Le reste est silence...
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Description

«Vous lirez donc, j’espère, cette très simple histoire où beaucoup de vie réelle et de frémissante humanité tiennent en peu de pages et en de menus événements. Vous y verrez avec quelle fine sobriété nous sont peints la vieille cité maritime et commerçante, l’intérieur bourgeois et provincial qui fournissent à chaque scène du roman un décor si approprié. Vous ne pourrez vous empêcher de plaindre et d’aimer la frivole Mme Meissirel, petite «Bovary» marseillaise aux inconsciences et aux grâces de créole, «maman» adorable, mais intermittente, s’occupant de son enfant avec excès quand elle ne le néglige pas tout à fait pour se passionner ailleurs. Vous aimerez et plaindrez aussi son lourd mari, prodigieusement maladroit, timide ou énergique à contre-temps, docile aux suggestions d’une sœur acariâtre et, malgré tout, plein de tendresse, de débonnaire indulgence. Vous ne vous étonnerez pas que le petit garçon prenne d’instinct parti pour sa mère, pour la grande amie enjouée, capricieuse, futile dont il se sent presque l’égal ; et, quand cette mère impulsive aura déserté la maison, vous trouverez non moins naturel qu’il se découvre solidaire de l’humiliation, de l’angoisse paternelles.» Marcel Ballot.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 28 décembre 2019
Nombre de lectures 7
EAN13 9782373630848
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0022€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Edmond Jaloux
Le reste est silence…
 
 
 
Bibliothèque malgache


Préface
Tout en rendant justice au dernier roman de M. Edmond Jaloux et à ses réelles qualités, j’avais, autant qu’il m’en souvient, chicané le jeune auteur sur quelques négligences de style et d’expressions. Dans le nouveau récit qu’il vient de publier et qu’il a, un peu prétentieusement peut-être, intitulé le Reste est silence… nous allons retrouver les mêmes qualités de fond et à peine trace, – disons-le bien vite, – des légères incorrections qui déparaient le Démon de la Vie . C’est à la loupe qu’il faudrait ici chercher telles de ces constructions douteuses, tels de ces vocables impropres, tels surtout de ces « phocéismes » auxquels nous faisions la guerre ; et quand nous aurons rappelé qu’on n’écrit pas : « C’était un être à qui tout avait raté dans la vie », ou encore que, sur une table, on ne laisse pas « une enveloppe à deux pas de son assiette », notre incorrigible pédanterie sera entièrement quitte envers M. Edmond Jaloux. Nous n’aurons plus qu’à le féliciter d’avoir composé un livre charmant, d’une sensibilité plus délicate, d’un art plus affiné que tous ses essais antérieurs et où parfois nous crûmes sentir, – ceci n’est point une critique, – l’heureuse influence littéraire de M. René Boylesve.
Le héros ou plutôt le narrateur qu’on nous présente a, en effet, quelque analogie avec l’Enfant à la balustrade . Pour évoquer ses souvenirs d’enfance il se refait aussi une âme puérile, une petite âme de cire vierge que toute impression, même légère, même énigmatique, entaille et marque ineffaçablement. Naïf explorateur, il nous aide à pénétrer en ce microcosme si vaste, si vibrant, si mystérieux qu’est une conscience de bambin ; et s’il reste le témoin presque aveugle, presque muet du banal drame de ménage qui menace de séparer à jamais ses parents, nous en suivons cependant toutes les péripéties, toutes les secrètes répercussions dans les battements éperdus de son pauvre cœur instinctif. Nous voilà loin du roman délicieusement ironique où M. Fernand Vandérem, refusant de s’attendrir sur le sort de la Victime , soutenait que l’enfant trouve son compte aux dissensions conjugales ; mais, bien qu’il y eût aussi du vrai en ce spirituel paradoxe, le livre de M. Edmond Jaloux nous paraît beaucoup plus conforme à la vivante et moyenne vérité. D’autre part, l’écrivain a su traduire cette immense détresse enfantine sans procédés larmoyants, sans développements oratoires, sans nulle intervention d’auteur, et il faut l’en féliciter, car les romanciers qui traitèrent avant lui « du partage de l’enfant » n’eurent ni sa légèreté de main ni ses jolis scrupules d’art.
Vous lirez donc, j’espère, cette très simple histoire où beaucoup de vie réelle et de frémissante humanité tiennent en peu de pages et en de menus événements. Vous y verrez avec quelle fine sobriété nous sont peints la vieille cité maritime et commerçante, l’intérieur bourgeois et provincial qui fournissent à chaque scène du roman un décor si approprié. Vous ne pourrez vous empêcher de plaindre et d’aimer la frivole Mme Meissirel, petite « Bovary » marseillaise aux inconsciences et aux grâces de créole, « maman » adorable, mais intermittente, s’occupant de son enfant avec excès quand elle ne le néglige pas tout à fait pour se passionner ailleurs. Vous aimerez et plaindrez aussi son lourd mari, prodigieusement maladroit, timide ou énergique à contre-temps, docile aux suggestions d’une sœur acariâtre et, malgré tout, plein de tendresse, de débonnaire indulgence. Vous ne vous étonnerez pas que le petit garçon prenne d’instinct parti pour sa mère, pour la grande amie enjouée, capricieuse, futile dont il se sent presque l’égal ; et, quand cette mère impulsive aura déserté la maison, vous trouverez non moins naturel qu’il se découvre solidaire de l’humiliation, de l’angoisse paternelles. Toute psychologie exacte paraît, en effet, facile et un peu élémentaire, mais celle-ci est plus compliquée qu’on ne le croirait à première vue et M. Edmond Jaloux en a très fidèlement noté les moindres nuances. La longue veillée du père et de l’enfant, les brefs colloques de ces deux abandonnés ne songeant qu’au retour de l’absente et n’ayant garde d’y faire allusion, leur joie folle, désordonnée lorsque, le lendemain et faute d’avoir trouvé un autre asile, elle vient reprendre sa place auprès d’eux, ont très heureusement inspiré le talent du romancier. De tout cela il a dégagé une sorte de poésie familière, mélancolique, désabusée qui ne manque pas d’un certain charme. Et j’en dirai autant de l’épilogue hardi, qui, après bien des années, remet un instant face à face, dans le promenoir d’un music-hall, le fils, maintenant adulte, et le médiocre amant de Mme Meissirel : pour cet étranger qu’a jadis aimé sa mère le jeune homme éprouve, contre toute attente, un élan de fugitive, d’irrésistible sympathie, car, avec lui-même, c’est, sans doute, le seul être au monde, – le seul ! – en qui revivent parfois l’image et le souvenir de la morte ; en qui subsistent son profil droit, ses grands yeux bleus d’enfant si purs et si tranquilles, ses cheveux si bruns, « dont les bandeaux formaient autour du front comme deux ailes d’hirondelle » ; et, quoiqu’un peu morbide, cet attendrissement filial n’est pas non plus sans beauté. Enfin, puisque j’ai signalé quelques phrases discutables de M. Edmond Jaloux, il est juste que, pour clore cette trop brève analyse, je cite de lui une page assez belle et où me semble résumée, la philosophie de son livre : « Des coupables ? » se demande son héros pensant peut-être aux défaillances de la fragile mère qu’il a tant chérie. « Des coupables ? Non. À regarder de loin et de haut, il n’y a que des malheureux, des innocents destinés par la nécessité, ou jetés de côté et d’autre comme des épaves, pauvres loques de chair aveugle et douloureuse qui sont dans la vie cruelle et puissante ce que sont les feuilles mortes dans une rafale, et les branches d’arbre dans un torrent !… Oh ! dites, n’est-ce pas ainsi que Dieu doit voir la terre et les faibles humains, qui s’agitent, aiment, s’efforcent, sanglotent et souffrent le temps d’un éclair, avant de se coucher tout de leur long contre l’argile vorace, quand sonnent sur le chemin, dans une lumière sulfureuse, les grands chevaux pâles de la Mort. »
De telles digressions lyriques sont rares, je le répète, en ce roman d’un tour très intime et d’une observation très aiguë, mais elles démontrent suffisamment que le jeune écrivain dispose d’un clavier fort étendu. Il a cru devoir, cependant, nous le prouver une fois de plus en faisant suivre le Reste est silence… d’une longue nouvelle qui dénote une singulière virtuosité, mais dont nous n’avons guère apprécié le romantique byronisme. Quand donc auteurs et éditeurs comprendront-ils qu’un bon livre de deux cents pages n’a nul besoin de complément et que c’est un mauvais calcul d’y coudre, afin de le grossir, une plus faible nouvelle ? Aussi eussions-nous préféré que le Roi Cophetua , conte symbolique, ambitieux et cruellement vide, écrit un peu dans la manière du très surfait Oscar Wilde, ne vînt pas encombrer de son morne dandysme un volume par lui-même exquis. Mais il serait fâcheux que le Reste est silence… eût à souffrir du voisinage et, tel qu’il est, le livre de M. Edmond Jaloux nous semble encore un des meilleurs ouvrages que nous ayons lus cette année.
 
Marcel Ballot.
Le Figaro , 17 mai 1909
 
À Madame Blanche Rousseau
Le reste est silence…
I
Je m’en souviens bien, c’était un dimanche. Je n’aimais pas beaucoup ce jour-là ; on me coiffait longuement et minutieusement, on m’habillait avec plus d’élégance que de coutume, et tout cela ne se passait point sans que je fusse un peu bousculé et pas mal grondé. Ensuite, nous allions à la messe, ce qui ne m’amusait pas davantage ; j’avais un livre, et je devais y suivre la cérémonie. Je le revois, ce pauvre livre : il était étroit et long, avec une reliure molle, dont les coins se tordaient et dont la couleur bleue semblait râpée. Je ne savais jamais où en était le prêtre. De temps en temps, je questionnais ma mère ; elle m’indiquait un passage de son doigt ganté, et je lisais, je lisais, avidement, sans aucun souci d’être en rapport avec l’office, puis, quand j’avais une grande avance, je m’arrêtais et tombais dans une méditation profonde. J’étais surtout vexé qu’on me défendît de parler et de tourner la tête quand j’entendais quelqu’un remuer derrière ma chaise.
Mais le plus terrible, le dimanche, c’était l’après-midi. Mon père avait des idées simples ; il voulait que sa femme mît sa plus belle robe et que nous sortissions ensemble. Elle était toute jeune et bien jolie, et il était fier de la montrer à son bras et d’avoir l’air de dire aux gens : « C’est moi, qui suis le mari de cette délicieuse créature… » Mais elle ne prenait pas le même plaisir que lui, elle était loin de partager sur la vie toutes ses opinions, – peut-être même n’en partageait-elle aucune, – et la raison pour laquelle ces deux êtres s’étaient réunis, Dieu seul la sait !
Nous allions donc errer là où les bourgeois du dimanche se réunissent, sous les grands arbres des jardins publics et des boulevards. Je crois que cette lente promenade solennelle m’ennuyait autant que ma mère. En revenant, nous entrions souvent dans un café, – toujours le même. On me donnait un « canard » et je m’amusais longuement de voir le café à la crème creuser un minuscule Maëlström dans le verre de papa, quand on y tournait, très vite, une petite cuiller. Après quoi, mon père tenait à ce que l’on rendît visite à sa sœur. Elle était mariée avec un avoué et avait quatre enfants. C’était une petite femme grosse, rouge, remuante, tracassière, avec une figure large et toujours luisante, comme si on l’huilait chaque matin de peur d’en entendre grincer les articulations. Mais, hélas ! on n’huilait pas de même les ressorts de son caractère, et ils en auraient eu grand besoin. Elle détestait sa be

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