LE DEMARIAGE
146 pages
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Description

À Chicago où elle vit depuis 20 ans, Manon Lessard reçoit un étrange manuscrit, qui la ramène à l’île Perrot dans les années 1990. C’est écrit par Karine, la petite voisine qui se réfugiait sans cesse chez elle, maintenant devenue adulte. Est-ce un roman? De l’autofiction? Elle ne sait pas.
Il s’agit de son histoire avec Josée, de leur dernière rencontre, de ce jour de tempête où elle a découvert l’inceste que subissait Karine, des événements sordides qui se sont ensuite précipités et qui ont chamboulé sa vie. Des bribes de son journal personnel étayent ce récit, si bien qu’on a l’impression qu’elle l’a elle-même écrit. Ou qu’elle aurait pu. Elle y retrouve ses amis, sa voisine, sa chienne, des souvenirs et des sentiments qu’elle croyait avoir enterrés avec Josée. Mais les noms ont été changés, des faits importants ont disparu, d’autres ont été maquillés, voire inventés.
Au fil de sa lecture, Manon commente le récit de Karine, s’efforce de faire le tri entre fiction et réalité. Alors, petit à petit, le sens de ce manuscrit se dégage et prend l’allure d’un troublant appel à l’aide.
Monique avait tout caché, visitait des condos pendant qu’elle, l’innocente, l’attendait pour souper. Des semaines, peut-être des mois à lui jouer dans le dos, à préparer la rupture sans rien dire. La mère de Monique avait appris à leur sujet. Selon Judith, c’était une excellente nouvelle. Pour Monique, au contraire, sa mère menaçait de la déshériter et c’était un désastre. En 1997, s’insurge Judith, peut-on imaginer ? On se croirait revenus au temps de Duplessis !
Elle ne sait pas pourquoi elle ressasse tout ça. Elle devrait plutôt se concentrer sur la route. À quarante kilomètres à l’heure, elle a l’impression d’être pilote d’essai à la Nascar. La route 20 s’est transformée en glissoire. Elle vient de croiser une voiture, cul en l’air, dans le fossé. Pas question de s’arrêter, même pas question d’essayer de freiner sur cette glace noire.
Il fallait que personne ne sache à leur sujet. Les jugements de son public n’étaient pas en cause, Monique prétendait ne pas s’en soucier. Elle ne se préoccupait pas davantage de la discrimination de ses employeurs. Monique les croyait au-dessus des préjugés habituels. Elle avait tort, le milieu artistique n’était pas si ouvert. Judith en savait quelque chose, elle le fréquentait régulièrement depuis qu’elle rédigeait la chronique artistique du Soir.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 26 septembre 2018
Nombre de lectures 1
EAN13 9782764428771
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0750€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

De la même auteure
Les après-demain , roman, KTM Éditions, 2018.
L’enfant monstrueux. Une invention de Freud , essai, coll. Libre à vous, Les Éditions Sémaphore, 2013.
Le dernier hiver , roman, Les Éditions Sémaphore, 2012.
La terre multipliée par deux , poésie, Le Loup de Gouttière, 2002.
Ev Anckert , roman, coll. Topaze, Éditions Trois, 1994. Nouvelle édition : Ev Anckert, une passion parisienne , coll. e-Lire, Éditions Numériklivres, 2012. Nouvelle édition : Ev Anckert , KTM Éditions, 2017.
Pourquoi l’autre et pas moi ? Le droit à la jalousie , essai, Éditions de l’Homme, 1988.





Projet dirigé par Marie-Noëlle Gagnon, éditrice
Conception graphique : Nathalie Caron
Mise en pages : Pige communication
Révision linguistique : Sylvie Martin et Julie Therrien
En couverture : Queen of Hearts , de Jamie Townsend de Salt & Ember
(http://saltandember.com)
Conversion en ePub : Nicolas Ménard
Québec Amérique 7240, rue Saint-Hubert
Montréal (Québec) H2R 2N1
Téléphone : 514 499-3000, télécopieur : 514 499-3010
Nous reconnaissons l'aide financière du gouvernement du Canada par l'entremise du Fonds du livre du Canada pour nos activités d'édition.
Nous remercions le Conseil des arts du Canada de son soutien. L'an dernier, le Conseil a investi 157 millions de dollars pour mettre de l'art dans la vie des Canadiennes et des Canadiens de tout le pays.
Nous tenons également à remercier la SODEC pour son appui financier. Gouvernement du Québec – Programme de crédit d'impôt pour l'édition de livres – Gestion SODEC.



Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada
Auger, Louise, auteur Le démariage / Louise Auger. (Tous continents)
ISBN 978-2-7644-2861-0 (Version imprimée)
ISBN 978-2-7644-2876-4 (PDF)
ISBN 978-2-7644-2877-1 (ePub)
I. Titre. II. Collection : Tous continents.
PS8551.U445D45 2018 C843’.54 C2018-941117-1 PS9551.U445D45 2018
Dépôt légal, Bibliothèque et Archives nationales du Québec, 2018
Dépôt légal, Bibliothèque et Archives du Canada, 2018
Tous droits de traduction, de reproduction et d'adaptation réservés
© Éditions Québec Amérique inc., 2018.
quebec-amerique.com



Démariage : action d’éclaircir un semis en arrachant certains plants afin de ne laisser que les plus beaux


Dimanche 2 mars 2014
Vincent : Si on désire quelque chose à en mourir, on finit par l’obtenir.
Catherine : On peut désirer quelque chose à en mourir, ne pas l’obtenir et ne pas mourir.
Léa Pool, Mouvements du désir
Cette histoire a commencé en 1992, l’année de mes sept ans, quand Judith a emménagé dans la petite maison rose, en face de chez nous. Maman et moi l’avions toujours appelée ainsi, la petite maison rose, un brin d’affection dans la voix, comme s’il s’agissait d’une fillette que nous aurions regardée pousser avec émoi. Pourtant, avec sa grande galerie couverte qui la cintrait sur trois côtés, cette maison donnait plutôt l’impression d’une grand-mère plantureuse ouvrant ses larges bras à quiconque avait envie d’aller s’y blottir. Mais il est vrai que le fuchsia de ses volets lui rosissait les joues, même par jour de pluie.
Cette maisonnette de pierre et de bois avait appartenu durant près d’un siècle à la famille de Raoul Lalonde, lui-même implanté dans le paysage depuis plus de soixante-quinze ans. Puis, faute de descendants, j’imagine, elle avait été vendue à un vieux couple à la retraite, qui en prenaient un soin jaloux. Je ne me souviens pas de leur nom. Peut-être ne l’ai-je jamais su. On les savait là, sur leur immense terrain paysager, à tailler une haie, à élaguer des rosiers, à sarcler une plate-bande, à tondre la pelouse ou, l’hiver, à pelleter la neige et à nettoyer leur entrée. Ils restaient néanmoins invisibles et je ne connaissais d’eux que leurs voix discrètes et leur voiture d’un beige terne, qu’ils sortaient régulièrement de leur garage le vendredi après-midi, pour aller faire des courses, et le dimanche matin, pour assister à la messe de dix heures. Sans prévenir et sans même qu’on s’en aperçoive, ils étaient morts l’un après l’autre en l’espace d’un mois.
Orpheline, la maison avait été abandonnée pendant plus d’un an. J’avais déjà commencé l’école et je voyais souvent Raoul se pointer très tôt, avant sa journée, dans son pick-up blanc tacheté de rouille, pour venir couper le gazon, tailler les chèvrefeuilles et, plus tard dans l’hiver, déblayer la galerie ou déneiger le toit.
Au printemps suivant, la maison avait été mise en vente. Il y avait eu de nombreuses visites, qui titillaient ma curiosité. Une famille avec des enfants de mon âge, un jeune couple en âge d’en avoir ou un autre couple invisible et silencieux, je ne parvenais pas à choisir ce qui me convenait le plus. Jamais je n’aurais toutefois deviné la surprise qui nous attendait.
Caissière à l’épicerie du centre commercial, ma mère a eu vent des cancans et m’a appris, au mois d’août, que la transaction avait enfin été conclue. Nous aurions des voisins. Les seuls que nous ayons eus jusque-là, mis à part l’étrange couple beige, habitaient à un kilomètre de part et d’autre de notre maison. Au début de septembre, fière de sa découverte, ma mère annonça qu’une femme viendrait vivre en face de chez nous. Nous ignorions de qui il s’agissait et les informations bancales dont ma mère disposait laissaient croire qu’elle était tantôt en couple, tantôt célibataire, tantôt seule avec des enfants.
La rumeur m’apparaissait de plus en plus intrigante et, chaque soir, je surveillais la petite maison rose, au cas où j’y apercevrais la nouvelle propriétaire, qui, me semblait-il, ne tarderait pas à s’installer. L’agent d’immeubles, un gros homme en bermudas et manches courtes, était effectivement passé coller une étiquette Vendu de travers sur sa pancarte, un soir après souper, alors que je traînassais sur la balançoire en compagnie de ma sœur. Trop craintive, peu sûre de moi, je n’avais pas osé aller lui poser des questions, alors que j’en mourais d’envie. De toute façon, je me sentais obligée de m’occuper de ma sœur.
À deux ans, Zoé ne trouvait rien de plus excitant que de s’asseoir sur la balançoire pour que je la pousse de plus en plus fort, de plus en plus haut et de crier comme une dingue jusqu’à ce que je m’impatiente. Bien sûr, vu notre différence d’âge, je la trouvais énervante et la réprimandais souvent pour des riens. Avec le recul, je sais que j’étais sous tension, toujours prête à exploser. Pourtant, j’avais besoin d’elle, de sa petite main qui s’accrochait à la mienne pour marcher du perron jusqu’à la balançoire, surtout de ses éclats de rire, qui fusaient comme des ruisseaux sur de la roche sèche et faisaient sortir Pirate, son chat, d’en dessous du divan, où il se terrait la plupart du temps.
À sa naissance, j’avais reçu Zoé comme un cadeau. Malheureusement, ma vie avait basculé et, dès cette fin d’été où se vendit la petite maison rose, j’avais commencé à regarder Zoé comme un fardeau. Une proie vulnérable qu’il me fallait constamment surveiller et protéger malgré elle.
Mon père abusait de moi. Cela a débuté juste avant mes sept ans, cet été-là. Il m’obligeait à lui faire des choses que je n’avais aucune envie de lui faire. Je trouvais cela dégoûtant, j’avais envie de vomir chaque fois. Plus tard, je ne sais plus quand exactement, lorsque mes seins ont commencé à poindre sous mon chemisier, il est devenu encore plus exigeant. C’est là que j’ai vraiment commencé, moi, à vouloir mourir. Je ne suis pas morte. Pas pour vrai, en tout cas, mais en dedans, de l’intérieur, je me suis desséchée, ratatinée, j’ai disparu de ma vie sans m’en rendre compte.
Il m’a fallu quatre années de thérapie pour pouvoir en parler ouvertement, et ce n’est pas le mot qu’il faut. Il n’y aura jamais d’ouverture sur cette partie de ma vie. Une fenêtre entrouverte, tout au plus. Personne ne peut savoir ce que j’ai vécu. Personne. Sauf, peut-être, d’autres victimes comme moi, chacune avec ses deuils, avec ses cendres enfouies dans une urne en fer-blanc qui fait des drôles de bruits au fond de son crâne. Certains matins, encore aujourd’hui à l’aube de mes trente ans, en me levant, j’entends le cling-clong de ma boîte en fer-blanc, des souvenirs aigus me piquent les yeux, des images nettes refont surface, des sons encore plus nets, des sensations effroyablement précises sur mes lèvres, sur mes mains, sur ma langue, sur ma nuque, que j’aimerais effacer à tout jamais, mais que je parviens, au mieux, à renfermer de force dans la boîte de fer-blanc, jusqu’au prochain cling-clong.
Sans Judith, je ne crois pas que je serais ici pour écrire cette histoire. Il s’agit de son histoire à elle et de celle de Monique, mais, par ricochet, de mon histoire, de celle de ma mère, de celle de Zoé et, plus indirectement, de celle de Raoul et de Kathryn ou de Pierre Racine et d’Agathe, les gens qui comptaient dans la vie de Judith. Celle de mon père aussi, même si lui, je préférerais l’éclipser, qu’il s’évanouisse dans les limbes, qu’il brûle dans les enfers les plus sordides. Je le déteste et ce sentiment reste mon fardeau le plus lourd. La haine tue ceux qui la ressentent plus efficacement que ceux qu’elle vise. J’espère m’en délivrer avant de disparaître à mon tour.
Judith s’est installée en face de chez nous, un après-midi d’automne, fin septembre. Au matin, quand le bus scolaire était passé me prendre, la pancarte Vendu était toujours plantée de guingois au bord du fossé, sous le feuillage spectaculaire du gros érable qui dissimulait la petite maison et cachait de plus en plus la vue sur le fleuve. Je me souviens très bien de l’orangé vif de certaines feuilles qui scintillaient dans le soleil et me faisaient penser aux écailles des carpes sous l’eau. Le jeudi précédent, lors d’une visite scolaire au J

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