Gourmandises
22 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris

Découvre YouScribe en t'inscrivant gratuitement

Je m'inscris
Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus
22 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Obtenez un accès à la bibliothèque pour le consulter en ligne
En savoir plus

Description

Cinq histoires de sexe, d'amour et de gourmandise. Fleur Deschamps explore, dans une langue savoureuse, le registre du goût, du parfum, des sens et propose à ses lecteurs et à ses lectrices de découvrir et de retrouver le bonheur explosif dont on se prive à tort parfois, du chocolat, des bonbons, de la chair. Cinq histoires qui titillent nos sens, ici on touche, on regarde, on respire, on entend, on raconte et on s'évade ! Mais c'est aussi l'étude de sentiments troublants, le chemin de l'intime qu'elle nous invite à suivre.

Sujets

Informations

Publié par
Nombre de lectures 103
EAN13 9782374534107
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0022€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Gourmandises
Fleur Deschamps
Fruits défendus
Sa famille endormie, Manon se glisse hors du logis familial. Le soleil est au plus haut, il écrase de sa chaleur les vignes délaissées. C’est l’heure de la sieste. Elle a patiemment attendu que les ronflements de son père ébranlent les murs de pierre du château. Enfin château, c’est vite dit. Disons domaine et même là, ça ne rend pas vraiment compte de la réalité bien plus simple de leur famille de vignerons. Le vin est bon, mais la demeure modeste.
Elle sait que le chef de famille ne se réveillera pas avant une heure ou même deux. Son épouse soumise, bien que rarement endormie, reste sagement près de lui, à écouter la respiration de l’ogre qu’elle a épousé. Il l’a sûrement baisée avant de s’endormir repu. Manon a entendu leurs gémissements étouffés avant que ne suivent les ronflements du père. De plus loin qu’elle s’en souvienne, elle a toujours entendu ses parents faire l’amour. À l’heure de la sieste, le soir ou le matin avant que la maisonnée ne se réveille pour une longue journée. Son père est un géant brun, buriné par le vent des coteaux, musclé par le travail épuisant dans les vignes. Sa voix de stentor emplit l’espace, son rire d’ogre les emporte dans sa démesure. Manon l’admire et le craint. Sa mère est au contraire une petite chose discrète, docile, les yeux sombres toujours baissés, les cheveux noirs mêlés de gris à présent. Un jour, enfant, après un cauchemar qui l’avait effrayée, elle a poussé sans y penser la porte de la chambre parentale. L’image s’est gravée dans sa mémoire, vision indélébile qui devait la marquer. Le géant à genoux, chevauchait sa mère à quatre pattes sur le lit dévasté. Les énormes mains crispées sur ses jolies hanches. Sa trique monstrueuse pressée contre les fesses rondes et blanches qui s’offraient, puis enfoncée entre les cuisses écartées qui frémissaient. Elle était restée subjuguée par la force sauvage de cette union, elle n’avait jamais oublié ce père pilonnant soudain une mère transformée en un objet de désir, un être haletant, toute discrétion oubliée, qui se caressait les seins gonflés en gémissant. Manon avait refermé la porte doucement.
Pendant les années qui suivirent, elle a écouté leurs jeux, leurs râles, l’oreille collée à la paroi qui sépare leurs chambres. Adolescente, elle a même osé pousser la porte plusieurs fois au plus fort des cris. Petite voyeuse, désireuse d’apprendre leur secret. De comprendre ce lien charnel qui les unissait au-delà des sacrements, des promesses, des enfants et du domaine. Cette fusion quotidienne de leurs corps enflammés. À présent, jeune adulte, c’est à elle d’essayer, d’enchaîner les figures, de multiplier les expériences.
Tout à leur sieste méritée, les parents ne verront donc pas leur fille aînée cavaler sur les coteaux ensoleillés. Les autres enfants, eux, ont ordre de rester dans leurs chambres, comme tous les ouvriers. Ils doivent se reposer durant les heures chaudes de la journée. En juillet point d’école, mais point de liberté non plus. Il faut relever et arranger les branches pour que le Mistral ne les casse point, enrouler les sarments et effeuiller à la main pour aérer les grappes, ce qui permet au soleil de mieux les réchauffer. Manon est habituée à aider ses parents. La fac ne reprend qu’en octobre, elle fera donc les vendanges cette année. Mais pour elle, pas question de sacrifier son plaisir au travail, de rester cloîtrée dans sa chambre pendant la sieste imposée. Alors, par la fenêtre de sa chambre, elle a déroulé une échelle de corde et se laisse glisser jusqu’au sol.
Pieds nus, elle court dans la nature, sa jupe relevée sur ses cuisses brunies par l’été. Elle passe devant les serres de gariguettes et maras, ces variétés de petites fraises du sud au goût intense de fraises des bois. Les gariguettes ont bien donné en mai et encore en juin, mais aujourd’hui, les maras des bois arrivent à maturité. Manon en cueille un plein panier avant de reprendre le chemin du verger. Son père ne lui pardonnerait pas s’il savait. Ses escapades amoureuses lors de la sieste, sa virginité depuis longtemps déflorée et le pillage régulier des serres et du verger. Autant d’interdits paternels qu’elle n’hésite pas à briser au nom du plaisir éprouvé. Laurent, son amour de vacances, qu’elle aime retrouver année après année, l’attend comme chaque jour de juillet sous le vieux figuier tout tordu aux fruits encore verts. Il a disposé sur une large couverture bariolée des pêches, juteuses à souhait. Il suffit de les cueillir sur les petits arbres qui parsèment le verger et ploient sous leurs fruits mûrs, gorgés de soleil. Manon adore les pêches dont elle connaît diverses variétés aux noms évocateurs des charmes féminins. Téton de Vénus, Belle de Chevreuse, Grosse Mignonne… Laurent lui a appris que Louis XIV, grand amateur de pêche, faisait cultiver ces variétés coquines dans le jardin fruitier de Versailles. Et ici, dans le sud, le fruit est apprécié depuis l’antiquité.
Laurent s’occupe des fruits sur le domaine. Il n’aime pas la vigne, mais se dévoue avec passion aux pêches, aux figues, aux fraises et autres délices sucrés. Il a deux ans de plus qu’elle qui n’a que vingt ans. Depuis quatre étés, ils s’aiment dans le verger aux heures les plus chaudes de la journée. En octobre reviennent les nuages et elle l’oublie, retrouve ses amis de l’université à Montpellier, suit d’autres chemins, a d’autres amants.

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents