Sodo à Soho
10 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

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Description

Côté face, une jolie étudiante brune, spécialisée en littérature britannique, et qu'on jurerait aussi sage qu'une nonne. Côté sombre, une vraie folle du cul !





Informations

Publié par
Date de parution 26 juillet 2012
Nombre de lectures 198
EAN13 9782823803518
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0011€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

couverture
Alexia Saint-Ange

Sodo à Soho

12-21

— Come on ! Baise-moi le cul ! Fuck my ass !

Cette réplique était sortie de ma bouche naturellement. Sur un ton digne des meilleures productions hard.

Il était tout à fait clair à présent que je ne pouvais plus m’arrêter. J’étais lancée. Semblable à un TGV. À l’Eurostar s’engouffrant à trois cents à l’heure dans le Channel du vice, dans le tunnel du stupre.

Le doute ‒ si toutefois j’avais dû en avoir un ‒ n’était plus permis. La transformation était encore une fois en train de s’opérer !

Je me métamorphosais en l’Autre !

Celle qui, secrètement, se dissimule en moi. Celle qu’on ne soupçonne pas… mais qu’un bon doigté (au propre comme au figuré) ne manque jamais de réveiller !

La Lucie perverse, quoi !

N’étais-je pas prédestinée à me retrouver à Londres grâce à ce cher Robert Louis Stevenson, l’auteur de Docteur Jekyll et mister Hyde ?

Car, comme chez le héros de ce roman, cohabitent depuis toujours en moi deux êtres diamétralement opposés.

Côté face, une jolie étudiante brune, spécialisée en littérature britannique, et qu’on jurerait aussi sage qu’une nonne. Côté sombre, une vraie folle du cul !

Lucie la sainte et lady Cochonne.

Certes, rien ne m’excite tant que cette étrange dualité. Que cette duplicité connue de moi seule… et de quelques privilégié(e)s. Et que j’entretiens à plaisir.

Quand je suis arrivée en Angleterre, les Reynolds – ma famille d’accueil – m’ont d’emblée surnommée, en français, « la petite grenouille de bénitier » (subtil jeu de mots sur l’animal qui nous désigne Outre-Manche).

Il faut dire que j’avais soigné mon look. Petites lunettes rondes, chignon strict, tailleur bleu marine. Mine de couventine. Il y avait de quoi se méprendre.

Les Reynolds, d’ailleurs, ne demandaient que ça.

Ainsi que tous les Anglais, ne raffolaient-ils pas du French bashing presque autant que du plum-pudding ? Sans compter que, comme toutes les familles d’intellectuels, ils se trouvaient portés sur l’ironie comme d’autres le sont sur les spiritueux. La moquerie délicatement vacharde leur tenait lieu d’exutoire. De remède à l’ennui. De sport, même. Souveraine façon de briser la monotonie des longs dîners où père, mère et fils n’avaient depuis longtemps plus grand-chose à se dire.

À cet égard, tourner en dérision la supposée pruderie de la petite froggy French constituait un divertissement aussi délicieux qu’inespéré.

Habilement, je me prêtais de bonne grâce à leur manège. Feignant d’ignorer le sens caché de certaines expressions à double entente. Simulant l’incompréhension devant les mots d’argot qu’entre eux ils se plaisaient à utiliser dans le dessein de me mettre en boîte. Pourquoi leur aurais-je révélé que ma mère était d’origine écossaise ? Et que j’avais tété la langue de Shakespeare en même temps que le lait de ses mamelles ?

C’eût été me priver du meilleur. En l’occurrence, de l’ineffable plaisir de duper ces rosbifs snobinards qui durant tout un mois pensaient s’en payer une tranche sur le dos de la petite Française.

C’était moi au contraire qui entendais prendre du bon temps à leurs dépens !

À cette fin, je commençai en bonne logique par le père, John Reynolds. Qui n’était autre que mon directeur de recherche sur place. Ami de longue date du professeur de Lyon qui me suivait en master. John Reynolds. Grand spécialiste de la littérature anglo-saxonne du XVIIIe et du XIXe. Biographe de Henry Fielding. Biographe également de Henry James. Biographe de tous les Henry famous en général.

À cinquante-deux ans, l’essayiste avait conservé un charme fou. Et puis il était friqué – appartement de grand standing dans la partie bobo de Soho –, qualité non négligeable qui ne laissait pas de m’exciter superlativement. Bref je n’étais pas sitôt installée chez lui – où il avait proposé de me loger durant la durée de mon stage –, que j’ambitionnais tout bonnement de me le faire. Enfin quand je dis « je », je devrais plutôt dire « elle ». C’est-à-dire l’Autre. La salope qui sommeille en moi.

Quinze jours s’avérèrent nécessaires pour atteindre le but que je m’étais fixé. J’avais établi mon plan. Mais il fallait qu’une occasion propice se présentât. Cela arriva dans le bureau universitaire de mister John. Ce jour-là, nous étions assis l’un à côté de l’autre, devant un tas de manuscrits relatifs à la genèse de L’Île au Trésor. D’une voix docte et velouteuse, on m’expliquait les subtilités d’un point de grammaire anglaise. Il était 17 heures. L’heure du thé. Après avoir attendu quelques minutes que celui de mon voisin refroidisse, d’un geste faussement maladroit…

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