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Description
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Informations
Publié par | Le Lys Bleu Éditions |
Date de parution | 12 avril 2019 |
Nombre de lectures | 5 |
EAN13 | 9782851135438 |
Langue | Français |
Informations légales : prix de location à la page 0,0020€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.
Extrait
Saïd Lemlih
Adema, la belle juive de Demnate
Roman
© Lys Bleu Éditions – Saïd Lemlih
ISBN : 978-2-85113-543-8
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayant cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivant du Code de la propriété intellectuelle.
Au million de Juifs
Marocains partis de
Leur pays telles de belles
Étincelles vers les six continents
Manière de poser, sous l’apparence légère d’un récit romancé, très largement réaliste, quelques-uns des termes de problèmes importants : Juifs, Arabes, Musulmans et Amazighs. Une façon d’esquisser les contours des multiples insatisfactions vitales d’un amour qui échappe à la dialectique.
I
« Cette OLP (Organisation de Libération de la Palestine) ne serait-elle pas qu’un simple fonds de commerce ? » se demandait-il en repensant à son dernier et très récent voyage à Rabat lorsqu’il retrouva le billet de train dans sa poche. Cependant, le jeune homme avait alors d’autres préoccupations en tête. Il ne pouvait s’imaginer que quelques semaines après, il allait tomber amoureux d’une belle Juive.
Abdel Adim venait de réaliser trois tournants essentiels dans sa vie de Marocain né au milieu du XXème siècle : Quittant son statut d’étudiant pour devenir instituteur, il se libéra du nassérisme pour épouser un beau communisme révisionniste et musulman, totalement opposé à celui de ceux qui avaient un couteau entre les dents. Il abandonna sa maison familiale de Marrakech, pour aller habiter tout seul à Demnate.
Son communisme musulman donnait un menu métaphysique personnalisé et bien particulier. Il refusait les bornes idéologiques et donc en fin de compte, il était pour la liberté la plus large possible. À la dernière fête de l’Huma à Paris, il avait bien vu un milliardaire communiste, ce qui lui avait fait comprendre que cette idéologie n’est pas du tout seulement pour les pauvres travailleurs…
Il venait de bien finir avec succès, sa formation d’instituteur bilingue à l’École Normale de la ville anormale, car ocre. Les trois mois des grandes vacances d’été, il les avait passés à parcourir l’Europe d’est en ouest et du sud au nord grâce à ses cartes inter rail et à la belle ouverture des frontières, à cette époque-là.
À la Délégation du MEN (Ministère de l’Éducation Nationale) sise à l’entrée arrière du jardin du Harti à Marrakech, il alla, le cœur tremblant, retirer son affectation. Celle-ci était rédigée en arabe puisque de grands pas avaient déjà été bien réalisés dans l’arabisation de l’administration éducative, après l’arabisation de la justice.
Lorsqu’il reçut le papier de nomination officielle d’instituteur bilingue, il n’arrivait pas à croire ses yeux : Le document, très fin comme du papier hygiénique, spécifiait en arabe « al madrassa al israélia li hayi sonae ». Soit, en français : « école israélienne du quartier des artisans ». L’arabe ignore, en effet, la différence entre les deux termes très proches pourtant bien différents d’israélite et israélienne. Ce triste amalgame de l’arabe aura de nombreuses, d’inavouées et de dures conséquences.
Cependant, chaque langue a ses particularités et ses caractéristiques. Et il est erroné d’essayer d’établir une hiérarchie entre les centaines de langues humaines existantes sur la Terre. Elles sont seulement bien différentes les unes des autres et non supérieures les unes par rapport aux autres. C’est une idée du penseur français juif Albert Jacquard.
Comme on ne pouvait pas écrire « al madrassa al yahoudia » et pour faire plus classique, on utilisait le terme « israélienne » qui se confondait donc avec israélite. L’instituteur se crut un laps de temps affecté dans une des écoles de la ville israélienne d’Ashdod. Débarqués sur la côte, les Juifs marocains avaient commencé de la construire, quelques années plus tôt sur le littoral de la Méditerranée, en Israël. L’un de ses camarades venait bien d’être affecté à Paris pour y enseigner l’arabe aux enfants marocains.
Il crut un moment que cette affectation chez les Juifs était une sanction à cause de ses idées de refuznik. Il venait de passer deux nuits dans la cave du commissariat de la place Djemaa El Fena de Marrakech pour insubordination à l’autorité… Il relit donc le papier fin officiel pour la nième fois.
On préférait, en effet, le terme de « israélienne » à celui de « yahoudia » puisque ce dernier terme était devenu largement péjoratif. Avec le départ des Juifs, le caractère négatif de cette expression demeurait voire il se renforçait puisqu’elle qualifie « les mauvais Juifs » dans une certaine interprétation du Coran. Comme pour désigner les Berbères, on préfère le terme « Amazighs » puisque celui de Berbères est proche de l’ancien terme romain de Barbares…
Bref, « yahoudi » était nettement plus péjoratif – et pas seulement dans le parler darija marocain – que « Banou Israël » (les enfants d’Israël) plusieurs fois utilisé dans le Coran et reconnus comme descendants de prophètes... Trop souvent d’ailleurs on faisait suivre, dans la langue familière, « yahoudi » par « hachak » (: sauf votre respect).
En outre, ce caractère péjoratif du mot yahoudi (Juif) a été bien renforcé par les informations quotidiennes sur le conflit israélo-palestinien que rapportaient la radio et la télévision. Le raisonnement simpliste disait : « Les Juifs ont quitté notre royaume pour aller s’attaquer à nos frères arabes et musulmans ». Ainsi, le Juif errant devenait un monstre.
Mais tout en bas de la feuille, presque caché par l’un des tampons, Abdel Adim vit « à Demnate ». Un fonctionnaire de la Délégation lui dit que c’est une ancienne petite ville à l’est de Marrakech, dans le début Nord-est des montagnes de la chaîne du Grand Atlas. Il chercha à situer cette vieille cité sur une carte disponible à cette administration du Ministère de l’Éducation Nationale. Il vit que la route y allait tout droit sur la première moitié puis serpentait avant de s’arrêter comme devant un mur. Une impasse. Un cul-de-sac ! se dit-il perdu.
À Marrakech, jamais auparavant il n’avait entendu parler de la ville de « Demnate ». Même s’il avait déjà beaucoup voyagé dans le royaume. Il avait surtout fait des trajets Sud-nord et inversement. D’Agadir à Tanger en passant par Fès et bien sûr par l’inévitable axe Casablanca-Rabat.
Demnate, le mot formé de deux syllabes sonnai
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