Vers Saba
209 pages
Français

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Description

Depuis la mort d’Emilio, Nathalie rêve de tout laisser derrière elle. Elle abandonnerait Saint-Martin, la vente de sacs et de paréos sur les plages, et prendrait le large à bord d’un voilier. Elle mettrait le cap sur Saba, l’île où on dit trouver la paix.
Un matin, en route vers le marché de Marigot, elle rencontre Christian, un marin qui la remue et avec qui, sans le lui dire, elle s’imagine déjà partir. Ce secret, elle le lui avouerait si une autre femme ne nourrissait pas son propre rêve avec lui.
Heureusement, Nathalie a ses cahiers, dans lesquels elle dessine la houle qui agite son âme et la splendeur bigarrée de Saint-Martin, une île traversée par le vol des sucriers, les parfums du rhum et des plages de sable blanc et rose foulées jadis par des pirates légendaires et où des paquebots, énormes comme des villes flottantes, accostent aujourd’hui.
Des branches de palmiers filtrent le soleil sur le transat où je m’étends devant la mer étale comparable à un morceau d’étoffe azur près de la plage, à une ceinture turquoise dans la zone de mouillage, à un fil argenté à l’horizon. J’ajoute de la couleur au portrait de Christian : du bronze à sa peau, du gris et du brun à ses tempes et à sa barbe naissante, du rose à ses lèvres, de l’écru à son chapeau, du bleu à ses iris qui ont dû envoûter plusieurs femmes. Je noircis le titre, jusqu’à le rendre illisible, et le remplace par celui d’Oasis. Le chat réapparaît près des lauriers roses. Il ne bouge pas d’un poil, les pattes repliées sous son corps. Trop chaud pour chasser, hein ? On dirait une statue aux yeux de cuivre. D’un bond, la statue se retrouve sur le fauteuil pêche du Lion. En sécurité, perché sur une branche de palmier, le sucrier guette le vilain Mango. Sisisisi, j’imite son chant tout bas, tourne le dessin vers lui. « Ce bel homme, tu l’as déjà vu ? »

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 22 mars 2017
Nombre de lectures 0
EAN13 9782764433034
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0750€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Projet dirigé par Marie-Noëlle Gagnon, éditrice

Conception graphique : Claudia Mc Arthur
Mise en pages : Andréa Joseph [pagexpress@videotron.ca]
Révision linguistique : Isabelle Rolland
En couverture : Photomontage réalisé par Claudia Mc Arthur à partir d’une photo de Subbotina Anna / shutterstock.com
Conversion en ePub : Marylène Plante-Germain

Québec Amérique
7240, rue Saint-Hubert
Montréal (Québec) Canada H2R 2N1
Téléphone : 514 499-3000, télécopieur : 514 499-3010

Nous reconnaissons l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise du Fonds du livre du Canada pour nos activités d’édition.
Nous remercions le Conseil des arts du Canada de son soutien. L’an dernier, le Conseil a investi 157 millions de dollars pour mettre de l’art dans la vie des Canadiennes et des Canadiens de tout le pays.
Nous tenons également à remercier la SODEC pour son appui financier. Gouvernement du Québec – Programme de crédit d’impôt pour l’édition de livres – Gestion SODEC.



Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada

Lévesque, Micheline
Vers Saba
(Tous continents)
ISBN 978-2-7644-3301-0 (Version imprimée)
ISBN 978-2-7644-3302-7 (PDF)
ISBN 978-2-7644-3303-4 (ePub)
I. Titre. II. Collection : Tous continents.
PS8573.E962V47 2017 C843’.54 C2016-942115-5 PS9573.E962V47 2017

Dépôt légal, Bibliothèque et Archives nationales du Québec, 2017
Dépôt légal, Bibliothèque et Archives du Canada, 2017

Tous droits de traduction, de reproduction et d’adaptation réservés

© Éditions Québec Amérique inc., 2017.
quebec-amerique.com





Pour Henning



C’est le même pinceau qui nous a dessinés.
Gandhi


I
L’homme au chapeau
Je n’ai pas quitté l’appartement assez tôt ce matin et je crains de me retrouver sous les rayons cuisants du soleil au marché. Je roule les fenêtres baissées, mais ce n’est pas toujours suffisant pour me rafraîchir ; lorsque je dois ralentir, je sens le poids écrasant de la chaleur. Du revers de la main, j’essuie mon front perlé de sueur et, par inadvertance, je fais entrer de la crème solaire dans mes yeux, ce qui les irrite et m’oblige à conduire plus lentement. J’essaie de diminuer la sensation de brûlure en passant un mouchoir de papier sur mes paupières mais en vain ; les larmes brouillent ma vue.
Je gare ma voiture le long de la route, devant le chantier Six Fathoms, pour laisser le temps à l’irritation de disparaître. Un insecte qui grésillait contre le parebrise s’échappe par la fenêtre. Un avion d’Air France quitte la piste de l’aéroport Juliana dans un bruit assourdissant. Je coupe le contact du moteur et descends de ma vieille Subaru avant que la chaleur ne s’y intensifie. Un sucrier traverse la chaussée devant le centre de la Croix-Rouge, qui semble désert. Bonjour passereau ! Je m’appuie contre la portière et ferme les yeux, les bras croisés sur la poitrine. L’air déplacé par les automobiles et les camions qui passent sur la route fait à peine bouger des mèches de mes cheveux. Le grondement de l’avion diminue rapidement. Un sucrier chante, puis un second ; sisisisi , les oiseaux se répondent. Une motocyclette se rapproche. J’ouvre les paupières. Enfin, je n’ai presque plus mal.
La motocyclette est, en fait, un scooter conduit par un homme blanc, la quarantaine finissante, qui porte un chapeau de toile écru aux bords légèrement arrondis. L’homme s’arrête près de moi. Il a le teint hâlé, des sourcils épais, un visage ovale envahi par une barbe naissante et des cheveux gris sur les tempes. Ses grosses lunettes de soleil rectangulaires aux verres cerclés de métal doré, passées de mode, détonnent.
Vous avez besoin d’aide ? me demande-t-il d’une voix grave, avec un accent dont j’ignore la provenance.
Il enlève ses lunettes et les laisse pendre sur sa poitrine au bout d’un cordon.
Non, merci. Je me suis mis de la crème solaire dans les yeux. Je ne voyais plus très bien et j’ai été obligée de m’arrêter.
Il esquisse un sourire empreint de gentillesse. Je ramène des boucles de cheveux derrière mes oreilles et, intimidée par ses yeux bleu faïence posés sur moi, dis la première chose qui me passe par la tête.
Il faut absolument des yeux pour conduire !
Il acquiesce. Un oiseau rase le toit de la voiture. À la commissure rose de son bec, je reconnais le sucrier. Il disparaît du côté du flamboyant qui donne de l’ombre à la terrasse de la maison délabrée occupée par des squatters.
Je cherche quelque chose à ajouter, mais rien ne me vient à l’esprit. Deux toxicomanes que je croise régulièrement empruntent le sentier qui débouche sur la maison squattée. L’homme éteint le moteur de son scooter. Je décroise les bras, ravie de sa décision.
Il n’y a pas de vent aujourd’hui, commente-t-il.
Il scrute le ciel, puis desserre le cordon de son chapeau noué sous son menton.
Encore une journée idéale pour se baigner, dis-je avec une pointe d’humour, moi qui passe rarement quarante-huit heures sans me jeter à l’eau depuis que je suis sur l’île.
Vous aimez nager ?
J’adore plonger en apnée.
Il me dévisage.
Vous avez plongé à l’île Tintamarre ?
Oui. C’est là que j’ai vu un groupe de calmars pour la première fois. Ils sont étranges, les calmars, ils paraissent transparents, ils n’ont pas l’air réels ! Ils changeaient de direction tous ensemble, en même temps. On aurait dit de la nage synchronisée. De vrais personnages de Walt Disney ! Vous en avez déjà vu ? Vivants, je veux dire.
Oui, à Tintamarre justement.
Vous plongez en apnée ou avec une bouteille ?
Je préfère en apnée. C’est plus simple. On n’a besoin que de son corps et j’aime les choses qu’on peut accomplir naturellement.
Vous connaissez les poissons-perroquets ?
Je suis toujours content de rencontrer le feu tricolore.
Le feu tricolore ?
Il est vert avec le museau bleu et un croissant jaune sur la queue. Il a une ligne abricot qui part de la gueule et qui lui traverse la joue, explique-t-il en traçant une barre imaginaire sur sa figure. Le dessus de sa tête est abricot aussi.
Je m’exclame, exaltée.
Je sais de quel poisson vous parlez ! Ses couleurs sont tellement vives, comme l’ara. J’en ai déjà pris un en chasse au rocher Créole. La mer… l’une des dernières jungles.
Je racle le sol avec le bout de ma chaussure.
J’ai toujours peur de me retrouver nez à nez avec un requin quand je nage, avoué-je, gênée.
Les risques d’accident sont presque nuls dans les Antilles.
Dans les archives du Musée d’histoire naturelle de Floride, on ne fait mention que d’une blessure causée par un requin en trois siècles à Saint-Martin. Ma peur est irrationnelle ! Vous en avez déjà rencontré ? plaisanté-je.
J’en ai vu souvent aux Bahamas.
J’écarquille les yeux et déglutis avec bruit.
Vous étiez seul ?
Parfois.
Et qu’est-ce que vous faisiez ?
Je m’éloignais d’eux lentement.
En ne leur tournant pas le dos, j’espère, me moqué-je.
Je restais attentif à leurs mouvements. On se surveillait.
Ils étaient plusieurs ?
Je me souviens d’en avoir compté quatre, une fois. Le plus gros mesurait environ deux mètres cinquante et devait peser soixante-dix kilos.
Ouf ! J’aurais eu du mal à contrôler ma peur.
Il ne faut pas avoir peur. Ils se comportent comme des chiens. Ils s’approchent, viennent vous sentir, ensuite ils s’en vont.
Il sort un bout de papier quadrillé et un stylo d’une poche de sa chemise. Il griffonne quelque chose et me tend le papier.
Tenez. On pourrait plonger ensemble à Prickly Pear, près d’Anguilla.
Prickly Pear… je n’y suis jamais allée.
Je prends le bout de papier et, à voix haute, lis le numéro de téléphone qu’il a inscrit afin de m’assurer que je le déchiffre bien. Sisisisi , chante un sucrier, qui paraît valider le numéro. L’homme me regarde. Il attend peut-être qu’à mon tour, je lui donne mon numéro de téléphone.
À Prickly Pear, lance-t-il, on peut observer des tortues, des mérous, des raies…
Des raies ! Wow ! Ce serait une première pour moi. Et des requins, là-bas, il y en a ?
Des requins, on en rencontre partout dans les Antilles.
Il sourit et change de sujet.
Vous êtes Québécoise ?
Oui, mon accent en témoigne !
Vous venez de quelle région ?
Je suis née à Québec.
Ses yeux s’éclairent.
Je connais bien cette ville. J’y ai habité quelques années. Les plaines d’Abraham, le fleuve Saint-Laurent, le Vieux-Québec : c’est vraiment joli ! Je prenais souvent le traversier pour aller à Lévis et marcher le long du fleuve. De Lévis, on a une vue fantastique de la citadelle.
Qu’est-ce qui vous a amené à Québec ?
La curiosité. Je voulais voir l’Amérique. J’avais vingt ans…
Il roule les manches de sa chemise sur ses avant-bras avec des gestes lents.
J’y ai rénové des appartements, poursuit-il.
Il rit doucement.
Je trouvais l’hiver trop long !
C’était trop long, six mois d’hiver ? dis-je, taquine.
Je déteste enfiler des tas de vêtements et geler des mains et des pieds… même avec des mitaines et des bottes. Je me sens plus à l’aise habillé de cette manière.
Il touche le tissu léger de son pantalon, puis continue.
J’ai besoin de vivre dehors. J’aimais faire du ski ou patiner au carré d’Youville en écoutant de la musique, mais…
Il hoche la tête de droite à gauche. J’affiche un air pince-sans-rire.
Mais pelleter deux fois dans la même journée après une tempête, s’asseoir sur un siège d’automobile glacé et marcher dans la sloche , vous n’aimiez pas ça.
J’avais oublié la sloche ! s’exclame-t-il, les yeux rieurs.
Il marque un temps d’arrêt, regarde par terre. Je le tire de ses pensées.
Il ne faut pas s’inquiéter, il ne neigera jamais sur l’île. Moi, j’adore l’hiver… mais en images.
Je prends une voix solennelle.
La n

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