Le Bonheur mongol
256 pages
Français

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Le Bonheur mongol , livre ebook

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256 pages
Français

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Description

Entre virées existentielles, tribulations sexuelles, embardées sociales et diatribes en cascades, le narrateur navigue à vue... Il traverse les passerelles du temps, ironise à tout va. "Les hommes dès qu'ils regardent une fille bien roulée et bien sapée c'est tout de suite pour coucher avec elle. Pour vous il n'y a que le cul. On ne voit que ça dans vos yeux...". Epopée dérisoire fin de siècle d'une dérive désespérée comme désopilante...

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 juillet 2009
Nombre de lectures 286
EAN13 9782296680616
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

LE BONHEUR MONGOL
Toni di Troia


LE BONHEUR MONGOL

roman


L’Harmattan
© L’Harmattan, 2009
5-7, rue de l’Ecole polytechnique ; 75005 Paris

http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr

ISBN : 978-2-296-09423-9
EAN : 9782296094239

Fabrication numérique : Socprest, 2012
Ouvrage numérisé avec le soutien du Centre National du Livre
Le plagiat est nécessaire,
l’insurrection l’exige…
Guy Debord
(Idem pour le rabâchement)


Chaque homme est
la mesure de toute chose.
Protagoras


Car ce n’est pas l’homme mais
le monde qui est devenu anormal.
Antonin Artaud
I
La première fois que j’entendis parler de "libération sexuelle" je me libérais moi-même à peine des dernières classes de la puberté. L’imagination famélique je me dirigeais sans vraiment réfléchir vers une tournure d’esprit frontalement non conformiste. Novice je l’étais, mais positivement disposé pour les débauches inouïes… Tout alors me parut concevable, voir sereinement souhaitable : des coïts improvisés en des lieux publics, des avis municipaux de bacchanales, des tossing en guise de bonnes mœurs, des fellationomes à tous les coins de rue, des consentements automatiques, des débits de poitrines…
J’étais d’une crédulité à se tordre les côtes. Cette fantasmagorie personnelle d’un monde érigé en vaste bordel me semblait pourtant parfaitement convenir aux vitesses supposées de la libération. Elle convenait sans être convenable. En fait la libération, celle qu’on qualifiait d’historique, avait déjà eu lieu. On nous la situait comme contemporaine des générations psychédéliques ou baba-cool. On nous disait qu’un champ d’expériences sans précédent avait vu le jour. On nous faisait mousser.
Pas la moindre trace autour de nous, pas le moindre signe, hormis les cachotteries pornographiques ou les chroniques annoncées du flétrissement des roses. Pour finir ça n’avait duré qu’un printemps, un printemps douloureusement subversif car il donnait des maux de tête. Le sexe n’y avait figuré qu’une modalité transgressive pour intellectuels en manches de chemise au même titre que la drogue ou la musique.
Non, le plaisir comme but et mode de vie avait péri avec les Sybarites. La jouissance comme dépense somptuaire désespérait à nouveau de trouver une place de choix dans les temps reproduits de la crise et face à la montée d’un cynisme protéen qui du reste nous attendait de pied ferme à la sortie du lycée. Quand on a de l’existence une vue essentiellement orgiaque les impératifs de l’organisation sociale frappe à la gueule avec une dureté abominable.
Déjà, deux siècles plus tôt, entre lumières et ténèbres, on s’interrogeait sur le rôle des passions individuelles et sur la marche à suivre pour qu’elles ne dénigrent pas trop ouvertement la société en train de s’ériger. L’hypocrisie bourgeoise, sa pudibonderie tartuffée, n’ont pas d’autre origine. Elle a toujours cherché à tous prix le muselage des instincts qu’elle ne se prive pas de galvaniser sans scrupules si besoin est – dans les conflits de masse par exemple. En somme il s’agit toujours d’attifer le mammifère humain d’une panoplie de bonnes conduites conventionnées en vue d’intérêts de plus en plus économiques, et de moins en moins lubriques.

L’ennui avec les révolutions c’est qu’elles ramènent forcément au point de départ. Etymologiquement aucune tromperie. On repart pour un tour à chaque fois. Inutile de nier que les acteurs changent, que les décors se transforment, que les dialogues sont revisités. A ce stade de l’histoire on pourrait citer ce vieil esprit bourgeois justement comme souvenir rococo dispersé à travers le corps brouillé de l’imaginaire collectif. Faire allusion à l’impudeur assumée du siècle terrassant le fantôme moral. Ou pérorer sur la vie dorée des plaisirs interdits de famine.
Mais ça fait une belle jambe aux voleurs de feu. Les catins arpentent dru les rues alors que les salons nouveaux regorgent de courtisanes in, les perversions revendiquées se faufilent au cœur d’une forêt de réseaux impénétrables, les baisers volés ne sont pas rendus, la misogynie se pavane, les misandres prospèrent, le meurtre et l’inceste sont les palimpsestes du nouvel ordre machinal sur fond d’écritoire lugubrement marchand, le verbe avoir sacrifie son aîné sur l’autel de la confusion utopiste, le politiquement abject l’emporte sur toutes les lices de l’humainement infect, il pleut dans mon cœur et je m’interroge âprement…
Sommes-nous les enfants démunis du triomphe nihiliste ? Et si oui, où puiser le cran et la force de tout foutre en l’air ? Encore une fois rien ni personne ne nous a préparé à affronter les catastrophes du sens, les crues de la désillusion, les séismes de l’affadissement totalitaire, les coups de grisou de l’inhibition cool. Où sont passées les vertes promesses de nos appétits juvéniles ?
L’année de mon baccalauréat, il y avait comme une saison en enfer dans mes cheveux crêpés. Je traversais la grande cour du lycée et les rangées hautes des arbres qui montaient au bord des nuages, entre les quatre dimensions de mon rêve, un souffle énorme grondant à l’intérieur de ma poitrine. Je me sentais doué pour le bonheur mais j’avais de ce terme une vision trop vague pour ne pas être simpliste.
Elle s’appelait Hélène, elle était divinement belle, je la convoitais en secret, et chacune de nos rencontres fortuites me faisait frissonner de la tête aux pieds. Je me voyais dans un lit avec elle parfaitement heureux. En attendant je lui dédiais des poèmes plus ou moins scabreux. Un jour j’avais su son prénom. J’étais devenu auteur d’acrostiche sans le savoir.
Au printemps de cette même année je parvins à lier connaissance. L’ami d’un ami d’une amie nous avait présenté. Je n’en revenais pas. Tout retourné… Bientôt pourtant je lui déclarais courage à deux mains ce qui trottait délicieusement dans ma tête. J’étais confiant alors. J’avais lu Crébillon. Il disait qu’il était d’usage en son temps de dire à une femme convoitée qu’elle était désirable, que pour s’en approcher il fallait le lui répéter une seconde fois et qu’il n’était pas rare à la troisième d’être invité à partager sa couche. Crébillon était-il fou ? Ou bien étais-je moi assez fou pour penser qu’un tel système, au demeurant on ne peut plus agréablement sensé, fonctionnerait en 1981 ?
Quoiqu’il en soit je fus proprement éconduit malgré mes réitérations et les prévenances variées que je lui prodiguais sans compter. Rien n’y fit, ni mes assiduités laudatrices, ni le petit prestige que je m’étais constitué à travers l’édition d’un mini journal satirique intra-lycéen, ni la tournure résolument stylisée de mon personnage en formation. Cette fille de bonne famille, angélique au possible, accoutumée à l’admiration et aux sollicitations masculines, me toisait du haut de son piédestal où d’autres l’avaient mise avant moi. Eût-elle la délicatesse de me renseigner sur les causes de son refus ? Pensez-vous. L’affaire était entendue, par elle évidemment, avec cet écho concluant : nous n’aurions pas pu nous entendre. La belle énigme ! Le beau flou artistique ! Ebranlé, j’étais loin de me trouver désarçonné. J’accusais le coup, avec une espèce de gratitude pour ma douleur comme gage de mon apprentissage.
Hélas pour moi, j’étais né avec une gourmandise de ventre gâté forgé aux volontés de roseau qui sans doute sont frêles mais jamais ne déracinent. Une autre femme, ma mère, m’avait mis dans cet état là. On connaît la rengaine, la tautologie topographique : une éducation cotonneuse de petit prince à qui rien ne doit résister, dont le moindre désir doit être exaucé, et qu’on gave par les sens pour compenser les carences du foyer désargenté. Spectre de l’esprit paternel, drames lointains non résolus, manques à combler, et j’en passe…
Les femmes qui se plaignent des hommes élèvent des garçons qui feront des hommes dont les femmes se plaindront. C’est drôle comm

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