Une porte franchie (pulp gay)
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Une porte franchie (pulp gay) , livre ebook

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Description

Une porte franchie (pulp gay)

Diablotin

Pulp de 250 000 car.

La mort de sa femme rend le père de Valentin alcoolique. Il rend son jeune fils de 13 ans responsable de ce départ prématuré. Ayant raté le bus scolaire, le garçon a du appeler sa mère pour venir le chercher. Sur le chemin, elle décède lors d'un tragique accident de circulation.

Souffrant des sévices corporels paternels depuis trop longtemps et n'en pouvant plus, Valentin décide de fuguer à l'avant-veille de Noël. Il s'ensuit pour lui un chemin de vie cahotique.

Dans sa détresse, Valentin trouvera un ami, Benoît, qui tombe amoureux de lui. Cet adolescent et derrière lui sa famille formeront une chaine de solidarité pour lui permettre de retrouver une vie de famille heureuse.

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Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 27 août 2014
Nombre de lectures 37
EAN13 9782363079909
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0037€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Une Porte franchie
Diablotin
Chapitre 1
Il faisait froid cette nuit-là quand je me suis réfugié dans la cave de cet immeuble de quartier. De plus, la neige tombait maintenant avec une régularité menaçante et le vent empirait. Peu après, le froid devint plus intense et l’obscurité se fit complète. Mes pensées s’assombrissaient en même temps que le ciel. Mon cœur me pesait plus lourdement lorsque je pensais à maman. Je n’avais pas choisi le meilleur moment pour faire une fugue, mais que faire ? Mon père, rentré de nouveau ivre ce soir-là, s’était emparé de la ceinture et s’en était donné à cœur joie pour me lacérer de coups violents sans aucune explication. Il me battait, il me battait toujours, il continuait à me battre. Il s'en foutait de me voir pleurer, il s’en foutait de me voir malheureux. C’était plus fort que lui, mais quand il rentrait saoul, il avait toujours un reproche à me faire et malgré mon silence pour ne pas le mettre en colère, il me battait.
Je me retrouvais une fois de plus dans le noir de cet espace réduit et humide du sous-sol de ce bâtiment. Depuis plus de deux ans, j’échappais aux mauvais traitements que mon père m’infligeait et je venais immigrer quelques heures dans ce réduit, le temps qu’il décuve et qu’il se calme. Cela faisait deux ans que maman était décédée d’un accident de la route en venant me chercher à l’école. J’avais raté mon autobus scolaire. Je me souviens de ce jour-là, des quelques heures avant qu’elle ne s’éteigne. Je lui avais rendu visite à l’hôpital sans savoir que la fin était si proche. Elle était sous morphine, avait le regard ailleurs et ne me reconnaissait plus. Cette image restera, à jamais, gravée dans ma tête. Celle d’une mère mourante qui n’aura pas eu le temps de me dire adieu.
Depuis ce jour-là, papa a commencé à boire. Il est devenu un alcoolique hargneux, me rendant responsable de l’accident et me faisant payer deux à trois fois par semaine la mort de maman en me battant. Je n’avais que 13 ans quand elle partit rejoindre mes grands-parents au paradis. Depuis, tous les soirs quand je me couche, j’ai une pensée pour cette formidable maman qui me cajolait, me réconfortait, me consolait quand j’avais de la peine. Je me fais sans cesse le reproche d’avoir manqué l’autobus scolaire et mon père ne se gênait pas de me le rappeler avec son ceinturon. Je viens tout juste d’avoir 15 ans et je suis en retard sur ma croissance. Je mesure à peine 1m55 pour 39 kg. Je le sais que je suis maigre. On me le fait assez remarquer à l’école en m’appelant maigrichon ou décharné ou encore maigrelet. En vérité, quelquefois, les garçons me lancent des méchancetés qui me mettent mal à l’aise et dans l’embarras le plus total. Mais ce n’est pas grave, je n’y fais même plus attention. Je trace ma route entre l’école et la maison, ne prêtant aucune attention à ce qui m’entoure. Désormais, la solitude fait partie de ma vie depuis que j’ai perdu l’être le plus cher au monde et que mon père a fini par me détester.
Je sais pertinemment que, depuis la mort de maman, j’ai une mauvaise alimentation. Il m’arrive très souvent, le soir, d’aller me coucher sans manger pour éviter une correction. Papa trouve n’importe quel prétexte, en rentrant du bar, pour me tomber dessus. Je suis couvert de bleus et d’hématomes. Souvent, le professeur de sport à l’école me demande d’où viennent les marques que je ne peux dissimuler quand je suis dans les vestiaires. À plusieurs reprises, mon professeur de sport m’a pris à part et a essayé de me faire comprendre de tout lui confier. Mais je n’ai jamais rien dit concernant les mauvais traitements que mon père me faisait subir. Je considérais cela comme un châtiment.
Ce soir-là, j’étais recroquevillé dans un coin de la cave. Pour réchauffer mes doigts gelés, j’ai allumé un briquet-tempête. Il appartenait à mon grand-père. Je regardais la flamme vaciller. Je n’arrêtais pas de penser et de converser avec maman à voix haute. Je savais pertinemment que personne ne pouvait m’entendre. Je lui parlais en espérant qu’elle m’écoute.
Maman, si tu pouvais voir ce que j’endure, à quel point tu me manques et comme je suis malheureux ! J’aimerais tant pouvoir te rejoindre et rester auprès de toi pour ne plus souffrir.
Du paradis, tu vois bien la situation dans laquelle je suis. Peut-être s’agit-il de mon imagination, mais j'aime te sentir près de moi, jusqu'au jour où nous serons réunis pour l'éternité.
Maman était croyante et j’avais comme elle confiance en Dieu. Je savais qu’Il ne me laisserait pas tomber. Tout en lui parlant, je ne pouvais pas m’empêcher de sangloter. Les larmes abondantes ruisselaient sur mes joues et venaient se perdre dans mon cou. Avec la manche de ma veste, j’essuyais mes yeux qui me brûlaient. Je me redressais et tapais des pieds sur le sol de la cave pour éviter qu’ils ne s’engourdissent par le froid. Il faisait excessivement glacial dans cette cave. Il fallait à tout prix que je marche pour me réchauffer. Nous étions fin décembre, le 22 exactement. C’étaient les vacances scolaires. La nuit était déjà tombée. Il était 21h00 et le froid commençait à me glacer les os. Je suis sorti de mon réduit et je me suis mis à marcher en direction du centre-ville. J’avais faim et froid. La neige avait recouvert le sol de son manteau blanc et mes baskets ne suffisaient pas à stopper le froid. J’avais les pieds glacés.
Un vague sentiment de malaise m’envahit alors et je me rappelai, soudain, les histoires de ces voyageurs qui marchent longtemps sous la neige jusqu’à ce qu’exténués, ils tombent endormis à jamais. Me serait-il possible, me demandais-je, de continuer ainsi toute la nuit ? Ne viendrait-il pas un moment où mes forces m’abandonneraient, où ma volonté me ferait défaut et où il me faudrait, moi aussi, m’endormir du sommeil de la mort ? Je frissonnai. Ce serait dur de mourir au moment où la vie ne faisait que commencer. Mais il me plaisait de penser que je pouvais m’endormir sans souffrir et me réveiller dans le ciel, auprès de maman.
Mon sac trop lourd, en bandoulière, me faisait très mal. Sans cesse, je le permutais d’une épaule à l’autre. En cinq minutes, j’avais sorti celui-ci de mon armoire, pris quelques vêtements chauds et mon album de photos avant de partir de la maison. Mais je regrettais d’avoir oublié mes gants. Alors que je passais devant une vitrine éclairée par des réverbères, je vis le reflet de mon visage dans celle-ci. Je ressemblais à une épave. Mon visage, torturé par le froid et les larmes, était rouge vif. Je restais en faction immobile devant mon reflet me demandant où je pourrais bien me rendre. Je ne voulais à aucun prix retourner chez mon père. De plus, j’avais oublié mon trousseau de clefs ce qui impliquait que je devrais sonner à la porte pour rentrer dans la maison et prendrais, certainement, encore une dérouillée.
J’avais beau réfléchir, mais je ne savais pas où aller ni quelle direction prendre. Il fallait que je trouve un endroit chaud pour passer la nuit. Le froid et la fatigue avaient eu raison de moi. Je cherchais désespérément une porte ouverte pour me reposer et m’assoupir dans une cage d’escalier où je serais à l’abri du vent qui me cinglait le visage et pénétrait par le plus petit interstice de mes vêtements pour me glacer les entrailles. Alors que je marchais désespérément le long d’une avenue où se dressaient des immeubles, poussant une à une les portes-cochères, espérant que l’une d’entre elles soit ouverte, une voix se fit entendre.
— Valentin, c’est toi ? Que fais-tu là à une heure pareille dans ce froid ?
Alors que je me retournais, j’aperçus Benoît, un élève de ma classe, en train de promener son chien. Il s’est approché de moi et quand il a vu mes yeux boursouflés, mon visage livide et cadavérique et mes lèvres décolorées par le froid, il a tout de suite compris que quelque chose n’allait pas.
— Que t’arrive-t-il, Valentin ? Tu ne m’as pas l’air bien ? Tu viens de fuguer de chez toi ? As-tu des problèmes ? Puis-je t’aider ?
Il avait prononcé ces quelques questions en articulant et en détachant bien les mots pour que je puisse comprendre. Je le regardais dans les yeux sans lui répondre. Ce n’était pas un copain, encore moins un ami, juste une fréquentation de mon école. C’était Benoît, un garçon calme, qui ne faisait jamais parler de lui. Il était de nature timide et réservée. Pendant les récréations, il avait toujours la tête plongée dans un bouquin. Il me vint à l’esprit de suite, qu’à l’école, tous le surnommaient le minet à cause de sa chevelure blonde et bouclée, de ses yeux bleus et de son petit nez fin. Il était toujours habillé à la dernière mode et ne passait pas inaperçu. Comment avais-je pu tomber sur lui ce soir-là ? Il était exceptionnel que l'on s’adresse la parole au collège que nous fréquentions. Il était là, devant moi et je n’osais pas lui avouer ce qui m’avait conduit ici. Je me suis adossé à l’encoignure d’une porte. Alors qu’il s’approchait de moi, j’ai posé mon sac à terre. Il attendait paisiblement dans le froid une explication. J’ai fini par lui dire ce que j’avais sur le cœur. Ce qui m’avait conduit par hasard sur le pas de sa porte alors que je ne savais pas où il habitait.
Il restait là, immobile avec son chien. Il m’écoutait sans me couper la parole. C’était la première fois que je me confiais à quelqu’un de mon âge. Je devais être pathétique ce soir-là, car je vis son visage se métamorphoser au point de percevoir quelques larmes perler sur ses joues. L'étonnement étant passé, je pris le temps de dévisager Benoît qui se tenait à un mètre de moi. Une petite bourrasque fit voler ses mèches blondes vers l'arrière et étala un filet de larmes sur sa joue. Du revers de sa manche, il essuya son visage, prit mon sac et m’invita à le suivre. Ce soir-là, je ne me suis pas fait prier. J’ai voulu le remercier de son hospitalité en lui serrant la main, mais il m’avait déjà tourné le dos et l’instant d’après, Benoît avait refermé la porte derrière moi et nous nous sommes retrouvés dans le hall d’entrée.
Après avoir retiré la laisse et essuyé les pattes humides de son chien, il m’a débarrassé de mon sac. Il m’a gentiment convié à retirer mes chaussures et ma veste et m’a conduit dans la cuisine. Depuis mon arrivée dans l’appartement, je n’osais plus dire un mot. J’obéissais aux ordres qu’il me donnait. Je me suis installé à sa table comme il me l’a demandé, puis il s’est absenté quelques minutes. Je regardais autour de moi tout en pensant à ce qui m’avait conduit ici. Je me posais la question de savoir s’il était en train de mettre ses parents au courant de mon intrusion. Comment allaient-ils réagir ? Allaient-ils me mettre à la porte, ou bien appeler la police pour me mettre sous protection ? Je me posais dix mille questions auxquelles je n’avais pas de réponse. J’étais bien trop fatigué pour réfléchir. Je profitais de cette douce chaleur qui prenait possession de mon corps encore engourdi par le froid de cet hiver rigoureux.
Après dix bonnes minutes, Benoît réapparut dans la cuisine. Il me prépara un bol de chocolat chaud accompagné de biscuits et m’ordonna de manger. J’avais une faim de loup, j’étais mal à l’aise et malgré tout, je me suis exécuté et j’ai dévoré les trois quarts du paquet de cookies. Pendant que je prenais cette délicieuse collation, il m’a fait comprendre que je
n’avais aucun souci à me faire, que sa mère était d’accord pour que je passe la nuit chez lui. Quelques instants après, sa mère fit son apparition. Elle m’observa un moment qui me parut une éternité. J’étais mal à l’aise et je ne savais plus où me mettre. Une vague de chaleur s’empara de moi. Elle remarqua très vite que je n’étais pas à mon aise. Elle s’adressa à Benoît en lui ordonnant de me préparer des affaires de toilette pour que je puisse prendre une douche. Puis, elle me dit qu’une bonne nuit de sommeil ne pourrait que m’être salutaire et que nous aviserions le lendemain à midi. Elle quitta la pièce en disant à Benoît qu’elle allait se coucher et en demandant de ne pas veiller trop tard.
J’étais rassuré de savoir que j’allais passer la nuit au chaud. De plus, la maman de Benoît avait l’air d’être une brave femme, un peu stricte à première vue, mais très gentille. Benoît débarrassa le bol et le mit dans le lave-vaisselle. Il essuya les quelques miettes sur la table et m’invita gentiment à le suivre dans sa chambre pour y déposer mes affaires. Puis il me montra la salle de bains et me donna une serviette et un gant de toilette pour que je prenne une douche. Dès que la porte de la salle de bains fut fermée, je me suis déshabillé et je suis rentré dans la douche. J’ai réglé la température et je me suis laissé aller sous les jets d’eau chaude.
Quelque peu apaisé dans mon corps et mon esprit, je me laissais aller à une douce quiétude. L’eau continuait à ruisseler sur moi et commençait à provoquer une légère somnolence. Mes mouvements étaient lents, très lents. Mon visage allait et revenait sous le jet. Je sentais l’eau s’écraser sur mes paupières closes. Ma bouche parfois s’entrouvrait, laissant l’eau pénétrer. Je me suis savonné, rincé, empressé de m’essuyer et d’enfiler mon caleçon. Lorsque j’ouvris la porte, un nuage de vapeur accompagna ma sortie. Le nuage s’évapora rapidement et soudain le contraste des températures me saisit. Le couloir était froid et je me suis précipité, en grelottant, vers la chambre dans laquelle Benoît m’attendait.
Il était là, debout devant la fenêtre, vêtu d’un pyjama bleu ciel. Il regardait la neige qui s’était mise à tomber. Je me suis approché pour le remercier de sa gentillesse et de son hospitalité. Il m’invita à m’asseoir et me recommanda le lit. Il avait une chambre qui faisait le double de la mienne. Il avait un grand lit, possédait son propre ordinateur et une chaîne hi-fi. Dans le coin de la pièce, il y avait un grand bureau d’angle avec des étagères remplies de livres. Je me sentais vraiment mal. Je me posais trop de questions au lieu de profiter de la chance que j’avais d’être en sa compagnie et de parler avec lui. Je restais comme un imbécile assis sur son lit, sans dire un mot. Il s’allongea sur le lit et m’observa fixement. Je sentais qu’il essayait d’entamer une conversation avec moi. Il a fini par briser le silence grâce à une série de questions.
— Tu vas mieux ? As-tu besoin de quelque chose ? As-tu envie de parler ou préfères-tu que je te laisse tranquille ?
— Je ne sais plus où j’en suis, à vrai dire. Je ne sais pas de quoi sera fait demain, surtout quand mon père s’apercevra que je suis parti de la maison. Je suis persuadé qu’il va vouloir me massacrer.
— Pour le moment, tu es chez moi et tu ne risques absolument rien. Tu es en sécurité et personne ne te fera du mal. Maman est assistante sociale et elle va s’occuper de toi, si tu le veux bien. Demain, à midi, quand elle rentrera du travail, tu auras une discussion avec elle et elle saura quoi faire.
— Mais qu’as-tu dit à ta mère ?
— Je lui ai dit que tu étais un ami, que nous partagions la même classe et que tu venais de fuguer de chez toi. Je lui ai brièvement relaté les faits dont tu m’as parlé. Je suis désolé, mais je n’avais pas trop le choix.
— Pourquoi as-tu menti ? Nous ne sommes pas amis tous les deux. Comment l’a-t-elle pris ?
— J’ai préféré lui dire que nous étions amis et que tu ne savais plus où aller ni quoi faire. Elle a même ajouté que j’avais bien fait de t’offrir l’hospitalité et qu’elle était fière de la décision que j’avais prise.
Il avait menti pour mieux me protéger. En disant que j’étais son ami, il avait touché directement le cœur de sa mère. Elle avait été bouleversée et ne m’avait posé aucune question pour éviter de me mettre dans l’embarras. Nous avons fini par nous glisser sous la couette. Benoît a éteint la lampe de chevet et nous nous sommes retrouvés dans le noir.
— Merci pour tout Benoît. Sans toi, je ne sais pas où je serais à cette heure-ci !
— Ce n’est rien. Tu aurais fait la même chose pour moi. Crois-tu qu’un jour, nous pourrons devenir des amis ?
Je ne savais pas quoi lui répondre. Lui aussi, peut-être, se sentait seul ? Avait-il besoin, comme moi, d’avoir un ami à qui parler, à qui confier ses problèmes de cœur, ces petits secrets que nous enfouissons dans notre tête et dont nous ne parlons à personne de peur de nous faire juger ? Il venait de me prouver, en m’hébergeant chez lui, qu’il n’était pas comme les autres. Il avait su m’écouter avec attention. Il avait même pris un risque, en me faisant rentrer chez lui, sans savoir comment réagirait sa mère.
Benoît attendait une réponse en silence. Il fallait à tout prix que je lui réponde. Je pris une grande inspiration :
— Jusqu’à l’âge de 13 ans, je n’ai eu que des copains de jeux. Après la mort de maman, je me suis renfermé sur moi-même. Entre l’école et la maison, je n’avais aucune fréquentation, plus personne à qui parler, et la solitude s'est emparée de moi. Aujourd’hui, tu me proposes d’être ton ami. Comment pourrais-je refuser ? Je serais fier de le devenir, si tu veux bien de moi et je te fais la promesse de ne pas te décevoir.
— Super ! Je pense que nous allons bien nous entendre. Toi, tu es seul avec un père alcoolique qui te bat et moi, je suis seul avec une mère possessive qui m’empêche de sortir de peur d’avoir de mauvaises fréquentations et qui ne me laisse prendre aucune décision.
Il est vrai que les parents ne donnent pas toujours à leurs enfants assez de liberté. Ils sont souvent contre nos choix et nos désirs. Ce sont toujours les adultes qui mènent la barque. Certes, les parents ont tous les droits d'avoir l'œil grand ouvert sur nos faits et gestes et notre comportement. Nos parents cherchent notre bien et notre confort, mais ils devraient être plus compréhensifs et plus respectueux envers nos envies et nos fréquentations, surtout quand on a 15 ans. La compréhension et le respect donnent naissance à la confiance entre l'adulte et l’adolescent. Ils permettent aussi aux jeunes, comme nous, de s'épanouir. Arrêtons de croire que les jeunes sont incapables de raisonner aussi bien que les adultes. Nous les jeunes, nous avons notre mot à dire et pour ma part, j’aurais pu appeler depuis longtemps le 119 pour faire comprendre à mon père que je n’étais pas son souffre-douleur et qu’il n’avait pas le droit de
me maltraiter, même s’il n’avait pas toujours conscience de ce qu’il faisait.
Il était près d’une heure du matin. Malgré notre timidité réciproque, nos langues ont fini par se délier et nous avons partagé nos déboires avant de nous endormir. Car il faut reconnaître que nous n’avions échangé que quelques mots depuis notre rencontre dans l’avenue. Ma nuit fut bien agitée. Le gentil petit rêve qui avait commencé par une escapade sur une montagne enneigée se transforma en un cauchemar. Celui d’une chute sans fin dans une crevasse sombre où parfois des visages connus apparaissaient. Je ne comprenais pas ce qu’ils disaient, mais ils étaient parfois malicieux, parfois hargneux, parfois attristés, mais ils semblaient tous me reprocher quelque chose. Seul, parfois, le visage de maman ralentissait ma chute. Elle était souriante, mais dès qu’elle disparaissait, je retombais inlassablement dans le vide.
Je me suis réveillé en sursaut, manquant de tomber du lit, m’étant trop rapproché du bord pendant mon sommeil. La poussée d’adrénaline qui me réveilla avait accéléré mon cœur et ma respiration. J’avais du mal à me calmer et sans le vouloir, j’avais réveillé Benoît qui dormait paisiblement. Il n’était que 5h00 du matin. Il éclaira la chambre et comprit de suite que j’avais fait un cauchemar. Alors que nous étions assis sur le lit, je secouai la tête de droite à gauche. Et après une bataille intérieure acharnée dans ma tête, des larmes naquirent de mes yeux. La main de Benoît se posa délicatement sur mon épaule pour me rassurer, ce n’était qu’un mauvais rêve. J’ai fini par redresser la tête et par le regarder dans les yeux. Il me souriait. Ce n’était pas un large sourire, mais plutôt un qui se voulait rassurant. Le voir ainsi prêt à m’épauler me fit énormément de bien. Je ressentais son désarroi. Il regrettait de ne pas pouvoir m’aider. C’est à ce moment-là que je compris qu’il était un véritable ami. Il ne voulait pas que je souffre, tout simplement. Il voulait me donner une écoute, un soutien, le sentiment d’être normal et bien dans ma tête. Il avait compris que ma douleur intérieure me faisait souffrir et que mon cœur était en lambeaux. Je venais de saisir ce que le mot amitié signifiait. Je commençais à comprendre que son affection pour moi était sans faille. Le simple geste d’une main tendue sur mon épaule suffisait à me réconforter et j'avais le sentiment qu'avec un ami je pourrais affronter toutes les difficultés. Je venais de saisir, que d’avoir un allié, c’était une question de survie.
Je finis par me calmer. Je lui fis comprendre que j’étais désolé de l’avoir réveillé et que depuis la mort de maman, il m’arrivait régulièrement de me réveiller en sursaut. Il saisit le coin du drap de lit et épongea mes yeux et mes joues humides. Je ressentis à ce moment-là que je n’étais plus seul. En l’espace de quelques heures, il était devenu comme un frère pour moi. J’étais émerveillé du réconfort que Benoît m’apportait. J’en éprouvais même une honte d’être câliné et consolé, mais cela me faisait le plus grand bien. Cette chaleur humaine et ces paroles réconfortantes m’emplissaient de joie, mais ne m’empêchaient pas de penser au lendemain. Je me retrouvais dans la position dangereuse d’un adolescent qui avait franchi la porte de sa demeure et qui savait pertinemment qu’il ne voulait plus retourner vivre chez son père. Je ne savais plus quoi faire, des dizaines de questions me traversaient l’esprit sachant que je ne pourrais pas rester chez Benoît éternellement. Toujours assis sur mon lit, avec Benoît à mes côtés, j’essayais d’échafauder un plan, mais inexorablement je m’apercevais qu’il n’y avait aucune issue à mes stratagèmes, quels qu’ils soient. Je revenais toujours à la situation de départ et j’étais reconduit chez mon père.
Il faut que je pense à autre chose, autrement ma tête va éclater. Il faut que je m’occupe l’esprit, je vais devenir fou, je n’arrive plus à penser raisonnablement. Ma respiration devient de plus en plus rapide. J’ai du mal à respirer, j’ai la gorge nouée, mon visage crispé. Je repense à maman. C’est de ma faute si elle n’est plus là. Je vois mon père dressé devant moi,
sa ceinture à la main et c’est plus fort que moi, j’éclate en sanglots. J’ai peur de la suite des événements, peur de retourner chez cet homme que j’appelle papa, peur d’être séparé de Benoît avec qui je me sens si bien.
De me voir dans ce triste état, il me prit dans ses bras et me dit que tout allait finir par s’arranger. La tête enfouie dans le creux de son épaule, je continuais à pleurer à chaudes larmes, n’arrivant pas à me calmer. Il me tapotait de sa main le dos pour me rassurer en me disant qu’il était là et qu’il ne me laisserait pas tomber, quoiqu’il arrive.
Il finit par m’apaiser puis me fit basculer dans le lit et laissa son bras sous mon cou. J’étais comme un gamin d’une dizaine d’années qui avait peur et qui se faisait réconforter par son grand frère. J’avais honte de moi, d’être enserré par les bras de Benoît, mais je n’avais ni le courage ni l’envie de me séparer de cette étreinte qui finalement me tranquillisait. Je finis donc par m’endormir sur le bras de Benoît qui me servit d’oreiller. À mon réveil, je fus surpris de me retrouver seul dans le lit. Le réveil posé sur la table de chevet indiquait 9h00. Je me suis levé, je pris quelques affaires dans mon sac et je me suis habillé. La porte de la chambre s’ouvrit laissant apparaître Benoît qui s’approcha de moi pour me dire bonjour en me faisant la bise. C’était la première fois que je disais bonjour à un copain en l’embrassant, mais je savais qu’au collège, c’était chose courante que d’embrasser un ami et Benoît était devenu cet ami que j’espérais sans le savoir.
— Tu as réussi, malgré tout, à dormir quelques heures. Tu as l’air reposé.
— Oui, ça va beaucoup mieux, je te remercie, mais je me sens stupide et désolé pour cette nuit.
— Ce n’est pas grave, n’oublie pas que je suis ton ami et que les amis sont là pour partager les moments de joie et de peine.
Il avait entièrement raison. Jusqu’à présent, je n’avais pas eu un seul ami, mais je savais maintenant ce que le mot amitié signifiait. Un ami c’est notre refuge, notre confident, celui qui est heureux de notre bonheur malgré son état d'esprit. Il a beaucoup de points en commun avec nous. Il partage avec nous des secrets, des projets, des états d'âme et nous sommes sur le même pied d'égalité. Sur ce point, je crois...
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