Le Chemin le plus court
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Description

Extrait : "Hugues était fils d'un cultivateur médiocrement riche des environs du Havre. Quelques dispositions pour l'étude, qu'il avait montrées de bonne heure, avaient engagé son père à le mettre au collège à Rouen ; plus tard il l'avait envoyé à Paris pour y étudier le droit."

À PROPOS DES ÉDITIONS LIGARAN :

Les éditions LIGARAN proposent des versions numériques de grands classiques de la littérature ainsi que des livres rares, dans les domaines suivants :

• Fiction : roman, poésie, théâtre, jeunesse, policier, libertin.
• Non fiction : histoire, essais, biographies, pratiques.

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Informations

Publié par
Nombre de lectures 37
EAN13 9782335121735
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0008€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

EAN : 9782335121735

 
©Ligaran 2015

À JEANNE
À JULES JANIN
Première partie

I Pourquoi l’étudiant Hugues quitta Paris
Hugues était fils d’un cultivateur médiocrement riche des environs du Havre. Quelques dispositions pour l’étude, qu’il avait montrées de bonne heure, avaient engagé son père à le mettre au collège à Rouen ; plus tard il levait envoyé à Paris pour y étudier le droit.
Les idées qui, en nombre à peu près égal à celles de la plupart des autres hommes, meublaient la tête de l’étudiant, étaient produites, d’abord par les romans de toutes sortes dont il avait rempli sa mémoire, puis par la fréquentation d’autres étudiants qui lui avaient inculqué quelques parcelles de la philosophie incrédule du XVIII e siècle.
Il est facile de comprendre que, de deux éléments ainsi opposés, il devait naître une foule d’inconséquences et d’idées contradictoires, et que Hugues, tout en affichant l’incrédulité verbeuse et assez ridicule dont ses camarades se faisaient gloire, ne laissait pas d’avoir en même temps les croyances au moins aussi ridicules que lui avaient données ses lectures. L’apprentissage de la vie devait être dur pour lui ; chacun de ses pas était une lourde chute. Très jeune encore, enthousiasmé de la lecture de Robinson, et redoutant une correction paternelle, il avait passé deux mois à la campagne, espérant trouver une caverne commode, des fruits et des œufs d’oiseaux. Au bout de ce temps, il était revenu maigre, pâle, affamé, exténué, sale, en lambeaux, et souffrant d’un rhumatisme qu’il garda toute sa vie. Plus tard, timide comme l’est tout jeune homme fier et bien élevé, il prit son embarras dans un salon pour un philosophique éloignement du monde, sa gaucherie auprès des femmes pour un sage mépris de leur frivolité, sa maladresse à la danse pour une juste horreur d’un amusement ridicule et insignifiant.
Cette bienveillance pour tout le monde que l’on a à dix-huit ans et que l’on n’ose manifester par crainte de ne la pas voir assez accueillie, retombait sur son cœur et lui causait ce genre d’irritation que l’on n’éprouve jamais que contre les gens qu’on aime ou qu’on se sent disposé à aimer ; il se crut misanthrope, s’éloigna de la ville pour aller aux champs vivre au milieu des vertus paisibles des laborieux habitants de la campagne : c’est sous la cabane du pauvre , à l’ombre des bois verts, sur les prairies émaillées, que devaient se trouver la vertu, la gaieté, la franchise, la bonhomie, l’égalité. Il ne rêvait qu’à la naïve pudeur des filles des champs, se mirant dans le cristal des fontaines  ; à la danse si gaie, sous les arbres, au son de la musette ; à la paix, au bon accord, qui devaient régner entre ces bons paysans. Il partit.
Comme il approchait d’un village, il vit de loin, avec une sensation désagréable, que les chaumières étaient couvertes de tuiles et d’ardoises. Plus près, il n’y avait d’autres prairies que des champs de betteraves et de navets, d’autres fontaines que des mares infectes, d’autres vierges que de grosses sales filles à la voix rauque, aux discours grossiers ; la musette, dont il ne connaissait que le nom, se montra alors une peau puante, rendant, sur les lèvres avinées d’un pataud, des sons aigres et insupportables. Des voituriers, conduisant dans la boue une charrette pesamment chargée, accrochèrent la voiture légère sur laquelle était Hugues, et faillirent la renverser. Il s’ensuivit une querelle entre le voiturier de Hugues et les paysans ; dans la rixe, Hugues reçut sur le nez un coup de râteau tellement violent, que le râteau se cassa.
À ce moment passait le magistrat du lieu, en sabots, en grosse veste et en bonnet de laine. Hugues, fut saisi d’une véhémente admiration pour cette noble simplicité de mœurs. Il crut voir un patriarche, et lui parla comme il eût parlé en pareil cas. Le magistrat l’écouta ; puis ayant entendu en même temps les charretiers qui couvraient sa voix de la leur, il prononça cette mémorable sentence : « Tout bien entendu, il y a eu un râteau de cassé, il faut que ce râteau soit payé ; monsieur donnera trois francs. » Hugues, presque aussi étourdi du jugement que du coup de râteau, donna trois francs : et pensant que ce village, trop près de la ville, avait pris quelque chose de sa corruption, il revint sur ses pas, aux huées des charretiers et du magistrat, et attendit avec impatience le moment où il pourrait aller plus loin chercher la douce paix et les vertus champêtres.
Hugues avait son logement dans un quartier retiré : il habitait une chambre tout au haut d’une maison, sur une terrasse. Il pouvait contempler une grande étendue de ciel et respirer un air assez pur. Il jouissait du lever et du coucher du soleil et voyait le jour une demi-heure avant qu’il fut descendu dans la rue, et une demi-heure après qu’on avait allumé les lanternes. Ajoutez que le vent qui, aux Tuileries, faisait à peine frissonner les dentelles aux mantelets des femmes, produisait chez l’étudiant de véritables ouragans, brisait les vitres et emportait les cheminées.
Quand on faisait quelque plaisanterie sur la prodigieuse élévation de son logement, que l’on prétendait être au quatorzième étage, il répondait, en souriant, qu’ayant, en sa qualité d’artiste, commerce avec les dieux, il avait cru devoir, pour la facilité des communications, leur épargner une partie du chemin.
Sa chambre était meublée d’abord de quatre murailles et de deux fenêtres, puis de quatre nattes de jonc, d’un lit, d’un grand fauteuil et de deux chaises incomplètes. Aux murailles pendaient des fleurets, quelques ébauches données par des camarades, et trois ou quatre pipes de différentes couleurs et de diverses dimensions.
Il était rare que Hugues fût seul dans son logis. Quelques camarades étaient le plus souvent occupés à fumer chez lui et à parler politique.
Il serait difficile de préciser la date de cette histoire ; nous ne pensons pas qu’aucun des personnages qui y figurent soit aujourd’hui vivant ; mais c’était l’époque où la jeunesse française commençait à échanger la gaieté insoucieuse et l’abandon si gracieux de son âge contre une gravité et des préoccupations tristes, si elles sont réelles ; ridicules, si elles sont factices. On commençait alors, ce qui est si commun aujourd’hui que l’on ne s’en aperçoit plus, à rejeter dix belles années de sa vie, dix années dans lesquelles l’homme, dans toute la force du corps et de l’esprit, emploie sa puissance à jouir, pendant les quelques instants qui forment une limite si étroite entre les désirs et les regrets. Aujourd’hui l’on passe de l’enfance à l’âge mûr ; on a supprimé la jeunesse, et c’est sans intervalle que, après avoir employé la première moitié de la vie à désirer la seconde, on consume la seconde à regretter la première. Si l’on secoue l’arbre en fleur, si l’on fait tomber avant le temps cette neige odorante qui le couronne au printemps comme une fraîche guirlande de fiancée, on n’en aura pas pour cela plus de fruits.

En ce temps-là, commença pour Hugues un enchaînement de malheurs.
Hugues, je ne sais si nous l’avons dit, ou du moins si nous l’avons dit clairement, faisait semblant d’étudier le droit, et ne s’occupait que de peinture, quand il s’occupait de quelque chose. Quelques lettres de recommandation qu’il avait apportées, passablement d’esprit et une certaine élégance naturelle, et un remarquable habit marron à collet de velours, le faisaient recevoir dans une société, assez distinguée.
Hugues ne manqua pas de devenir amoureux d’une des femmes qu’il rencontrait le plus fréquemment
Comme il arrive souvent, celle en laquelle il crut trouver l’assemblage de toutes les vertus, de tous les talents, de toutes les grâces, fut celle qui la première lui parut jeter sur lui un regard favorable, ou qui la première laissa tomber un petit gant blanc que Hugues put ramasser, ce qui lui donna l’occasion, la hardiesse de lui adresser quelques mots sur la blancheur d’une main assez grosse que renfermait un peu difficilement le petit gant blanc.
Son hommage fut assez bien accueilli ; la vivacité de ses sensations, le romanesque de ses idées, avaient un charme assez puissant aux yeux de la femme qu’il croyait avoir choisie.
Mais une série de petites infortunes vint l’arrêter près du but.
Un soir,

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