Re-née
102 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

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Description

Une poétesse se fait passer pour un homme afin de déclarer son amour aux femmes, dans le Paris des années 1900.

Renée Vivien a réussi à se construire une notoriété en France en se faisant passer pour un homme. Par ce subterfuge, elle loue son amour des femmes dans ses poèmes sans choquer. Mais dans le Paris bouillonnant des années 1900, les écrivains ne restent pas longtemps invisibles. Acculée, elle prend les devants et affiche sa réelle identité en ajoutant un « e » à son prénom. Ce n’est pas la première femme à se revendiquer poète, mais c’est la première à assumer son saphisme publiquement.
Léa, jeune assistante-réalisatrice, tourne un film sur sa vie. Avec un siècle d’écart, elle découvre cette auteure sensible, en prise avec son époque conservatrice, qui tente de résister aux critiques et à ses amours tumultueuses où la baronne de Zuylen est en rivalité avec Natalie Clifford Barney.

À travers le regard d'une cinéaste, découvrez, dans ce roman historique et féministe, une auteure qui n'a pas peur se dévoiler malgré les obstacles de son époque.

EXTRAIT

Pauline pâlit. Elle essaya de rester détachée et de trahir le moins possible son émotion :
— Natalie t’a écrit ?
— Oui. Elle nous invite à un goûter littéraire.
— J’imagine très bien qui sera présent : Pierre Louÿs, Liane de Pougy, peut-être Éva. Toute sa cour.
— Oui, c’est possible. Qu’en penses-tu ?
— Je n’y tiens pas du tout. C’est une idée détestable.
Et elle se replongea dans ses écrits.
Hélène, légèrement agacée par sa réaction,
— Je sais que tu ne la portes pas particulièrement dans ton cœur et que vous vous êtes quittées en très mauvais termes, mais tu devrais tirer un trait sur tout cela et faire preuve d’un peu plus de maturité.
Pauline releva la tête et écarquilla les yeux, ne croyant pas ce qu’elle venait d’entendre. Hélène qui la poussait vers son ancienne amante. Elle ne réalisait pas combien cette proposition était sulfureuse. Elle, qui luttait depuis des mois contre ce retour, y était maintenant poussée par sa propre compagne. Plus elle essayait de chasser Natalie de ses pensées et plus elle revenait en force. Elle avait réellement le sentiment de nager à contre-courant et de s’épuiser. Alors qu’elle avait plus que jamais besoin d’Hélène pour la soutenir dans cette lutte, elle était sur le point de lui porter le coup fatal.
La proposition de Natalie était machiavélique. Pauline tenta de la contrer à nouveau :
— Je te le redis, c’est une très mauvaise idée. Je ne veux plus qu’elle fasse partie de ma vie. Je ne veux plus la revoir.
— Ah oui ? Les choses sont aussi simples pour toi ? Tu penses que tu peux te soustraire à tes devoirs ?
— Oui, je peux encore décider des personnes que je souhaite voir ou pas. Je me suis affranchie de ma famille, ce n’est pas pour que l’on m’impose des rencontres et des rendez-vous mondains.
— Tout n’est pas si simple Pauline. Je sais que c’est difficile pour toi, voire douloureux de la voir. Mais tu ne réalises pas combien les salons se ferment à nous. Depuis ton idée d’ajouter un « e » à René, il est extrêmement rare que nous soyons invitées toutes les deux. Pour une fois que c’est le cas, je pense qu’il serait très mal venu de refuser.

À PROPOS DE L'AUTEUR

Alice Renard a toujours écrit pour son plaisir, des courts métrages, des nouvelles. La crise de la quarantaine l’a convertie en écrivaine passionnée. Observatrice du genre humain, férue de cinéma, elle vous livre son premier roman, le fruit de ses recherches et lectures sur une poétesse du début du vingtième siècle.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 09 août 2019
Nombre de lectures 2
EAN13 9782851137395
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0020€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Alice Renard
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
Re-née
Roman
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 


 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
© Lys Bleu Éditions – Alice Renard
ISBN : 978-2-85113-739-5
Le code de la propriété intellectuelle n’autorisant aux termes des paragraphes 2 et 3 de l’article L.122-5, d’une part, que les copies ou reproductions strictement réservées à l’usage privé du copiste et non destinées à une utilisation collective et, d’autre part, sous réserve du nom de l’auteur et de la source, que les analyses et les courtes citations justifiées par le caractère critique, polémique, pédagogique, scientifique ou d’information, toute représentation ou reproduction intégrale ou partielle, faite sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause, est illicite (article L.122-4). Cette représentation ou reproduction, par quelque procédé que ce soit, constituerait donc une contrefaçon sanctionnée par les articles L.335-2 et suivants du Code de la propriété intellectuelle.
 
 
 
 
 
 
Chapitre 1
 
 
 
Pauline n’avait pu résister au plaisir de remonter les Champs-Élysées sous les premiers rayons de soleil printaniers. Enfin le soleil. Enfin un peu de chaleur après cet hiver interminable. Tout comme la sève qui affluait sous l’écorce des marronniers de l’avenue, elle sentait la vie s’animer en elle. Elle admirait, un sourire aux lèvres, les jeunes pousses verdoyantes et leurs thyrses de fleurs blanches telles des flèches pointées vers le ciel.
Elle devait rejoindre son ami et professeur, Charles Brun, dans un salon de thé près de la place des Ternes. Elle respira à pleins poumons. Elle se sentait libre. À vingt-six ans, malgré toutes les déconvenues de sa jeune existence, malgré les obligations qui l’étouffaient souvent, elle se sentait libre. Prête à tenter toutes les nouvelles aventures. Elle regarda des fillettes pousser des cerceaux avec leur bâton en riant. Pour elle, l’enfance n’était pas si loin. Tout était encore possible.
Elle remonta l’avenue et se dit qu’elle devait avoir un air charmant au vu du nombre de messieurs qui se retournait sur son passage. Elle laissait les regards couler sur elle. Elle adorait la France. Elle adorait la légèreté de l’air, l’insouciance qui régnait autour d’elle. L’odeur du pain, les nouvelles bouches du métropolitain installées depuis l’exposition universelle de 1900, les ombrelles en dentelle et le soleil sur l’Arc de Triomphe. L’idée d’être loin de Londres, loin de sa famille, lui donnait des ailes. La pression de sa mère pour lui trouver un mari s’était considérablement allégée depuis qu’elle était Parisienne.
En pénétrant dans le salon de thé, elle releva sa voilette et aperçut rapidement son ami, Charles Brun. Le salon devait regrouper tout au plus une dizaine de convives. En remarquant Charles en compagnie d’un autre homme, elle se raidit. Elle n’avait aucune envie de faire la conversation à un inconnu. Toutefois, elle prit sur elle et s’avança dans la salle aux lumières feutrées. Charles vint à sa rencontre.
— Ma chère Pauline, comment allez-vous ?
— Je pensais vous retrouver seul, chuchota-t-elle avec un léger accent anglais, j’avais des poèmes à vous faire lire.
— Oui, je suis désolé. Figurez-vous que monsieur Maurras est venu me rejoindre à l’improviste. Mais il me semble vous avoir déjà présenté ?
— Non, vous m’avez juste parlé de sa plume assassine.
— Vous allez voir il n’est pas si terrible, la rassura-t-il en l’entraînant dans le salon. Ils s’approchèrent du critique littéraire qui se leva pour accueillir Pauline. Monsieur Maurras était un homme assez banal. De taille moyenne, cheveux bruns, il se laissait pousser un bouc pour se donner un air d’importance. Toutefois, malgré les apparences, il était une sommité dans son domaine et sa parole faisait foi dans les milieux littéraires. Au travers de ses critiques publiées dans les journaux spécialisés, il faisait et défaisait les réputations des écrivains. Son regard perçant détailla chaque aspect de la silhouette de Pauline qu’il trouva adorable. Charles Brun se chargea de faire les présentations.
— Laissez-moi vous présenter mademoiselle Tarn, une amie très chère à qui je donne occasionnellement des cours de lettres.
— Enchanté mademoiselle Tarn, vous succombez vous aussi à cette nouvelle mode ? J’ai l’impression que toutes les femmes de Paris n’ont qu’une idée en tête : écrire ! Lucie Delarue-Mardrus, Anne de Noailles, Colette et j’en passe.
— Et pourquoi y voyez-vous à redire ? L’écriture serait-elle réservée aux hommes ? répondit Pauline légèrement provocatrice.
— Disons que les hommes sont plus armés et, à vrai dire, plus doués pour cela. Et depuis toujours. Ce passe-temps pour les femmes ne leur sied pas. Il faut se confronter à la vie, au monde pour pouvoir écrire. Où voulez-vous que les femmes trouvent leur inspiration ? Dans leur cuisine ? railla-t-il, très fier de son trait d’esprit.
— Je ne pense pas que les écrits de Colette ou Anne de Noailles relatent les dernières recettes culinaires.
— Vous avez raison. Il est vrai que les femmes aiment particulièrement se pâmer dans un romantisme exacerbé. Ce n’est pas étonnant qu’elles se délectent dans l’écriture de poèmes. À propos Charles connaissez-vous la dernière ? interrogea le critique l’œil malicieux, comme s’il tenait dans ses mains un jouet convoité de tous.
— Non éclairez-moi, répondit Charles Brun.
— Je ne sais pas si mes sources sont fiables, mais un bruit court sur René Vivien. Il semblerait qu’il ne soit pas un homme mais une femme ! harangua-t-il.
Charles Brun épia furtivement Pauline cligner des yeux.
— D’où tenez-vous cela, mon cher ? Ne serait-ce pas une rumeur lancée par le poète lui-même pour faire justement parler de lui ?
— Je n’en sais trop rien à vrai dire, mais comptez sur moi pour mener cette enquête jusqu’au bout. Imaginez l’article que je pourrais en tirer si cela s’avérait juste : « le poète le plus prometteur de Paris serait en fait une femme ! » Quel vaudeville !
Pauline coupa court à son enthousiasme en s’adressant à son mentor :
— Charles, je suis désolée, mais je ne vais pas pouvoir rester longtemps. Je vais devoir abréger votre conversation.
— C’est moi qui vais l’abréger, je me suis déjà imposé plus que de raison, répondit le critique en prenant son chapeau.
— Mais vous savez bien que c’est toujours un plaisir de partager un moment en votre compagnie, répondit Charles un peu trop poliment.
— En tout cas, je vous tiendrai informé de mes investigations, conclut-il avec un clin d’œil.
Puis prenant la main de Pauline Tarn et y déposant un baiser :
— À très bientôt, mademoiselle, je suis persuadé que vous allez progresser de manière vertigineuse dans votre écriture. Vous avez le meilleur professeur qui soit.
— Je n’ai aucun doute à ce sujet, monsieur Maurras, lui sourit-elle.
— Juste une dernière question. D’où vient votre charmant petit accent ? Il me semble y reconnaître les sonorités britanniques.
— Absolument. Mais la France est ma patrie de cœur.
— Vous avez bien raison. Rien ne pourra jamais égaler la splendeur de notre pays !
Il les salua une dernière fois avant de prendre ses affaires et sortir.
Lorsqu’ils furent enfin seuls, Pauline laissa sa colère exploser :
— Non mais quel mufle ! Pour qui se prend-il ? Et comment a-t-il pu savoir que je suis une femme ?
— Je n’en ai pas la moindre id

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