Théâtre
663 pages
Français

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Théâtre , livre ebook

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Description

Jean Gillibert dans son théâtre ici rassemblé ne se contente pas d'explorer passionnément les fourvoiements de l'histoire de son siècle; il cherche, plus encore peut-être, à rendre compte d'un autre phénomène, lui aussi moderne et non moins inquiétant : la démission des mots.
Il aura été tour à tour dramaturge et poète, psychiatre et psychanalyste, acteur et metteur en scène, traducteur des classiques et modernes, influençant plusieurs générations d'acteurs et de dramaturges, cherchant à faire émerger un "autre théâtre".

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 décembre 2009
Nombre de lectures 248
EAN13 9782296690356
Langue Français
Poids de l'ouvrage 17 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,1900€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

THÉATRE
1963-2008
JEAN GILLIBERT


THÉATRE

1963-2008


L’HARMATTAN
© L’H ARMATTAN , 2009
5-7, rue de l’École-Polytechnique ; 75005 Paris

http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr

ISBN : 978-2-296-10744-1
EAN : 9782296107441

Fabrication numérique : Socprest, 2012
MISE EN GARDE de l’Auteur
C’est plutôt tardivement que j’ai écrit pour le théâtre, alors que l’envie m’en était venue dès l’enfance. Ce qui ne m’a pas empêché de pratiquer très tôt le théâtre, et de le pratiquer beaucoup, mais toujours avec cette envie ravageuse, trop avouée et longtemps inconduite. Je me sentais impuissant à trouver en moi et en mon époque – mes époques – la source sûre qui servît essentiellement ce que je souhaitais atteindre du « miracle » de la réalité théâtrale.
J’avais refusé le « culturel » pour mieux me rapprocher du cultuel ; comme j’avais refusé les acrobaties de mise en scène, toujours dissimulatrices de l’œuvre.
Je me sentais en totale inanité devant la nécessaire commensalité – et pas seulement civique – de l’œuvre de théâtre, qui partage et unit acteur et spectateur, scène et public.
Je savais avec certitude éprouvée qu’il avait existé des « miracles » – les Grecs, Shakespeare, Racine… Je savais qu’il me fallait retrouver aussi ce que j’avais vécu de « miraculeux », enfant, auprès des vieux comédiens de Pont-aux-Dames : un gisement de ressources organiques dans lequel je n’ai jamais cessé de puiser.
Vint enfin l’heure où je me sentis prêt à vendanger ces richesses longuement désirées, avec cette foi dans l’écriture qu’apporte non pas le surgissement d’un temps retrouvé mais le pressentiment d’un temps nouveau d’enracinement.
J’ai tenté d’être alors un ouvrier éduqué au service d’un théâtre de l’inhérence.

J. G.
AVIS D’UN LECTEUR AU LECTEUR
Ames tièdes, s’abstenir ! Que Jean Gillibert nous pardonne cet avertissement qui vient après sa « mise en garde ». Voudrait-on faire fuir le lecteur qu’on ne s’y prendrait pas autrement. Mais si l’on veut aussi donner aux intrépides qui oseront franchir le seuil de ce Théâtre de quoi éclairer leur chemin et ouvrir les bonnes portes, il est au moins honnête de les pourvoir, sinon d’un trousseau de clés (ce serait tout de même tricherie), en tout cas d’un briquet et de quelques mèches.
Nous ne voulons pas insinuer que l’auteur des pièces réunies dans le présent volume se complaît dans l’obscur, mais simplement rappeler qu’au rebours de quasi tous les hommes de théâtre de son temps il n’a jamais rien fait pour « séduire » son public, préférant fédérer la ferveur d’un petit monde d’enthousiastes plutôt que de racoler les foules à renfort d’esbroufe et de porte-voix.
Ce pourrait être là signe d’orgueil dissimulé : chercher à conquérir les suffrages en adressant d’abord son œuvre au happy few… et calculer que ce dernier finira bien ensuite par rameuter, ne serait-ce que par intimidation, la troupe toujours nombreuse des jobards. Eh bien, ce n’est pas le cas : l’histoire de Jean Gillibert montre au contraire qu’il a commencé par n’adresser son théâtre à personne. Homme de la scène dès l’immédiat après-guerre (il est de la jeune équipe du Théâtre antique de la Sorbonne qui ressuscite en 1947 – il a alors vingt-deux ans – le lieu scénique d’Epidaure, muet depuis près de vingt siècles, en y faisant résonner à nouveau la grande voix d’Eschyle), il attendra d’avoir passé la cinquantaine pour songer à faire entendre ses pièces à lui, choisissant de consacrer d’abord son temps au théâtre des autres : de tous ceux qui l’ont fait être ce qu’il est, et auprès desquels il se sent pour jamais redevable.
On ne donnera pas ici la liste des spectacles qu’il a montés (une bonne centaine de 1956 à 2003, des tragiques grecs à Valère Novarina), ni celle des traductions qu’il a livrées (Sophocle, Eschyle, Euripide, Shakespeare…) ou des romanciers qu’il a adaptés pour la scène (Balzac, Dostoïevski, Henry James, Pierre-Jean Jouve, Raymond Guérin…), ni des lieux fameux où il s’est produit ou qu’il a animés (l’Odéon à l’époque Renaud-Barrault, la troupe de la Comédie-Française dans la cour d’honneur d’Avignon, le festival de Châteauvallon où il forma toute une génération d’acteurs et de créateurs). On se contentera de rappeler que ce travail au long cours a été conduit par un homme qui exerçait, outre ces activités qu’on vient de dire, le double métier de psychiatre et de psychanalyste – où il a laissé une trace non moins marquante. Et de préciser que le théâtre qu’il s’est finalement résolu à signer de son nom (et qui n’a toujours pas été entièrement monté à ce jour) n’a pour l’essentiel connu que les feux de scènes modestes... où il n’a pourtant pas laissé de surprendre et parfois d’éblouir un public d’aficionados aussi fidèles que têtus.
Nous voulons surtout dire que ce théâtre qui a mis tant d’années à mûrir s’offre moins qu’il ne se mérite. Non qu’il puisse être en rien réputé difficile ou abscons (c’est même l’un des plus « physiques » que nous sachions… ce qui ne l’empêche pas, on le verra, de revendiquer haut et clair une dimension proprement « spirituelle », fût-ce en cousinant avec bien des hérésies) ; mais dans la mesure où il est né de la fréquentation des maître antiques, qui se refusaient à séparer le profane du sacré, il ne saurait atteindre à son accomplissement par les voies trop simples et souvent menteuses de l’évidence. Lecteur de saint Augustin, Jean Gillibert n’ignore pas que « Dieu est proche de ceux qui le fuient, et fuit ceux qui le cherchent ». Aussi n’hésite-t-il pas à s’égarer et à nous égarer dans la nuit obscure du songe, de la vaticination, voire du délire… l’égarement étant à ses yeux moins une voie privilégiée de l’expression théâtrale que la condition centrale de toute dramaturgie porteuse de sens. Car c’est au prix de l’égarement, et à ce prix seulement, il en a toujours été convaincu, que le drame qui se joue et se noue sur scène (et peu importe, alors, qu’il soit tragique, comique ou bâtard) peut remplir sa mission : qui est de nous rendre visible l’invisible.
A quoi il s’emploie ici inlassablement, loin de la sage mesure si chère à l’esprit français, et ne reculant jamais devant le bel excès pourvu qu’il aide à forcer le mur des mots sclérosés par trop d’usage. De même ne cesse-t-il de récuser sans prudence la commode unité de ce qu’on appelle le « genre », traitant indifféremment le thème de la Mort ou celui du Crime, ces deux piliers de la tragédie, sous les espèces de la sotie, de la farce ou du drame apocalyptique. Et il n’est pas tant porté à cela par le courant d’une tradition du mélange qui remonterait à Shakespeare, et même à bien au-delà, que par la sinistre exemplarité de l’époque qu’il avait sous les yeux et qui s’est employée comme aucune autre à faire grimacer la violence de l’Histoire. A Beckett qui souligne que l’humaine tragédie finit toujours par s’envaser dans l’absurde et le grotesque, il répond que c’est au contraire l’absurdité risible de l’histoire des hommes qui fait de leur aventure une tragédie.
La mort sous toutes ses formes (violentes de préférence : crimes de sang, exécution de prétendus coupables, extermination, inhumations et exhumations intempestives…) et à tout le moins le deuil sont présents dans presque tous les titres de ses pièces. Il pourrait y avoir de la complaisance à cela si c’était quelque penchant morbide qui gouvernait sa barque vers ces eaux noires ; mais l’on sent vite que cette aimantation funèbre est provoquée chez lui par la mise en tension de toute une vie entre le pôle de la violence historique la mieux déclarée (Gillibert est un enfant de l’entre-deux-guerres, comme l’explique bien Marc-Olivier Sephiha dans la préface qu’on pourra lire à quatre pages d’ici) et celui de l’irénisme trompeur de notre interminable « après-guerre » – nous y sommes toujours ! – perverti par la fascination du nombre et charriant dans la démesure de son progrès les millions de victimes d’une Troisième Guerre mondiale qui n’ose pas dire son nom.
Le paradoxe de ces deux « époques » que l’on feint d’opposer l’une à l’autre – mais qui pour Gillibert n’en font qu’une – aurait quelque chose de comique, de ridicule en tout cas, s’il ne laissait dans son sillage une si longue traînée sanglante. Le théâtre qui leur donne ici carrière en se gardant bien de les disjoindre, et qui le fait de façon si in

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