main, je tiens cette tasse lisse, glissante. Je crois qu’il s’agit de céramique. C’est si froid. Un contraste énorme avec la chaleur du thé qu’elle contient. Un thé brûlant, déchirant. Tellement bouillant que mes mains auraient pu fondre. L’idée de ma peau suintante de plasma, cette odeur de calcination et toute cette chair a tôt fait de me donner la nausée.
Assise sur le sofa, entre deux haut-le-cœur, j’attends. J’attends docile. J’ai mille regrets dont je dois me débarrasser. Oui. Je crois bien que c’est pour ça que je suis revenue. Il ricane, il fait l’indifférent. Je crois qu’il veut me faire sentir que je ne suis pas la bienvenue. Ça me tue. Comme si ses ongles plongeaient dans mes orbites, me griffaient les yeux. Alors que je sens la peur me saisir, je commence à suffoquer, à m’étouffer. Mais qu’est-ce que je fais là ? En me redressant vivement sur le sofa, je dépose un pied au sol. Après les quelques secondes nécessaires pour m’assurer de l’immobilité du plancher, je me meus avec l’ardeur du désespoir vers la sortie. Entre deux respirations, je la sens. Elle me guette, elle va tout gâcher. Cette vieille folie qui monte rapidement au travers de ma gorge, qui s’étend jusqu’à mes doigts tremblants. Je veux éviter à tout prix que mon âme se remplisse de détresse. Pas ici. Pas devant lui. Je ne saurais tolérer lui montrer un signe de faiblesse. Je claque la porte et sors précipitamment alors qu’il est toujours assis, le visage entre les mains et les sourcils froncés. En laissant l’air entrer difficilement dans mes poumons, je tente de me calmer. Le sol tremble. Est-ce que le sol tremble ? Je retiens ma respiration et réussis à me calmer quelque peu. Les secondes passent et les tremblements s’amenuisent. Disons pour l’instant qu’il s’agit d’une veille d’ouragan. Une alerte sans dommage, mais à surveiller. J’attends encore quelques secondes avant de quitter en regardant par la fenêtre, dans un vague espoir qu’il reviendra m’ouvrir. Pour qu’on s’explique. Pour que je lui dise que je l’aime encore. Que je suis revenue pour de bon. Mais rien.
Le vent se lève alors que je rentre à pied. Je me sens frissonner de l’intérieur, comme si on me secouait le squelette. Il ne m’aime plus, il m’aime, les marguerites ont disparu, il fait trop noir pour qu’elles puissent m’apaiser. Je cours sur l’asphalte, les pieds nus dans cette nuit silencieuse, sans jamais m’arrêter. Mais qu’est-ce que j’ai fait ? J’ai encore tout raté. Je cherche tristement un repère, un ami pour méditer, pour accepter ce qui m’arrive, mais je me rappelle soudainement que je suis seule. Comme toujours. Ma robe virevolte derrière moi, je me sauve à nouveau. Comme toujours. Je me sens observée dans cette nuit noire. Tous ces regards malicieux me lacèrent le cœur. Ils sont partout à m’observer au travers des fenêtres de leurs chambres. Des enfants. Ils devraient tous être couchés, non ?
— Mais qu’avez-vous donc à me regarder ainsi ? leur crié-je, rageuse, en accélérant le pas.
Arrivée dans mon taudis, ce vieil appartement miteux, le seul que je puisse me payer d’ailleurs, j’attrape le premier pot d’aquarelle à ma disposition et peins sur les murs mes horribles convictions. Les cheveux défaits, la robe de travers, les mains souillées de la substance colorée, je jette un coup d’œil à ce désastre. Rien. Que la noirceur qui camoufle ce moment de folie. Dans ma tête, je suis troublée. Je me croise les doigts, jusqu’à me les fracturer, en espérant qu’un jour le poids du passé s’envolera, qu’il me pardonnera et que tout rentrera dans l’ordre. Ça ne peut rester ainsi de toute façon, non ? Il ne peut pas vraiment me laisser et passer à autre chose ? Cette torture qui s’empare de mon être me transforme en un cadavre de regrets et d’amertume. Je me laisse choir sur le seuil de ma chambre

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