LA MAJESTUEUSE
115 pages
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LA MAJESTUEUSE , livre ebook

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Description

Je passe mes vacances d'été dans la maison familiale nichée dans un petit village savoyard. J'ai appris à en connaître les habitants et je suis un peu devenu un fils du pays. Surtout pour Gaston qui m'a vu grandir et m'a transmis sa passion pour les cimes.
Mais, au fil des années, les épopées sur les parois rocheuses sont devenues de simples randonnées.
Un été, une rencontre au cœur des alpages va chambouler ma vie, faisant renaître ma passion pour l'escalade. Des congés chargés d'émotions, entre instants de tendresse et événements dramatiques, au coeur de montagnes toutes aussi magnifiques que dangereuses.
"Martin"

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 29 juin 2018
Nombre de lectures 2
EAN13 9782363159083
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0200€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

La Majestueuse


Sébastien Pouvreau

Sébastien Pouvreau 2018
ISBN:9782363159083
Cet ebook a été réalisé avec IGGY FACTORY. Pour plus d'informations rendez-vous sur le site : www.iggybook.com
*
 

 
– Un diabolo menthe s’il te plaît. Merci beaucoup.
 
Après trois heures de marche en plein soleil sur les pentes abruptes de mes montagnes, je méritais bien ma petite pause. Et quoi de mieux que ce petit café restaurant niché tout au fond de la vallée, entouré des plus hautes cimes alpines. Quelques cloches tintaient et l’écho prolongeait les sons jusqu’à en faire une musique orchestrée. Sous leurs belles robes marrons, les vaches ne semblaient pas du tout préoccupées par les quelques randonneurs attablés. Le temps était magnifique en cette journée de juin. J’aimais particulièrement la montagne à cette saison avant que les chemins ne se transforment en autoroutes estivales de marcheurs en sandalettes. Quelques pâquerettes et bouton d’or agrémentaient le tableau vert tendre des alpages. Comme les vaguelettes ondulent à la surface des lacs, les sapins dansaient en cadence au gré de la petite bise de printemps. Quelques neiges habillaient encore les sommets, rappelant que l’hiver avait été rude en altitude et que les nuits étaient encore fraîches.
Un petit torrent s’écoulait à quelques pas de moi. Le cliquetis de son eau sur les rochers me remplissait d’un sentiment de plénitude. Tout était calme et serein. J’aurais pu rester des heures à contempler ce spectacle. La boucle du temps n’existait plus. L’immensité me suffisait. Elle me comblait.
 
Le patron de ce petit commerce avait su donner une nouvelle vie à une vieille grange délabrée. Je n’en aurais d’ailleurs donné pas très chers la saison passée. Le toit était complètement effondré. Seuls les murs paraissaient vouloir résister au temps. Il l’avait toute retapée. Les murs de pierres grises et marronnées portaient un toit de lauzes. La largeur de la porte d’entrée, vraisemblablement en chêne, laissait imaginer les dimensions gigantesques d’un arbre plus que centenaire. À l’intérieur, le bois sentait encore le foin et l’étable. Les odeurs des animaux, vaches, chèvres, brebis avaient imprégné toute la bâtisse. Il y faisait toujours frais, même en plein été.
Gaston pouvait paraître un peu rustre du haut de son petit mètre soixante. Mal rasé, le visage bronzé et ridé par le climat montagnard. Chemise à carreaux et pantalon de velours, le béret enfoncé sur la tête. Lorsqu’il lâchait son « j’vous écoute » de sa voix rauque, les clients marquaient une petite pause avant d’oser passer commande. Pourtant, moi qui le connaissais depuis si longtemps, je savais particulièrement qu’il appréciait les gens qui aimaient sa montagne. Il n’était pas avare de conseils pour les randonneurs qui partaient à la découverte des lieux. D’ailleurs, lorsqu’il prenait la parole et qu’il commençait à parler de sa montagne, ses yeux brillaient de passion, sa voix s’adoucissait et Gaston enchaînait les mots et les phrases. C’était un vrai récital. Et il ne fallait pas le titiller beaucoup pour qu’il vous conte quelques-uns de ses exploits sur les parois rocheuses. Il avait été alpiniste durant sa jeunesse et avait ouvert quelques voies de renoms. Beaucoup se cassaient encore les dents là où lui à force de courage avait tracé les chemins et passé tous les obstacles. Vers 60 ans, il avait raccroché le harnais et les cordes estimant que l’heure n’était plus à la prise de risques mais plutôt à passer du temps avec ses amis, ses proches. Et leur faire découvrir la montagne. Mais comme si cela ne suffisait pas, il avait acheté et rénové cette grange pour en faire un lieu convivial au pied des cimes. Il restait finalement près des sommets et pouvait transmettre sa passion à qui voulait bien s’arrêter prendre un verre.
 
– Monsieur est servi, me dit-il en m’apportant mon diabolo. Tu as fait quoi aujourd’hui ?
– Rien. Je suis juste monté jusqu’ici histoire de me dégourdir un peu les jambes. Je n’ai pas fait beaucoup de randonnée ces derniers temps avec le boulot. Je remets la « machine "  en route comme dirait l’autre.
– Bah ! Cela revient vite. D’ici 2 ou 3 jours, tu pourras faire « La Majestueuse », dit-il avec un sourire en coin.
C’est comme cela qu’il appelait l’un des sommets qu’il avait conquis de son jeune temps. Il avait mis 3 jours et perdu deux doigts de pieds dans cette aventure.
– Eh là ! Je tiens encore à vivre quelques années. Je me contenterai de moins. Je préfère la regarder d’en bas celle-là. Et je n’ai pas envie de croiser tes doigts de pieds au détour d’un glacier.
Nous partîmes alors tous les deux dans un éclat de rire.
 
Un bruit sourd se fit entendre venant du fond de la vallée.
– Tiens. C’est l’hélico des Secours ! Encore un marcheur qui a fait le clown.
Gaston n’était pas très tendre avec les randonneurs d’un jour.
– C’est la troisième fois depuis le début du mois. Les gens passent de leur fauteuil au sport sans se poser de questions. Et je ne parle pas de l’équipement. Une jambe cassée fin de semaine dernière et un malaise pas plus tard que mercredi.
 
En quelques secondes, nous ne nous entendîmes plus parler. L’hélicoptère était au-dessus de nous et entamait sa descente sur la prairie. Le souffle du rotor coucha l’herbe et ébouriffa les sapins à proximité. Une fois posé, le pilote coupa son moteur et deux secouristes descendirent. Ils étaient harnachés de sacs à dos. L’un d’eux portait un brancard plié sous le bras.
 
– Ils n’ont pas sorti l’artillerie lourde, s’exclama Gaston. Cela ne doit pas être trop grave.
Ils prirent le sentier à flanc de montagne derrière la baraque de Gaston. Là, nous aperçûmes au loin deux personnes qui descendaient lentement. L’une semblait supporter le poids de l’autre. Mais à cette distance, il n’était pas très facile de se faire une idée.
– J’te le dis moi, c’est encore une cheville en vrac.
 
Une bonne demi-heure passa. Nous jetions de temps à autre un coup d’œil au sauvetage en cours. Le temps d’un deuxième diabolo et d’une tarte à la myrtille, les secouristes apparurent au pied du sentier. Ils avaient déplié le brancard. Une personne y était allongée. Ils passèrent si près de la terrasse de chez Gaston que je pus entendre gémir la victime. Malgré le pas souple des secouristes, les quelques secousses semblaient activer la douleur du blessé. De ce que je pus apercevoir, c’était un homme d’une quarantaine d’années environ. Bien que les traits d’une personne qui souffre faussent un peu les estimations.
Suivait une jeune femme. Contrairement à ce qu’en disait Gaston, elle était bien équipée. Chaussures de montagne, sac à dos, bâtons de marche. Coiffée d’un chapeau de paille, quelques mèches blondes virevoltaient au vent. Elle s’arrêta pour refaire son lacet et fit quelques pas accélérés pour rejoindre la troupe déjà arrivée près de l’hélicoptère. Elle se pencha sur le brancard et regarda ensuite les secouristes l’embarquer. Puis, elle s’éloigna de quelques mètres pour laisser l’engin s’envoler. Sans doute voulait-elle récupérer son véhicule plus bas dans la vallée. Elle rejoindrait l’hôpital ultérieurement. Les pales de l’hélicoptère se mirent à tourner de plus en plus vite. Le bruit assourdissant du moteur et la pseudo tempête générée faisaient oublier la quiétude habituelle des lieux. Alors qu’elle regardait l’appareil s’éloigner, son chapeau s’envola et roula en direction du petit torrent. Elle courut et le rattrapa de justesse avant qu’il ne se transforme en objet flottant. Elle le garda à la main et d’un bon pas partit en direction du parking juché quelques kilomètres plus bas. Il lui faudrait bien une bonne heure et demie pour rejoindre son véhicule.
 
– Voilà des vacances foutues, dit Gaston, la regardant s’éloigner.
– Si c’était le début, cela craint un peu… Bon, il est temps que je redescende.
– On te revoit quand ?
– Après demain, je pense. J’aimerais faire la boucle jusqu’au col.
Je me levai et pris mon sac à dos.
– Attends ! Je te rends la monnaie.
J’avais glissé un billet de dix euros sous mon verre.
– Pas la peine. Quand je n’aurai plus que ça pour vivre…
– Les bons comptes font les bons amis. Je m’en rappellerai quand tu reviendras.
– Bon Gaston. A un de ces quatre.
– Salut mon petit gars.
 
Je pris le sentier du retour. C’était un chemin carrossable pas très pentu. Gaston l’empruntait en 4X4 tous les jours. Après un bon quart d’heure de marche à découvert, j’arrivai dans une partie plus ombragée où les sapins régnaient en maîtres. Le chemin était plus tortueux et longeait le torrent. Je me rappelais, gamin, avoir fait cette balade avec mes parents. Au retour, je partais en courant dans la descente. Du haut de mes 30 années, j’allais mettre une heure et demie à descendre, alors que je n’en mettais qu’une à l’époque. Et je me retrouvais à la voiture avant tout le monde, contraint d’attendre le conducteur. Pas grave. Cette folle course m’avait donné un plaisir immense. J’étais fier de mon coup. C’était moi le meilleur marcheur. On est un peu le roi du monde à cet âge. Je m’allongeais dans l’herbe le long du torrent. Mâchouillant un brin d’herbe ou une feuille de menthe sauvage. Je regardais les cimes en me disant que jamais je ne quitterais ces magnifiques montagnes et qu’un jour je vivrais là. Les choses n’étant pas si simples, je me contentais aujourd’hui d’y venir en vacances.
Mes mollets étaient un peu endoloris dans cette descente. Il me faudrait encore quelques jours de mise en jambe pour être vraiment opérationnel. J’arrivais bientôt à la passerelle qui enjambait le torrent. Elle permettait de passer sur l’autre flan de montagne. J’aperçus la jeune femme au chapeau de paille à une bonne centaine de mètres. Elle avait dû prendre son temps dans la descente. Elle resta dans ma mire jusqu’au parking. Lorsque j’arrivai à ma voiture, elle refermait le coffre de son véhicule, stationné juste à côté du mien. Elle avait changé de chaussures et portait des nu-pieds. Ses ongles arborant un

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