Haeresis 1
290 pages
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Haeresis 1 , livre ebook

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Description

Saint Clair les bois était un village effroyablement calme et monotone. C'est du moins ce que pensait Manon avant cette nuit qui bouleversa sa vie de geekette bien rangée.
Tout avait démarré avec l'apparition de cet étrange type qui la regardait depuis le bas de l'immeuble.
Ce n'était pourtant que le début d'une vertigineuse descente aux enfers qui devait l'amener à côtoyer un monde à la fois cruel et séduisant, un monde dont elle faisait entièrement partie depuis le jour de sa naissance sans même le savoir.


Petits meurtres entre vampires, lutte de pouvoir canine et séduction démoniaque, la piquante Manon devra plus que jamais faire preuve de caractère pour surmonter chacune de ces épreuves et répondre à LA question : qui était-elle ?

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 20 mai 2020
Nombre de lectures 88
EAN13 9782365405782
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0049€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Haeresis Tome 1 : Les racines Audrey Falk LES EDITIONS SHARON KENA Tous droits réservés, y compris droit de reproducti on totale ou partielle, sous toutes formes. © 2014 Les Editions Sharon Kena www.leseditionssharonkena.com ISBN : 978-2-36540-578-2 Merci à Gaëlle, Nadia et Iris, sans qui je n’aurais jamais eu le courage de surmonter mes doutes.
Chapitre 1 Chapitre 2 Chapitre 3 Chapitre 4 Chapitre 5 Chapitre 6 Chapitre 7 Chapitre 8 Chapitre 9 Chapitre 10 Chapitre 11 Chapitre 12 Chapitre 13 Chapitre 14 Chapitre 15 Chapitre 16 Chapitre 17 Chapitre 18 Chapitre 19 Chapitre 20 Chapitre 21 Chapitre 22 Épilogue
Table des matières
Chapitre 1
« Saint-Gabriel : Tu es prête ? Le raid commence da ns quelques minutes. Saint-Gabriel :… Saint-Gabriel : Tu es toujours avec nous Célya ? Célya : Oui, oui. Désolée, j'étais en train de rêva sser. Saint-Gabriel : Quelque chose te préoccupe ? Célya : Non, pas vraiment. Célya : En fait, si. Mais c'est très étrange… Il y a un type en bas de chez moi qui me regarde depuis cinq bonnes minutes. Saint-Gabriel : Sans rire ? Tu le connais ? Célya : Je ne crois pas non… Célya : Je vais vous laisser continuer sans moi en fin de compte. Je prends une pause, j'ai du mal à rester concentrée. Saint-Gabriel : Ok. Fais bien attention à toi, d'ac cord ? Célya : Ne t'inquiète pas pour moi, je suis une gra nde fille. À plus tard. » Le magnifique Paladin à l'armure étincelante descen dit la petite colline en 3D sur mon écran d’ordinateur tandis que Célya, mon avatar, re stait immobile. Je tapotais machinalement la commande adéquate sur mon clavier et une petite bulle avec la mention « afk » apparut au-dessus de la tête de mon personnage. C'était une manière d'informer les autres joueurs que j’étais indisponi ble pour le moment. J'aurais tout aussi bien pu me déconnecter, mais cette idée m’effleura à peine l'esprit. J'avais pris l'habitude, depuis toutes ces années, de rester con nectée au jeu quand j'étais chez moi. Ainsi, j'avais l'impression que mes amis virtuels n 'étaient jamais très loin. Une manière comme une autre de pallier la solitude d'une jeune femme célibataire du 21ème siècle, marginale de surcroît, et vivant dans un milieu rur al. Autant de raisons qui accentuaient mon isolement et ma dépendance aux jeux vidéos. Saint-Gabriel était l'un de mes quelques « cyber-am is ». Des gens que j'avais rencontrés sur des jeux en ligne pour la plupart. C 'était d'ailleurs l'un de ceux avec qui je passais le plus de temps à jouer et à clavarder. Il était agréable et courtois. Pas comme mon autre contact, Belerios. Ce type avait un carac tère abominable mais il était l'un des plus grands joueurs que je connaisse et après quelq ues disputes nous étions devenus inséparables. Il faut dire que j'ai également un te mpérament peu commode. Qui se ressemble s'assemble, dit-on ? Imbattable aux jeux en ligne et l'un des plus talentueux pirates que j'ai jamais connus, l'informatique n'av ait aucun secret pour lui. Son pseudo clignotait justement sur ma messagerie instantanée. J’ouvris la fenêtre de son message, comme toujours saupoudré d'une bonne dose de sarcas me. « Je viens de lire ton horoscope : les pervers rôdent sous vos fenêtres, p ensez à fermer les rideaux avant de vous dévêtir. » Aucun intérêt. Je fermai la convers ation sans prendre la peine de répondre. Belerios avait lu ma conversation avec le Paladin. En réalité, il pouvait voir mes moindres faits et gestes sur internet. Vous trouvez ça flippant ? Eh bien, moi aussi. Mais au bout de trois ans, on finit par se faire une rai son. Àma connaissance, c'était la seule personne capable de faire une chose pareille. Malgr é tous mes efforts, je n'avais jamais réussi à m'en débarrasser. Et puis, finalement, dep uis tout ce temps, il n'avait jamais rien fait pour me nuire. À part, peut-être, commenter ch acun de mes faits et gestes avec un humour bien à lui. Je reportai mon attention sur la fenêtre, à quelque s centimètres à gauche de mon écran. L'homme qui m'avait tant troublée était touj ours immobile sur le trottoir d'en face, le visage relevé dans ma direction. J'étais au deux ième étage de mon bâtiment et il faisait nuit dehors, je ne le voyais donc pas nette ment. Il avait adopté une posture qui aurait dû paraître nonchalante, l'épaule appuyée co ntre une armoire électrique, mais la raideur de son dos lui donnait au contraire une att itude stricte et distinguée. Il se tenait je, de sorte que les ombres jouaientuste à l'extérieur du halo de lumière du lampadair artistiquement avec les traits de son visage et les plis de sa longue veste noire, pour lui donner des allures fantomatiques. Il ressemblait à une statue taillée dans la nuit. Une statue magnifique et foutrement terrifiante !
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Du mouvement au coin de la rue me fit relever le ne z. C'était sûrement Lucas et les autres. À deux heures du matin, au cœur du village de Saint Clair les bois, on croisait rarement âme qui vive. J'observai la réaction de mo n spectre voyeur. Il fit un simple pas sur le côté pour s’enfoncer dans le feuillage d’un des innombrables lauriers roses qui décoraient les rues de la région. Les trois jeunes hommes passèrent à quelques centimètres à peine de lui sans s’apercevoir de sa présence. Comme d'habitude mes amis faisaient un boucan de tous les diables dans l a rue silencieuse, chahutant et s’esclaffant à tout va. Tout aussi distraits qu'ils soient, jamais ils n'auraient dû rater l’étranger en train de mater mon immeuble à deux he ures du matin. Lucas m'aperçut et m'adressa un signe de la main au quel je ne répondis pas. De toute manière ils étaient déjà en train de pousser la por te d'entrée pour accéder chez moi. Je les sentis approcher mais n'entendis pas la sonnett e. Ils n'avaient pas pour habitude de l'utiliser. En fait, je leur avais même formellemen t interdit d'appuyer sur ce maudit bouton car il produisait un bruit atroce que personne n'av ait envie d'entendre. Quelqu'un frappa doucement à la porte, ce qui était passablement inutile vu le bruit qu'ils faisaient derrière. Un troupeau d'éléphants aurait été plus discret qu'une bande de potes surexcités à la perspective de la soirée à ve nir. Je ne pouvais cependant pas leur reprocher leur politesse et daignai donc leur lance r un « entrez ! » sans bouger de ma chaise. Lucas entra le premier et s'avança vers moi d'un pa s léger. Il n'était pas particulièrement grand et massif pour un homme mais rien en lui ne semblait fragile, au contraire. Il rayonnait constamment d'une énergie é trangement masculine. Je me disais souvent qu'il avait une manière de bouger identique à celle des danseurs, avec une grâce et une puissance toute contrôlée. Ses cheveux châtain foncé, entre deux coupes, se rebellaient mollement autour d'un visage lisse e t légèrement triangulaire. Son nez était droit et ses grands yeux bordés d'une frange de cil s très noirs surplombaient une bouche aux lèvres bien pleines. Il était issu d'un joli mé tissage. Moitié méditerranéen, moitié cambodgien mais si on ne le savait pas, c'était vra iment très difficile de déterminer ses origines. Je le soupçonnais de s'être laissé pousse r la barbichette pour remédier à son apparence juvénile et prouver qu'il méritait ses vi ngt-trois ans. En tout cas, si ça le complexait il ne m'en avait jamais rien dit. Ses yeux ambrés pétillèrent de tendresse quand il s e pencha pour embrasser mon front. J’accueillis ce geste avec plaisir car cela m'apaisait toujours de le sentir près de moi. Il avait été mon seul et unique ami pendant la plus grande partie de ma vie. Et, si jtait avant tout grâce à Lucas. Il avait fait'avais aujourd'hui un semblant de vie sociale, c'é en sorte que ses amis soient également les miens. J e lui souris sans m'en rendre compte et regardai par-dessus son épaule pour saluer les j umeaux qui le suivaient. Leurs physiques, typiquement méditerranéens, sembla ient être le modèle standard de tous les hommes du coin. Entièrement brun sur brun. Des cheveux, en passant par les yeux, jusqu'au hâle de leur peau. Seules leurs allu res de haricots, grands, fins et dégingandés, semblaient propres à eux. Ils étaient si impatients de partir, qu'ils en sautillaient presque sur place. Deux hommes de cett e taille dans mon salon-bureau-salle-à-manger-chambre rendaient tout à coup la piè ce encore plus minuscule qu'elle ne l'était à la base. Autant vous dire que quand ils é taient aussi agités, il ne valait mieux pas souffrir de claustrophobie. Alexandre agita la main dans ma direction tandis qu e son frère, Thomas, me reluquait sans discrétion. Je ne lui en tins pas rigueur. D'u ne part parce que j'avais l'habitude d'être en compagnie d'hommes et, surtout, parce que je ne portais qu'un sweat-shirt extra-large qui peinait à recouvrir entièrement mon micro-short . Si je devais m'en prendre à quelqu'un pour ce petit écart de galanterie, ce n'é tait qu'à moi-même. — Je crois que Nathan s'est endormi, déclarai-je po ur détourner son attention de mes cuisses nues. Ma phrase eut le don de faire fleurir trois sourire s espiègles sur le visage de mes invités. Ils se réjouissaient par avance de la distraction que leur apporterait la situation. — Tu nous l'as tellement épuisé qu'il n'a même pas eu la force de nous attendre ? me lança Thomas tandis que les deux autres grimpaient sur la petite mezzanine qui me servait de lit. — Je n'ai fait que mon devoir, répliquai-je avec un sourire entendu. Lucas tira sur la couette d'un coup vif, découvrant le corps allongé en croix sur le matelas. Un grognement inarticulé sortit de la bouc he de Nathan qui dormait encore quelques secondes auparavant. Mais Alexandre ne se découragea pas et lui tira les chevilles avec force. Tout en essayant de disparaît re sous les coussins, la pauvre victime balança ses pieds dans le vide dans l'espoi r de rencontrer le visage d'un de ses assaillants. Heureusement Nathan n'avait pas le rév eil mauvais et ce genre de
chamailleries était monnaie courante pour lui. La p lupart de ses amis avaient la petite vingtaine et, même si lui dépassait le quart de siè cle, ils avaient, en groupe, un comportement très régressif. Nathan déplia son magnifique corps, uniquement vêtu d'un caleçon froissé, et entreprit de descendre par l'échelle. Chemin faisant, je pus m'abandonner à la contemplation de son côté pile. J'ai un peu honte de l'avouer mais ce qui m'a avant tout poussée dans les bras de Nathan, c'est son anatomie génétiquement avantageus e. Oh, il a de très beaux yeux verts mais honnêtement, ce n'est pas le plus frappa nt chez lui, pourvu que vous vous trouviez du bon côté pour le constater. Son mètre quatre-vingt et sa coupe courte châtain f oncé lui donnent un air assez banal. Il dégage pourtant cette sorte d'assurance t oute masculine qui attire immanquablement les regards féminins. Quand il me surprit en train de le reluquer, il m'a dressa un sourire endormi qui adoucit instantanément son visage osseux et légèrement allo ngé. Je lui rendis son sourire parce qu'il était très mignon quand il prenait cette expr ession. Le genre de celle qu'on réserve aux rares privilégiés avec qui on partage son lit. Les quatre hommes se taquinèrent encore quelques in stants, riant et se bousculant. Quand plusieurs membres de leur bande d'amis se tro uvaient dans un même lieu, cela produisait souvent cet effet. Comme si l’atmosphère s'épaississait soudain, saturée de testostérone et d’excitation. Entre démonstration d e force, récréation et amitié virile, leur groupe était lié par un je-ne-sais-quoi qui me lais sait toujours perplexe. J'ignore si c'est une particularité des habitants de St Clair les boi s ou si c'est courant chez les jeunes qui se connaissent depuis l'enfance, mais ce lien exist ait bel et bien. D'ailleurs, j'aurais instinctivement pu vous designer tous ceux qui fais aient partie de leur groupe. Comme s’ils avaient un post-it sur le front indiquant : « Membre du club ». Et croyez-moi, mon instinct se trompe rarement. Pendant que Nathan prenait sa douche, ses trois ami s s'installèrent dans mon canapé et entreprirent de se défier aux jeux vidéo. Je pos sédais à peu près tout ce qui se faisait en console de jeux dernier cri. Si mon appartement était devenu le QG des jeunes hommes de St Clair les bois, c'était en grande part ie parce que c'était l'endroit qui s'approchait le plus d'une salle d'arcade dans les environs. Ils ne venaient pas vraiment pour profiter de mon agréable compagnie mais ça ne me dérangeait pas. Au contraire, je fait que je sois meilleure qu'eux, malgré’étais toujours ravie d'avoir des adversaires et l tous leurs efforts, avait le mérite d'entretenir mo n ego. Ce soir pourtant, ils allaient me laisser délibérém ent seule. Je baissai les yeux en soupirant et mon regard se posa sur la tache dans l a paume de ma main. Pour autant que je sache, j'avais toujours eu ces p etites marques rouges, comme un point de feutre. Quatre, précisément. Une au centre de chaque paume ainsi qu’en dessous de mes pieds, en plein milieu de la voûte p lantaire. Un jour, j'avais demandé à ma mère de quoi il s'agissait et elle m'avait répon du que c'était de simples taches de naissance. Mais quand j'avais posé la question à ma grand-tante, celle-ci m'avait affirmé que c'était les marques d'une opération médicale qu 'on avait pratiquée sur moi étant nouveau-née. Je soupçonnais ma mère de ne plus se s ouvenir de cette fameuse opération, tout comme elle avait occulté une grande partie de mon enfance. Ce n'était qu'une des très nombreuses choses que je reprochais à ma génitrice. Comme ça me mettait toujours dans tous mes états quand je pensa is à elle, je me forçai à détourner mes yeux de mes mains. Les garçons tentaient de battre mon record à Mario Kart sous l'œil attentif de mon chat, Jabba. Je regardai à nouveau la rue en contre bas. Il était toujours là et, oh surprise, il avait changé de position ; il s'était redressé d e quelques centimètres à peine. Pourtant, ce simple changement lui donnait l'air encore plus grand et massif qu'il ne m'avait paru au premier abord. Bien sûr, je me demandais qui il était et surtout c e qu'il faisait là, à m’observer depuis la rue. Mais, bizarrement, ça ne m'affectait pas au tant que ça. J'aurais dû être inquiète, voire paniquée, et c'est surtout ce manque de réact ion qui me turlupinait. Mon instinct, pourtant si fiable habituellement, m'avait abandonn ée. Non, ce n'est pas tout à fait exact. En réalité, mon instinct me soufflait justement que cet homme n'était pas un danger pour moi. Et, même si j'avais envie de le croire, ma rai son ne cessait de protester : « Cette attitude n'est pas normale, Manon ! Tu devrais avoi r peur et demander de l'aide ». Comme je commençais à être fatiguée de cogiter auta nt, je décidai d’en parler aux autres : — Il y a un homme dans la rue.
— Qui est-ce ? demanda Lucas, absorbé par son jeu. — Vous êtes passés devant lui tout à l'heure mais v ous ne l'avez pas vu. — Il n'y avait personne dans la rue, Manon. — Je te dis que si, justement. — Et moi je te dis que s'il y avait eu quelqu'un on l'aurait senti. — Viens « sentir » par toi-même si tu ne me crois p as ! finis-je par rouspéter. Mais quand je me tournai une nouvelle fois vers ma fenêtre, je constatai que la rue était totalement déserte. — J'aurais dû m'en douter, grognai-je pour moi-même . Thomas, qui s'était déjà levé pour suivre mon regar d, m'adressa un sourire railleur en comprenant que personne ne se trouvait sur le trottoir. — Tu restes trop devant tes jeux, Manon. Tu commenc es à délirer. — Justement, emmenez-moi ce soir. Comme tu viens si justement de le faire remarquer, j'ai besoin d'air. Il se campa bien droit sur ses deux jambes, croisa les bras sur son estomac et me défigura. Il avait l'air de quelqu'un qui se prépare à avoir une discussion désagréable : — Tu sais bien qu'on n’emmène pas de filles quand o n a l'intention de draguer d'autres filles. C'est contre les règles. — Embarquer un homme déjà maqué pendant votre petit e virée, c'est pas contre les règles, ça ? — Je croyais que vous n'étiez pas en couple ? — Nathan et moi ne sommes peut-être pas un couple a u sens conventionnel mais nous couchons ensemble. — Quand bien même, si Nathan ne prend plus part au jeu, ça ne fait pas de lui un boulet pour autant. — Voilà que je me fais traiter de boulet maintenant… — Arrête de râler, Manon, me réprimanda Lucas depui s le canapé. On en a parlé des dizaines de fois. Je pensais qu'on était tombés d'a ccord, non ? — J'ai accepté de ne plus poser de question mais ça ne me plaît pas pour autant. Vous passez presque toutes vos soirées ici, que je le veuille ou non d’ailleurs, et quand vous décidez de sortir, je ne suis même pas invitée . C'est injuste. — Tous les hommes ont des besoins naturels, poupée. Je foudroyai Thomas du regard. — Ne m’appelle pas comme ça ! aboyai-je. — Oups ! Ça m'a échappé, dit-il sans paraître le mo ins du monde désolé. On a tellement l'habitude de t'appeler comme ça entre no us que j'oublie presque que ce mot est banni dans ta maison. Je lançai un regard courroucé à Lucas. Si j'avais e u les yeux de Superman, il serait mort sur place. Le concerné baissa les yeux. Il éta it incapable de démentir et préféra donc rester silencieux. Le traître. Je ne pouvais pas leur interdire de bannir un mot d e leur vocabulaire pour mes beaux yeux. Je ne pouvais pas non plus leur reprocher de m'associer à cette image parce qu'à la vérité, c'est exactement ce à quoi je ressemble. Une poupée. Un petit mètre cinquante-neuf, des membres fins et de jolies rondeurs placées aux endroits stratégiques. Ma peau, presque aussi clair e que de la porcelaine, est parsemée de quelques taches de rousseur discrètes. Au-dessus de mes joues bombées de gamine, la loterie de la génétique m'a fait don d'u ne paire d'yeux entre le bleu et le gris clair d'un ciel d’orage et d'un tout petit nez mali cieux. Pour couronner le tout, j'ai une longue crinière auburn parcourue de reflets, cent p our cent naturels, roux, châtains et cuivre. Je les attache tout le temps parce qu'une fois lâch és, ils ondulent lourdement. Ce n'est pas laid, non, mais ça ne fait qu'accentuer le côté babydoll. Vous vous demandez pourquoi je ne les coupe pas dans ce cas ? Tout sim plement parce que je n'aime pas aller chez le coiffeur. Les rares fois où je m'étai s rendue dans un salon, ils avaient été tellement choqués qu’ils avaient passé l’heure à me convaincre de ne rien toucher. Depuis, c'est ma grand-tante Marie-Anne qui s'en ch arge. Ça m'épargne les sermons des coiffeurs et leurs factures exorbitantes pour deux coups de ciseaux et trois commérages. Le fait que je ressemble à une poupée semble pousse r les gens à penser que je devrais agir comme telle. Être féminine, délicate e t gracieuse. Je devrais me brosser les cheveux pendant des heures devant ma coiffeuse et p orter des robes pastel à manches bouffantes. Et puis quoi encore ? On me reproche souvent de ne pas être reconnaissant e envers mère nature. Ce n'est pas faux mais j'ai une excuse. Il se trouve que mèr e nature m'a tout simplement oubliée
pendant mon enfance. J'étais alors une minuscule pe tite chose, aussi épaisse qu'une allumette. Un visage ingrat éclaboussé de taches de rousseur, entouré par des cheveux « poils de carotte ». Ce n'est qu'à la maturité que j'ai enfin pu m'extirper de ma chrysalide mais il était déjà trop tard. La vie m'avait façonn ée à la dure et mon ego s'était brisé depuis bien trop longtemps pour être réparé. Oh, je profite bien de mon physique parfois ! Sédui re les hommes est désormais un exercice plus à ma portée. Je ne suis pas non plus renversante mais rares sont ceux qui cracheraient sur une soirée en ma compagnie. À cond ition bien sûr qu'ils acceptent de me croire sur parole quand je déclare avoir vingt-q uatre ans. Je fais tellement plus jeune que mon âge que, même en connaissance de cause, cer tains hommes ont l'impression de flirter avec une écolière. En outre, mon caractè re naturel est souvent un handicap dans ma vie sentimentale. Beaucoup d'hommes s'atten dent à découvrir une poupée et, quand ils se rendent compte que je suis exactement le contraire, ils ont du mal à ne pas manifester leurs regrets. Mes amis trouvaient tout ceci très amusant. À chaqu e anniversaire j'avais le droit à une poupée version horreur, dans le style de la fia ncée de Chucky. Ma monstrueuse collection, perchée sur ma mezzanine, me rappelait sans cesse l'image qu'ils avaient de moi : une poupée au caractère terrifiant. Quand Nathan sortit de la douche, tout le monde s'e mpressa de quitter les lieux avant que je ne fasse une nouvelle crise de mauvaise hume ur. J'eus droit à un nouveau baiser de Lucas, plus embarrassé que le premier. Finalemen t la porte se referma en faisant résonner un écho douloureux en moi. La solitude, en core. Enfin, il y avait toujours Jabba, le chat. Baptisé ainsi en référence au personnage de Star Wars, car c'est ce qu'il était : une grosse la rve feignante et autoritaire. Son long poil était si sale qu'il paraissait plus gris que blanc. Sa gueule, un peu plate, était surmontée d'un large nez et de deux gros yeux de chouette jau nes. Il était déjà de bonne taille à la base mais l'absence de queue et la couche de gras q u'il avait accumulée en paressant devant la télé le faisait ressembler à une grosse b oule. Il ne bougeait que rarement et avait totalement réquisitionné la partie gauche de mon canapé. Quiconque osait le défier pour cette place avait le privilège de constater qu e, finalement, Jabba avait bien des griffes sous ses bourrelets. Non, Jabba n'était définitivement pas capable de co mbler mon manque affectif ce soir. Pour me réconforter, je passai en revue mon program me de la soirée. Prendre une douche, ranger les courses qui m'attendaient toujou rs dans la cuisine, manger un bout et jt aussi trépidante qu'une partie de ramiouer un peu avant de me mettre au lit. Ma vie étai dans un club du troisième âge. Avais-je vraiment ch oisi ça ? En y réfléchissant bien, cela résultait surtout de mon manque d'ambition. Quand ma grand-tante m'avait appelée pour me proposer de tra vailler dans sa boutique à Saint Clair les bois j'avais accepté car je n'avais rien de mie ux à faire. Le salaire n'était pas très important mais ça ne me dérangeait pas puisque, en complément, j'avais toujours mon site de voyance en ligne. Peu m'importait donc de d éménager de Paris pour m'installer dans la campagne profonde du moment qu'il y avait l ’ADSL. Et Marie-Anne commençait à vieillir. J'aimais me savoir près d'elle car, après tout, c'était une des seules parentes que j'avais. Une des seules femmes au monde qui s’intér esse un tant soit peu à mon existence. Ce qui n'était pas le cas de ma mère et de mon unique sœur, Jessica, bien trop occupées à prendre soin l'une de l'autre. Réfléchir à tout ceci ne risquait pas de me remonte r le moral. Je chassai mes pensées d'un revers de la main et me rendis dans la minuscu le salle de bain. Rien de tel qu'une bonne douche chaude pour vous vider l'esprit. En so rtant, j'enfilai un caraco blanc avec le shorty en coton assorti puis décidai de passer u n pantalon de pyjama par-dessus. Heureusement qu'il se serrait à la taille avec un c ordon car il était beaucoup trop grand pour moi. Mais j'avais froid et j'aimais être habil lée le plus confortablement possible. Je pris mon courage à deux mains et passai dans la cui sine pour ranger mes courses. Mon appartement avait l'avantage d'être au centre d u village et à deux pas – littéralement – de mon lieu de travail. Mais il éta it petit et vieillissait mal. L'entrée donnait directement sur mon salon, avec mon bureau sur la d roite, côté façade. En face, se trouvait la mezzanine et, en dessous, mon coin salo n. Sur la droite se découpait l'ouverture de ma cuisine américaine et dans le fon d la porte de ma salle de bain. On pouvait difficilement faire plus simple question agencement. Je n'avais pas vraiment fait d'effort côté décoration pour la simp le et bonne raison que je ne comptais pas rester ici longtemps. Ça m'avait bien dépanné p endant un an et demi mais, maintenant que j'avais un peu d'argent de côté, je visais un chez-moi un peu plus confortable. Et surtout plus grand.
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Je venais juste de déballer ma nouvelle brosse w.c, flambant neuve, quand la sonnette retentit soudain. Je sursautai violemment. On aurait dit qu’un grillon mutant venait de hurler dans un mégaphone. J’exagère juste un peu. Mais sur l'instant, à presque trois heures du matin, dans le silence mort el de mon appartement, c'est exactement ce que j'avais ressenti. Je me dirigeais vers la porte avec mon nouvel achat dans les mains quand soudain mon système d'alarme interne se déclencha. Ce fut s i violent que je vacillai une seconde, étourdie. Je vous ai dit que j'avais un instinct bien dévelop pé. Eh bien, pour être franche, c'est encore très en dessous de la vérité. Ma grand-tante dit que c'est un don et, même si je suis loin de partager son avis, il y a bel et bien quelque chose qui cloche en moi. C'est comme si on avait enfermé des sentiments ou des pen sées dans des boulets de canon et qu'un petit rigolo s'amusait à m'en envoyer en p leine figure de temps en temps. Parfois c'est aussi violent qu'une décharge électrique mais d'autres fois ça s'insinue tellement discrètement en moi que j'ai du mal à faire la diff érence entre mes propres sentiments et les parasites qui ne m'appartiennent pas. Des certi tudes viennent se graver dans mon esprit comme par magie. Surtout, ne me demandez pas comment ça fonctionne, je n'en ai pas la moindre idée. D'aussi loin que remontent mes souvenirs, j'ai toujours été ainsi. Une bizarrerie de la nature. Danger ! Danger !Cette fois mon instinct me hurlait plus fort qu'il ne l'avait jamais fait. De plus, le fait que la sonnette ait été actionnée prouvait qu'il ne pouvait s'agir que d'un étranger. Mes amis n'auraient jamais appuyé dessus même si leur vie en dépendait. L'opération des différents éléments que j'avais à m a disposition était simple à faire, même pour moi. Il fallait absolument que je décampe au plus vite. Paniquée, je fis un petit tour sur moi-même en cher chant désespérément une échappatoire. Je me cramponnai à mon balai à w.c. a vec l'impression illusoire d'être armée. J'hésitais à prendre une décision qui me met trait dans une position foutrement ridicule s’il s'agissait d'une fausse alerte. La sonnerie retentit à nouveau. Tant pis pour ma di gnité ! J'enfilai une paire de baskets à la hâte et fourrai mon téléphone portable dans la poche de mon pantalon. Puis, j'ouvris la porte-fenê tre en grand, lançai mon arme dans la rue et enjambai la rambarde de mon balcon. La manip ulation suivante fut beaucoup plus périlleuse que je ne me l'étais imaginée. Il fallai t que je me laisse tomber d'un étage pour atterrir sur l'entrée du magasin qui se détachait d e la façade d'un mètre et demi environ. Vu d'ici, la surface de réception semblait minuscul e. Je déglutis péniblement et faillis renoncer quand d e violents coups firent soudain trembler ma porte d'entrée. — Mademoiselle Bouisset ! vociféra un homme. C'est la police. Ouvrez cette porte, nous savons que vous êtes là ! J'eus une seconde de doute. Aurais-je commis un meu rtre sans m'en rendre compte ? Vu les forces déployées, ça devait être au minimum pour un délit de cette envergure. Mais mon instinct détectait une source de rage et d e violence qui n’appartenait très probablement pas à des membres des forces de l'ordr e. Non, les flics sont peut-être parfois un peu peau de vache, mais ils sont raremen t pris d'une envie de tuer pendant une intervention. Je laissai pendre mon corps dans le vide, les mains bien accrochées aux barreaux du balcon. Je fermai les yeux et priai pour que ma mère ne jette pas mes cartouches de jeux rétro à la poubelle si je venais à mourir ce soir. Ça aurait été un sacrilège, un trésor comme ça devait rejoindre un musée, pas une décharg e. Soudain, je desserrai les doigts et serrai les fesses, prête pour la chute fatale. Moi qui avais cru mourir, je trouvai cet atterrissa ge fort confortable. J'ouvris grand les yeux pour comprendre et tombais nez à nez avec Apol lon en personne. Moins d'une trentaine d'années à vue de nez. Des pommettes haut es, une large bouche sensuelle et la mâchoire la plus virile qui m'ait été donnée de voir. Son incroyable regard d'un vert profond, semblait exprimer une forte désapprobation . Il me tenait dans ses bras façon « princesse » mais bizarrement, mon prince charmant n'avait pas l'air content. — Tu es folle ! dit-il d'une voix de basse qui réso nna dans sa poitrine, tout contre moi. Je haussai les sourcils, au point que mes yeux s'éc arquillèrent. J'étais tellement étonnée que j'en avais perdu l'usage de la parole. — Manon ! tempêta-t-il. Pourquoi as-tu sauté du balcon, bon sang ? Tiens donc ! Il connaissait mon prénom. La lumière se fit soudain dans mon esprit : — Vous êtes le pervers du trottoir ! Il s’apprêtait à répondre quand soudain ma porte d' entrée explosa avec fracas. Des gens s'introduisirent dans mon appartement avec aut ant de délicatesse qu'un troupeau
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