La légende de la mort en Basse-Bretagne
569 pages
Français

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Description


Anatole Le Braz (1859-1926)






"Les légendes contenues dans ce volume ont été recueillies dans trois régions distinctes du pays breton : le Trégor, le Goëlo et le Quimperrois. Elles proviennent, en grande majorité, de la première de ces trois régions et ont été principalement recueillies dans les deux communes de Bégard et de Penvénan. Un hameau de Penvénan, le Port-Blanc, habité surtout par des marins et des pêcheurs, a fourni à M. Le Braz une moisson particulièrement abondante. Un grand nombre de ces légendes ont pour théâtre le village même où elles ont été recueillies ou un village voisin ; quelques-unes cependant sont rapportées à la région montagneuse constituée par la montagne Noire et les monts d’Arez. Il n’est pas douteux que l’exploration systématique d’autres parties de la Bretagne n’enrichisse la littérature populaire de récits analogues à ceux que renferme ce recueil. Le Léon, la Haute-Cornouaille, le Vannetais fourniraient sans doute une très riche moisson de légendes, de croyances et de rites de toute espèce aux collecteurs de traditions populaires. On aurait été tenté de croire que les sept volumes de M. Luzel avaient épuisé la matière ; le fait même que M. Le Braz a pu, en peu d’années, recueillir dans une région très limitée une centaine de légendes, dont un grand nombre n’ont pas de parallèles dans les récits qu’a publiés M. Luzel, montre combien cette croyance eût été mal fondée. Aussi peut-on être assuré qu’il y aura place encore pour un grand nombre de recueils de légendes et de contes bretons, comme il y a eu place pour ce livre, à côté de l’œuvre si considérable qu’a édifiée notre maître M. Luzel, le Grimm de la Basse-Bretagne."






A la fin du XIXe siècle, Anatole Le Braz a collecté les légendes et les croyances sur la mort en Basse-Bretagne auprès du peuple et les a traduites en français. Le regard des Bretons sur la mort...

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 04 octobre 2018
Nombre de lectures 2
EAN13 9782374632704
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0019€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

La légende de la mort
en Basse-Bretagne


Anatole Le Braz


Octobre 2018
Stéphane le Mat
La Gibecière à Mots
ISBN : 978-2-37463-270-4
Couverture : pastel de STEPH'
lagibeciereamots@sfr.fr
N° 271
Introduction
 
I
 
Les légendes contenues dans ce volume ont été recueillies dans trois régions distinctes du pays breton : le Trégor, le Goëlo et le Quimperrois. Elles proviennent, en grande majorité, de la première de ces trois régions et ont été principalement recueillies dans les deux communes de Bégard et de Penvénan. Un hameau de Penvénan, le Port-Blanc, habité surtout par des marins et des pêcheurs, a fourni à M. Le Braz une moisson particulièrement abondante. Un grand nombre de ces légendes ont pour théâtre le village même où elles ont été recueillies ou un village voisin ; quelques-unes cependant sont rapportées à la région montagneuse constituée par la montagne Noire et les monts d’Arez. Il n’est pas douteux que l’exploration systématique d’autres parties de la Bretagne n’enrichisse la littérature populaire de récits analogues à ceux que renferme ce recueil. Le Léon, la Haute-Cornouaille, le Vannetais (1) fourniraient sans doute une très riche moisson de légendes, de croyances et de rites de toute espèce aux collecteurs de traditions populaires. On aurait été tenté de croire que les sept volumes de M. Luzel avaient épuisé la matière ; le fait même que M. Le Braz a pu, en peu d’années, recueillir dans une région très limitée une centaine de légendes, dont un grand nombre n’ont pas de parallèles dans les récits qu’a publiés M. Luzel, montre (2) combien cette croyance eût été mal fondée. Aussi peut-on être assuré qu’il y aura place encore pour un grand nombre de recueils de légendes et de contes bretons, comme il y a eu place pour ce livre, à côté de l’œuvre si considérable qu’a édifiée notre maître M. Luzel, le Grimm de la Basse-Bretagne.
M. Le Braz a volontairement restreint ses recherches à un type particulier de légendes : les légendes qui se rapportent à la destinée des âmes après la mort et à leurs relations avec les vivants. Il a recueilli et publié en même temps les croyances, les usages et les rites qui se rapportent aux morts. Ces croyances et ces rites ont une frappante uniformité, d’un bout à l’autre de la Basse-Bretagne, et presque partout les croyances sont encore vivantes, et les rites encore pratiqués. Il en est beaucoup que M. Le Braz, qui a vécu dès l’enfance en pays breton, a pu voir encore accomplir sous ses yeux.
Toutes les légendes que contient ce volume sont, autant qu’il semble, de formation récente, ou du moins ce sont des formes rajeunies de récits plus anciens : l’une d’entre elles ( La Coiffe de la morte ) a pour origine un événement qui s’est passé vers 1860 ; une autre ( L’Histoire d’un fossoyeur ) se rattache à des faits qui ont eu lieu en 1886. La transformation légendaire des événements réels est cependant déjà complète. C’est qu’en Bretagne aucun mur ne sépare le monde merveilleux du monde réel ; les croyances qui ont donné naissance à ces récits, où les acteurs principaux sont les âmes des morts, sont des croyances encore actives et fécondes, et les Bretons n’ont pas besoin de transporter en des temps reculés ou en un pays lointain un événement surnaturel pour pouvoir aisément y ajouter foi. Ils en sont encore à cet état d’esprit où l’explication d’un phénomène naturel, maladie, mort ou tempête, qui vient tout de suite à l’esprit, est une explication d’ordre surnaturel ; c’est l’ Ankou qui frappe de sa faux les vivants et les emporte sur son char à l’essieu grinçant ; c’est le fiancé mort qui est venu, la nuit, chercher, dans la maison de son père, sa fiancée qu’on a trouvée morte au cimetière. On raconte, avec la même bonne foi et la même sincérité, qu’un homme a été tué par un arbre qui s’est abattu sur lui ou qu’il est mort parce qu’on l’avait voué à saint Yves de la Vérité.
Aussi ces légendes n’ont-elles pas le caractère mythique de bon nombre de contes recueillis par M. Luzel et ne sont-elles pas non plus de ces récits merveilleux destinés à amuser les heures vides des veillées, qu’on se raconte, au coin d’un feu d’ajoncs secs, en teillant du chanvre sous le manteau des hautes cheminées des fermes. C’est la relation d’événements que l’on croit réels, qui se sont passés en un pays que l’on connaît bien, souvent même où l’on vit, et où ont été mêlés, comme acteurs ou spectateurs, des gens que l’on a vus, à qui on a parlé, et qui parfois même sont des voisins ou des parents. Un grand nombre de ces légendes sans doute ont été recueillies plus loin de leur lieu d’origine, et elles se sont très probablement enrichies, en passant de bouche en bouche, d’épisodes nouveaux, mais elles n’ont pas subi d’autres déformations que celles qu’aurait pu subir le récit d’un crime, d’un naufrage ou d’une bataille ; les éléments merveilleux qu’elles renferment ne sont pas des éléments surajoutés, c’est d’événements surnaturels qu’est tissée la trame même dont elles sont faites. À vrai dire, et nous reviendrons sur cette question, cette distinction entre le naturel et le surnaturel n’existe pas pour les Bretons, au sens du moins qu’elle a pour nous ; les vivants et les morts sont au même titre des habitants du monde et ils vivent en perpétuelle relation les uns avec les autres ; on redoute l’ Anaon comme on redoute la tempête ou la foudre, mais l’on ne s’étonne pas plus d’entendre bruire les âmes dans les ajoncs qui couronnent les fossés des routes que d’entendre les oiseaux chanteurs chanter dans les haies leurs appels d’amour. Tout le pays breton, des montagnes à la mer, est plein d’âmes errantes qui pleurent et qui gémissent ; si tous ne les ont point vues, tous du moins, à certains jours solennels, à la Toussaint ou durant la nuit de Noël, les ont entendues marcher de leur pas muet par les routes silencieuses.
Le travail du collecteur de légendes est fort différent, à certains égards, de celui du collecteur de contes. Le conte est essentiellement un témoin ; en lui survivent souvent des croyances mortes depuis longtemps et qui n’ont pas laissé d’autres traces. Puis, il vient du fond d’un lointain passé ; il dure toujours, semblable à lui-même en ses multiples transformations depuis des milliers d’années ; il vient aussi parfois d’un pays lointain ; il a voyagé à travers les continents et les îles, à la suite des marchands, des soldats et des matelots. La légende, au contraire, est un produit du sol où on la récolte ; c’est là qu’elle est née, c’est là sans doute qu’elle mourra. Une légende n’est jamais que l’expression passagère, l’expression fortuite d’un ensemble de croyances ; elle ne saurait avoir la durée, la résistance que présentent à l’usure du temps, les contes qui renferment, sous une forme qui parfois les rend méconnaissables, des mythes explicatifs de phénomènes naturels ou de rites. Tandis que les contes ne changent guère, les légendes s’effacent assez vite de la mémoire des hommes, aussitôt remplacées par d’autres légendes, dont les héros sont plus familiers au conteur et à ceux qui l’écoutent. C’est là ce qui sépare nettement à la fois ces légendes des contes mythologiques et des récits épiques ou historiques, où le nom, la personne, le caractère du héros jouent un rôle essentiel. Ici, les personnages que les conteurs mettent en scène sont les premiers venus ; si c’est leur aventure qu’on raconte et non pas celle de tel ou tel autre, c’est parce qu’on est leur voisin, qu’on les connaît, que l’on s’intéresse à eux et aussi parce qu’on est mieux renseigné sur ceux qui vivent auprès de vous. Aussi l’exactitude littérale serait-elle, à tout prendre, beaucoup moins importante pour un recueil comme celui que nous publions aujourd’hui que pour un recueil de contes : ce qui importe ici, à vrai dire, ce sont beaucoup plutôt les thèmes des légendes que les légendes elles-mêmes ; elles ne sont, à tout prendre, qu’une illustration, une sorte de mise en œuvre, animée et vivante, des croyances et des rites que nous a révélés l’observation directe.
M. Le Braz les a recueillies cependant avec le même soin scrupuleux avec lequel il recueillait naguère en compagnie de M. Luzel les chansons populaires de la Cornouaille et du Trégor (3) . La plupart de ces légendes lui ont été contées en breton, quelques-unes en français ; il les a toutes écrites sous la dictée des conteurs dans la langue même où elles lui étaient dites, puis il a ensuite traduit en français celles qui lui avaient été contées en breton. C’est seulement pour ne pas trop grossir le volume et pour le faire accessible à un plus large public, que M. Le Braz n’a pas publié les originaux bretons. La forme sous laquelle les légendes ont été contées a été partout respectée ; c’est à peine si çà et là on a cru devoir modifier légèrement quelques phrases obscures ou incorrectes ou couper quelques digressions inutiles à la marche du récit ; les traductions sont des traductions presque littérales.
L’allure parfois très littéraire de ces récits pourrait mettre en défiance ceux qui jugeraient de la littérature populaire par les contes souvent très plats et très décolorés qui ont été recueillis dans les pays de langue française, je pourrais citer, par exemple, les contes populaires de Lorraine, qu’a publiés et si richement commentés M. C.-E. Cosquin. Mais il faut se souvenir que les productions de l’imagination populaire ont en pays celtique un caractère plus poétique qu’en pays roman et on serait tenté de dire qu’en pays germanique ; cette couleur, ce pittoresque du récit, ces images vives et frappantes se retrouvent dans les poèmes gallois comme dans nos légendes bretonnes et il est plus d’une sône , composée par un cloarec de Basse-Bretagne, qui figurerait dignement à côté des lieder les plus pénétrants et les plus mélancoliquement passionnés des chanteurs allemands.
Si on ne retrouve pas dans les contes ce même accent d’émotion profonde, ce sens si vivant et si lointain des terreurs secrètes de ce monde merveilleux

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