La dimension Oméga
118 pages
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Description


Devant une banque new-yorkaise, alors qu'un hold-up est en cours, Markus reçoit une balle perdue ; on l'a averti quelques instants auparavant qu'un meurtre allait être commis. Il échappe miraculeusement à la mort et tente de comprendre les tenants et les aboutissants de la mystérieuse prédiction. Il élabore la théorie d'une dimension parallèle dans laquelle nos destins s'écriraient. Ne sommes-nous que des jouets dans ce monde qui ne serait que la réplique d'un autre, inaccessible ?


John, lui, mène une double vie : courtier en Bourse à la ville, il est également l'un des criminels les plus recherchés du pays. Des circonstances imprévues lui feront croiser le chemin de Markus et l'un d'entre eux sera amené à prendre une décision radicale.


Dans l'Amérique des années 70, celle des hippies et des beatniks, sur fond de guerre froide et de conflit vietnamien, deux visions de la société s'affrontent qui mèneront à une impasse.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 septembre 2014
Nombre de lectures 16
EAN13 9782372221634
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0037€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

La dimension oméga
La dimensionOmega
© Stéphane Hubert
Tous droits réservés
Bookless-editions Septembre 204
1 NEW-YORK, 1972, 15 heures Markus avait remarqué cet attroupement insolite dev ant la Chase Manhattan Bank sur la deuxième avenue. Un sentiment diffus lui intimai t de ne pas se joindre aux badauds. Pourtant, rien autour de lui ne justifiait cette hé sitation. La journée était claire et ensoleillée ; une fin de printemps doux, loin encor e des chaleurs étouffantes des étés new-yorkais. Tout allait de soi dans l’avenue bourd onnante. Les gens vaquaient à leurs occupations sans se soucier du regard des autres co mme dans ces ruches bien ordonnées où chacun paraissait savoir quelle était sa place. Et ce qu’il devait faire… La circulation s’écoulait lentement, fluide comme un r alenti cotonneux. Aucune menace nulle part. Des échos de la guerre en Asie parvenai ent bien de temps à autre à ses oreilles, mais sans troubler son esprit plus que ça . Cela se passait tellement loin… Cependant, cette impression en face de la banque le troubla. Le temps lui sembla suspendu et une crainte le submergea : cela voulait -il dire que le danger était partout ? Foutaises ! Mise à part une guerre de plus en plus contestée au Vietnam, la majorité vivait confortablement dans une Amérique où le chôm age était à la marge. Néanmoins comme ailleurs, le quotidien peut réserver des surp rises : on risque de se faire écraser en traversant une rue. Ou de mourir subitement d’un arrêt cardiaque au cours d’un jogging. En regardant Jerry Lewis le soir à la télé … Se faire assassiner pour quelques dollars en traversant Central Park ? Il y avait déj à songé… C’est le jeu et tout le monde connaît les règles. Si l’on devait penser à ça tout le temps, autant rester calfeutré chez soi. Avec si possible une infirmière à proximité. Une vibration inhabituelle l’avait averti d’un dang er. Markus eut un discret haussement d’épaules et cette mauvaise impression disparut tou t aussi rapidement qu’elle était apparue. Mais la curiosité est un moteur puissant, parfois irrépressible. Il traversa la rue, louvoyant prudemment entre les voitures, avançant mollement. À présent, les badauds lui semblaient plus nombreux. Il se rehaussa sur la pointe des pieds et risqua un œil par-dessus le feutre mou d’u n quidam en imperméable. Des photographes braquaient leurs viseurs vers l’entrée de la banque, le flash au magnésium, prêt à se déclencher. De part et d’autre de la porte, des policiers hargneux ou nerveux, l’arme à la main et canon pointant vers le ciel. De gros flingues, des .38 Spécial police. Quelques inspecteurs serrant de pui ssants Colts, des Magnums 350 sans doute. Le grabuge, sourd, était tendu. Markus tapota sur une épaule devant lui et demanda ce qui se passait. Sans se retourner, mais à haute et intelligible voix, il en tendit : « Un meurtre va être commis. » Une joggeuse passa rapidement à proximité sans s’ar rêter ; il eut le temps de remarquer l’étrange emblème en pendentif. Une lettr e grecque ? Il avança de quelques pas, à hauteur des photographes : l’un d’eux lui fi t signe de monter quelques marches. Son geste, aimable, n’avait rien d’autoritaire : po liment, il le conviait à poser devant les objectifs. Soudain, un brouhaha à l’intérieur de la banque. Deux individus masqués, armes au poing, s’extirpèrent de l’édifice en tiran t en l’air. Une pensée s’imposa à lui comme une évidence : Mark us avait déjà eu par le passé des intuitions. Des sortes de prémonitions qui se p résentent à vous comme des éclairs... Il croyait à une forme particulière de f usion entre le monde et ses habitants, laquelle fait anticiper des choses a priori singuli ères et même impossibles, comme des événements dont personne ne prévoirait pas l’existe nce une minute avant. Ces flashs surviennent d’une façon imprévisible. Nous ne les v oyons pas venir et pourtant ils se produisent ! Le meurtre qui devait avoir lieu était le sien.
Tout cela était une mise en scène de sa propre mort et de son assassinat. Impossible de dire pourquoi, mais c’était ainsi ! Lorsqu’il se ntit l’éclair de feu lui traverser la poitrine, il eut le temps de se demander qui pouvai t bien lui en vouloir au point d’organiser une telle mise en scène de sa mort, par faitement stupide et inutile. Dans un brouillard, Markus se vit allongé sur le sol et eut le temps d’apercevoir la grimace du policier qui, écartant le revers de sa veste, regar dait la plaie au niveau de sa poitrine. Avant de sombrer… Qui avait pu le haïr assez pour le tuer ? Gratte-pa pier dans une compagnie d’assurances deux blocs plus loin, Markus ne se con naissait pas d’ennemi. Il n’était ni mal ni bien noté par ses supérieurs. Son cousin lui avait trouvé cet emploi grâce à ses relations. Une enfance comme la plupart des jeunes Américains : Thanksgiving le quatrième jeudi de novembre avec la dinde farcie d’ usage dans les familles protestantes. Regarder le dimanche tous les matchs de baseball à la télé avec son frère. L’année de ses huit ans, il y avait bien eu ce vol à l’étalage. Le vieux Nick rentra dans une fureur noire lorsqu’il l’apprit par sa mère, ma is celle-ci, en bonne croyante, restitua l’objet du délit le lendemain en s’excusant. Elle i nvoqua aussi la grâce et la miséricorde de Dieu, ce qui toucha beaucoup sa domestique noire , Clara, originaire d’une famille paysanne de La Nouvelle-Orléans. Il entendit un brouhaha, mais ne vit rien : un pans ement sur les yeux l’empêchait de savoir où il se trouvait. Une odeur forte et persis tante parvint à ses narines. Il devait être dans un hôpital. Une infirmière au rire crista llin lui releva délicatement la tête pour ajuster sa position. La voix grave et nasillarde d’ un médecin : « Peut-être le pire est qu’il va survivre à ses blessures. » De nouveau le même rire. Puis plus rien. Le défibrillateur prêt, l’infirmier posa les deux p laques de métal sur sa poitrine. Il sentit une déflagration et imagina la blouse verte et le m asque dans l’obscurité. Soudain, il était dans la jungle : un anaconda géant enroulait ses anneaux dorés autour d’un baobab. Mille papillons multicolores, tous de forme s différentes, jaillirent en une explosion psychédélique. Il n’était donc pas mort ! Mais s’il était bien programmé pour mourir comme le photographe l’avait affirmé, son assassin viendrait obligatoirement à l’hôpital fini r le travail : sinon quel sens à tout cela ? Quel était le but de cette mise en scène com pliquée et qu’il avait dû falloir organiser dans les moindres détails ? Une deuxième décharge. Au bord d’un pont surplombant un fleuve tumultueux, prêt à se jeter dans le vide, il entendit le rire de cette petite fille au ballon ro uge qui traversait la route à cloche-pied. Et soudain, il se vit reprendre goût à la vie. S’ém erveiller de tous ces petits riens de l’existence à côté desquels nous passons la plupart du temps sans les remarquer. Puis plus rien. La main qui tient le scalpel s’apprête à entamer la chair meurtrie. Les gestes assurés de l‘infirmière qui l’aide à enfiler les gants et n ouer le masque, les spots qui éclairent la zone à opérer tandis que le reste de la salle est p longé dans la pénombre... Quelques mots bienveillants du chirurgien avant la piqûre d’ anesthésique. Le silence oppressant, la concentration, le respect et l’admiration dus au chirurgien-chef : quatre entailles précises au millimètre viennent dessiner un espace de travail à deux dimensions autour de la plaie. Lui, l’artisan, le Michel-Ange du bistouri n’a plus qu’à découvrir et extirper la zone malade d’un amas de tissus et de vaisseaux derrière des rubans de chair qu’il faudra savamment découper, des veines qu’il faudra éviter de cisailler en les maintenant
surélevées et serrées dans des pinces... Fouiller, charcuter, fouiner tout en restant attentif au décompte du goutte-à-goutte, à la pulsa tion régulière du pouls. L’infirmière anesthésiste jette des regards furtifs à l’électrocardiogramme. Était-ce un mari jaloux qui avait organisé tout cel a ? Il reprenait lentement ses esprits dans sa chambre d’hôpital. Markus n’avait eu que des aventures sans lendemain, des noces sans suite ni célébration. Des flirts et des amourettes sans cons équence. Les filles rencontrées ? Pour la plupart des paysannes venues chercher fortu ne à Kansas City et qui étaient surtout à la recherche du mari idéal... Comment aur ait-il pu leur plaire, lui qui n’avait aucune ambition ? Ses conversations tournaient auto ur de sa mère et de ses problèmes d’argent ou de ménage. Pourtant, il savai t qu’il avait des atouts, en particulier une très bonne mémoire. Élève peu doué, mais doté d’une excellente mémoire, avaient dit les professeurs. Parfois insol ent et aimant ironiser, avaient-ils rajouté sur son carnet de notes. Il était fier d’être capable de réciter dans l’ordr e chronologique tous les matchs de l’année, ainsi que le nom de chaque joueur et ses r emplaçants… Si ses camarades de classe l’écoutaient bouche bée, ça ne semblait guèr e captiver ces jeunes filles qui néanmoins l’écoutaient avec patience. Elles acquies çaient mollement, gloussaient devant une mémoire aussi prodigieuse : certaines po ussaient même parfois des sifflements d’admiration. Un moment, il pensa s’investir dans la politique en soutenant le candidat à la sénatoriale Bud Chambers, dit « Buddy ». Mais il se rendit vite compte que tout cela était profondément artificiel : les sympathisants s e connaissaient tous entre eux et c’était à qui distribuerait le plus de tracts au ca rrefour. Ou devant le grand magasin. L’inanité du militantisme et de la politique… Il comprit quand une dispute éclata au cours d’une discussion pour savoir qui poserait sur la photo du parti, à droite du candidat-sénateu r pour le journal local. Mais Markus ne prit véritablement conscience de son statut que lorsqu’un des militants le traita devant tout le monde d’idiot fieffé et inculte. Aus si stupide que de mauvaise foi, avait-il rajouté hargneux. Là il se dit que quand même, il f audrait prendre des mesures. Au moins, essayer de ne pas mourir idiot... Il irait fréquenter les bibliothèques pour acquérir une culture générale.
2
Après cette courte période d’activisme, il lut beau coup et apprit énormément. Maintenant sur ce lit d’hôpital, tout s’agençait. U ne digestion de ses lectures s’était produite conjointement avec des idées qui traînaien t dans son esprit depuis fort longtemps. Et si tout était organisé d’avance ? Lorsqu’il s’asseyait sur un banc de Central Park le sandwich à la main, toujours le même en face du lac, peut-être que le pigeon qui ve nait picorer les miettes de son casse-croûte avait été programmé pour cela. Mon pig eon, le mien ! Celui qui m’a été attribué… Oui, peut-être était-ce bien toujours le même qui venait rôder près de lui. Un volatile sans rien de bien particulier, sinon qu’il lui avait été attribué par quelque diktat divin : des années, des siècles sinon des millions d’années avant la séparation des continents ? Ou alors juste à sa naissance ? Et le reste, que dire du reste ? Que dire de ce robinet qui fuyait régulièrement dan s la salle de bains ? Du ténor du deuxième étage à la voix de fausset et qui se prena it sans doute pour Caruso ? La couleur de la feuille d’impôts qui changeait à chaq ue nouveau président ? Cette jeune femme assise en tailleur devant son immeuble passan t son temps à psalmodier des chants sacrés hindous, était-elle là par hasard ? L e téléphone sonnant avec personne au bout du fil, n’était-ce pas bizarre ? Si tout était prévu et organisé d’avance, il suffir ait d’établir un lien entre chaque événement de sa vie pour découvrir un ordonnancemen t subtil mais précis dans tout ce qui lui était arrivé. Peut-être était-ce cela, Dieu ? Rationnel et athée, Markus se refusait pourtant à a dmettre l’existence d’un univers où les choses ne seraient que le pur produit du hasard . Ou laissées au bon vouloir de la nature et du libre arbitre humain… Quelque part, un e voix malveillante lui chuchotait dans le creux de l’oreille qu’ils étaient manipulés , tous manipulés. Tous manipulés, du chef comptable au PDG en passant par le petit Portoricain qui vendait ses hot-dogs à Times Square ! Le flic qui t ire, le gangster qui s’écroule, la strip-teaseuse qui dégrafe son corsage, le bébé qui pleur e et la vieille nounou qui chante une berceuse… Tout cela était-il organisé ou le fru it de la volonté ? L’opposante birmane en exil à Manhattan et le dealer colombien en face du Bronx faisaient-ils partie intégrante du plan ? Et la prostituée nigériane qui tapine sur les quais de Hambourg ? Était-elle là aussi par hasard ? Ou bien alors, autre hypothèse, ce qui se passait, ce qui se passaitvraimentse situait dans une dimension où tout était prévu dans ses moi ndres détails : tout, jusqu’aux mouvements des atomes. Dans cet endroit qu’il ne po uvait qualifier maintenant faute de preuves et d’arguments scientifiques irréfutables, tout était logique, parfaitement prévisible et organisé. Ce que nous qualifions d’er reur était organisé aussi : elle venait nous rappeler que la nature se trompe parfois et qu e la soi-disant toute-puissance du libre arbitre a ses limites. L’erreur n’était qu’un fallacieux reflet destiné à faire entr’apercevoir la virtualité d’un monde parfait et sans failles, un genre de dimension à laquelle nul ne pouvait avoir accès. Le mythe de la caverne… Que se passerait-ilaprès? L’unique question... Normalement, si tout était prévu et devait se dérou ler suivant un plan préétabli, il aurait dû être informé sur place, c’est-à-dire devant la C hase Manhattan Bank. Un des journalistes aurait pu lui dire : «Vous allez mourir et renaître sous une forme différente. » Ou bien : «irezVous serez gravement blessé, mais vous vous en sort malgré quelques séquelles.» La dernière hypothèse ne pouvait être la bonne, car quelque chose lui apparaissait maintenant de manière claire : l’événement — son me urtre planifié et organisé — était
la preuve qu’il existait une faille entre ici et ce monde supérieur, Omega. Le scénario initial ne s’était pas déroulé comme prévu : quelqu ’un l’avait prévenu de sa mort imminente. Et inexplicablement, celle-ci avait été absente au rendez-vous ! Cette hypothèse était tellement troublante qu’il laissa c ourir son imagination... Elle se retrouvait littéralement aspirée dans un gouffre : s’il était programmé pour mourir en étant averti avant, quelqu’un aurait dû venir à l’h ôpital pour finir le travail. Quelque chose lui semblait bien clocher dans son ra isonnement. Mais quoi ? Il essaya de se souvenir de plusieurs crimes célèbres, mais n on élucidés. Un des meurtriers présumés de JFK, Lee Harvey Oswal d, fut assassiné en public devant plusieurs caméras. En présence de policiers, peu de temps après son interpellation. Et dans les années qui suivirent, d es dizaines de témoins importants ayant assisté à ce défilé tragique à Dallas mourure nt, dont certains d’une façon bizarre et inexpliquée. L’un d’eux reçut un coup mortel de karaté dans un train, sans que jamais personne ne comprenne les raisons. Ni que le s autorités ne découvrent le coupable… Coïncidence ? Dans ce pays, lorsqu’on pro jette l’assassinat de quelqu’un, il semblait pourtant bien qu’on aille jusqu’au bout. Markus était encore en vie et c’était bien là que ç a clochait. Il fallait d’urgence trouver une explication. Élève peu doué, parfois insolent, mais doté d’une e xcellente mémoire, disaient les profs… Ils avaient oublié de dire qu’il avait aussi beaucoup d’imagination ! Un autre atout complètement ignoré par les enseignants et le s filles… Les filles ? Il avait été injustement méprisé jusqu’ici, mais là, ça allait c hanger ! Markus allait leur montrer à tous de quoi il était capable. Il fallait se mettre au travail, et rapidement pour comprendre ce qui était arrivé. Et ce qui était en jeu là n’avait rien à voir avec un devoir de maths ou de physique : c’était sa vie qui en éta it l’objet. Sa survie… Sa survie ? On n’a pas le droit de se tromper dans cette vie, car en général il n’y a pas de seconde chance. Le droit à l’erreur ? Dans la vie, ce n’est pas com me si on était en train de rédiger une dissertation à l’examen d’anglais ou de philo. Si l ’on réchappe miraculeusement à la mort bien qu’un parfait inconnu vous ait prévenu ju ste avant de l’imminence de votre décès, a-t-on néanmoins le droit à une seconde chan ce ? En poussant le raisonnement, si on lance un dé y a-t-il en définit ive une possibilité de tomber sur le chiffre sept ? Peut-être que oui finalement, se dit Markus avec un regain d’optimisme.
3
Dans une autre dimension qu’il décida d’appeler Ome ga, il lui parut que vie et mort ne faisaient plus qu’un. N’importe qui à sa place se serait senti au bord de la folie, mais il décida de poursuivre son raisonnement coûte que coûte : il fallait essay er de comprendre ce qui s’était produit devant cette banque avec les photographes. En toute logique, s’il existait des ruptures et des incohérences ici-bas, dans Omega tout était parfait et c’est là que problèmes et question s surgissaient. Là-bas, il ne devait pas y avoir de différence entre la vie et la mort ! Il aurait dû mourir et pourtant, cela n’était pas arrivé. Pourquoi ? Pourquoi une telle interfére nce entre nos deux mondes ? Et surtout décidée par qui ? Markus tenta d’échafauder un plan pour contrecarrer ce projet fou : on avait voulu le mettre hors circuit pour une raison qu’il ne compre nait pas du tout. Il jugeait cela inconvenant, pire inacceptable... Le plus moche dan s cette histoire ? Que tout se soit décidé dans une autre dimension… Et puis surtout, l a principale difficulté était de découvrir ce qui se tramait dans cet ailleurs car b ien évidemment, personne n’y avait accès. Lui encore moins qu’un autre. Mais un inconn u l’avait prévenu, ce qui prouvait l’existence d’une faille entre ces deux mondes. Par ce biais, le dessein initial avait été contrecarré : quelque chose s’était glissé dans l’i nterstice avec l’intention de le sauver. Mais de quoi ? Ou de qui ? Pour quelle raison ? Qui était donc ce photographe et pourquoi avait-il fait cela ? Markus explosa de joie : il y vit une victoire de l a nature humaine. Ce projet assassin ne s’était pas réalisé comme prévu ! C’était tout le c ontraire, puisqu’il était encore en vie après son passage à l’hôpital. Il avait survécu après l’opération délicate qui avait extrait la balle de son poumon. Encore en vie ? Cela remettait en question l’idée q ue la mort est forcément fatale, même lorsqu’un messager vous l’annonce d’une façon paraissant absurde sinon impossible. Tellement extravagante que l’on se dit sur le coup que cela ne peut être que vrai ! Lorsque le dessein initial est contrecar ré par une force obscure et aussi mystérieuse, on en vient à douter de tout. Il tenta de reprendre son raisonnement depuis le dé but pour essayer de trouver des pistes. La Faucheuse vous préviendrait de ses inten tions quelque secondes avant ? Et au dernier moment, le damné verrait se rouvrir les portes de ce monde au lieu de celles de l’Enfer ? Se réveiller confortablement allongé s ur un lit d'hôpital avec des infirmières se penchant vers vous au lieu d’être accueilli par une tripotée de démons et de diables avec des fourches ? À part la littérature ou le cin éma, il n’avait jamais entendu parler de ça. Vu d’ici et envisagé depuis ce bas monde terres tre, c’était purement et simplement inimaginable, même pour l’esprit le plus tordu… Pou rtant, une échappatoire existait puisqu’il était encore en vie : nous devions pouvoi r déjouer des plans établis ailleurs et nous concernant. Les plans de la Mort elle-même. Débordant d’allégresse, il continua. Dans cette dim ension, pouvait-on cogiter comme ici ? De façon abstraite, mais cohérente ? Dans Omega il devaitforcémentsibleavoir des axiomes à partir desquels il était pos  y de déduire des théorèmes permettant de comprendre c e qui arrivait ici. Markus écarta cette hypothèse : quand bien même les mathématiques jouiraient d’une réputation de pureté et de perfection quasi absolue, rien ne disa it qu’elles existaient dans Omega. Ou alors sous une autre forme, mais qui n’avait rien à voir avec ce qu’on entendait par ce terme chez nous... Qu’il fût céleste ou divin, ce p lan qui l’avait conduit à l’hôpital était parfait dans ses moindres détails : quoi qu’il fass e, cela ne ferait que confirmer et
conforter les directives d’Omega. Il se sentit pris de vertige. Une foule de questions se pressaient dans son cerveau. À l’intérieur, un fou rire nerveux le prit. Si ce qui était arrivé paraissait cocasse vu sous u n certain angle, cela n’en mettait pas moins en relief une certaine absurdité du monde. Si elle lui avait échappé auparavant, maintenant elle se déployait tel un foc par un jour de grand vent. Une surdétermination qui émanerait d’un autre univers ? Une dimension où toutes les virtualités existeraient à l’état latent ? Dans Omega, les mouches pouvaient-elles par exemple voler à l’envers ? Un hoquet d’un rire longtemps contenu depuis l’enfa nce lui remonta à la gorge et il faillit s’étrangler. Si cette opportunité s’offrait à elles , c’était beaucoup plus simple pour elles de se poser sur les plafonds. Oui effectivement, ma is pourraient-elles dormir confortablement dans cette position ? Auraient-elle s la garantie d’une nuit saine et réparatrice ? Si c’était le cas, leurs rêves devaie nt fatalement être différents de ceux des autres insectes, les rampants habituels comme l es cafards ou autres bestioles. En toute logique, une partie de leur cerveau étant plu s irriguée que l’autre, ce renversement devait proposer des perspectives tout à fait nouvelles et intéressantes pour la psychanalyse et la science des rêves. Jamais il ne s’était posé de pareilles questions av ant son accident. Des possibilités toutes plus extravagantes les unes que les autres s e pressaient dans son esprit. Il décida de pousser ses divagations plus loin. Des ri res d’enfant résonnèrent dans sa mémoire comme lorsqu’ils inventaient des histoires avec son frère avant d’aller au lit. Là-bas, on devait pouvoir lire un livre à l’envers, ce qui raconterait une histoire totalement différente. Mais non dénuée de sens… À l a fin du livre laquelle n’est que le commencement dans le sens inverse, il est dit que tout lecteur peut devenir écrivain. Le lecteur croit ce qu’il lit : si c’est écrit, c’est que tel est son destin. À l’occasion, la gravité devait aussi pouvoir logiq uement s’inverser dans Omega : à la saison des récoltes, les pommes s’envoleraient vers le ciel pour venir former un bel anneau de Saturne rouge et vert autour de notre pla nète. La norme serait d’être malade et les infirmières s’occuperaient uniquement des bi en portants. À Cap Canaveral, les ingénieurs de la NASA lanceraient des singes dans l ’espace qui, contrairement à ce que dit le proverbe chinois, ne retomberaientjamaissur leur derrière, mais toujours sur leurs pieds. Tout s’achèverait par le début et chaq ue commencement renverrait à la fin d’un futur sans présent où les perroquets chasserai ent les chats et où les éléphants seraient les maîtres du monde. Les rats seraient en tutus blancs et feraient la fête tout le temps. Le complément ne serait que le supplément de ce qui manque à un trou pour devenir une faille et hop, on y balancerait les percepteurs et autres agents du fisc : ils se transformeraient en de beaux lapins blancs sempiter nellement en retard et inquiets du sort d’Alice. Perpétuellement angoissés, ils la che rcheraient partout dans les banquets organisés par le dieu Pan sur des montagnes s’éleva nt toujours plus haut en direction du firmament. Le ciel ne serait pas cette toiture habituellement translucide que nous contemplons en levant les yeux mais faite en aluminium. Toujours o paque, solide et orange. Lors du passage des frontières, les douaniers vous remettra ient des valises pleines d’opium et remplies de faux billets. Ils ne prendraient pas la peine de regarder votre passeport, car tout le monde sait qu’ils sont faux dans Omega. Des informations comme l’âge, la taille, le poids voire le sexe sont approximatives, voire m ême erronées : c’est la règle. Quiconque donnerait des renseignements trop précis pouvait se voir sermonné vertement par le responsable : ce dernier s’appelle rait Henry. En cas de manquement grave ou réitéré, le fautif pouvait se voir renvoyé dans ce monde. Dans Omega, tout le monde se prénommerait Henry. Be aucoup plus facile de mémoriser un prénom quand tout le monde s’appelle p areil, non ? Ils étaient fiers de leur trouvaille. Lorsque les douaniers ouvriraient votre valise au retour, ils diraient que
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