Bleu ou la piscine

Anne Cécile

Description

Dans les douches d'une piscine, une femme se donne sans retenue à un inconnu.

Informations

• Publié par: 12-21 Editions
• Date de parution: 24 mai 2012
• Nombre de lectures: 40
• EAN13: 9782823801842
• Langue: Français

Extrait

Anne Cécile

Bleu ou la piscine

12-21

Aussi loin que je me souvienne, j’ai toujours aimé l’odeur et l’atmosphère des piscines : le côté chaud, humide, tropical me rend toujours moite et désirante. Comme enveloppée d’une douce torpeur, à même la peau.

Le fait déjà de se dévêtir, dans le parfum de chlore, le bruit retentissant de tous les sons amplifiés et assourdis, de laisser tomber une à une toutes les pièces de vêtement, et les parcelles de stress qui y restent collées, me rendent toujours euphorique avec le cœur qui bat plus vite. Et comme une émotion légère qui cavale sur l’épiderme.

 

Je n’aime rien tant que sentir mes mains courir sur mes jambes, prises dans l’échancrure d’un maillot de nageur, le plus bel écrin, sexy de n’être prétendument que sportif. Justement parce qu’on n’est pas censé penser à ça, à cet endroit-là, dans ce lieu-là.

 

Mon entrejambe, lieu secret et maritime, piscine intérieure bien gardée, océan vivant aux senteurs d’iode, recherche explorateur aventureux et passionné pour redessiner à deux la carte des eaux.

 

C’est alors que je l’aperçois. Christophe Colomb en personne. L’homme bateau qui croise les mers jusqu’au tréfonds. Et la sirène en moi s’agite et bat de la queue. Car l’évidence se profile. Lui, je le chevaucherai. Il me naviguera. Instantanément, je fonds, je me dilue, et je lui rends hommage.

 

Peu d’hommes, me dis-je, résistent au test du moule-bite – bonnet de bain en latex – lunettes de nageur – claquettes.

Certains ont juste l’air d’avoir de petits zizis morts de froid et de peur, recroquevillés comme des chatons sous une couette.

D’autres arborent de gros ventres bombés, que nulle chemise coûteuse n’arrive à faire passer pour du statut ou de la gloire.

D’autres encore ne sont que mélange de peau blanche, striée de nervures, clairsemée de poils, moitié cheveux, moitié calvitie, et le reste érigé en système pileux anarchique sur fond de chair de poule.

 

Lui… Lui se tenait grand, fort, fier, souple, ferme, taillé en Y : un V et une jambe en dessous.

Je ne vis que sa troisième jambe.

Belle bite reposant calme et tranquille au creux de l’aine.

Bite fière et noueuse, musculeuse, large, à la naissance de sa jambe, là où le ventre finit. Dans ce creux si doux à lécher jusqu’à plus soif, où, déjà, je voulais mourir et ne plus jamais bouger.

Une peau imberbe, lisse, soyeuse, à la couleur parfaite : ni blanche, ni verte, ni bleue, ni marbrée, ni mauve. Une peau claire d’homme blanc, laiteuse, duveteuse, souple, une peau de jeune vierge à griffer, à lacérer, à maltraiter un peu.

J’ai instantanément le ventre qui se serre. Le désir monte. Avec lui, la nécessité de m’incruster dans cette chair comme un tatouage, de m’insinuer en lui comme l’encre bleue, bleue comme le sang dans ses veines, bleue comme mon clitoris congestionné de désir, bleue comme la piscine qui nous regarde en riant de tous ses clapotis, de tous ses rires d’enfants, de tous ses bruits qui couvriront les nôtres. Bientôt.

 

Le bruit sec de sa main sur mon ventre qui claque comme une voile au vent. Le bruit mat de ses hanches qui se calent contre mon cul. Le bruit humide de sa langue dans mon oreille.