Mensonges et déraison
190 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Mensonges et déraison , livre ebook

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190 pages
Français

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Description

Un jeune femme, Adèle, météorologiste, route un navigateur solitaire dans une course autour du monde. Son esprit est partagé entre cet exploit et un compagnon utopiste parti aux confins de l'Asie, à la recherche du royaume médiéval du Prêtre Jean. Elle reçoit des nouvelles éparses, contradictoires qui ne font que susciter en elle l'inquiétude, puis un doute destructeur...

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 février 2011
Nombre de lectures 25
EAN13 9782296803176
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,1000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Mensonges et déraison
© L’HARMATTAN, 2011
5-7, rue de l’École-Polytechnique ; 75005 Paris
http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr
ISBN : 978-2-296-54374-4
EAN : 9782296543744

Fabrication numérique : Actissia Services, 2012
Antoine de Tounens


Mensonges et déraison


Roman
À Brigitte


« Parmi nous personne ne ment ni ne peut mentir. Et si quelqu’un commence à mentir, il meurt aussitôt, c’est-à-dire qu’il est compté pour mort parmi nous ,… »

Lettre du Prêtre Jean § n°51
Chapitre 1
Samedi 13 novembre

Adèle est assise face à son amie, un bock de bière à la main ; elle observe amusée Gladys déguster ses oursins avec ostentation. Une oursinade agrémentée d’un filet d’huile d’olive, agacé d’un zeste de citron vert. Il est dix-neuf heures avenue Montaigne, à Paris, près des Champs-Élysées ; une semaine s’achève. Une heure détestable de fin de journée, au milieu de novembre. Les grandes maisons de couture se sont vidées de leurs personnels. Pour les plus courageux, c’est la première heure de la soirée – celle où l’on se donne rendez-vous. La brasserie ne désemplit pas. La clientèle, à la réputation bien assise, semble encore tergiverser ; hésitant à affronter le vent humide pour se rendre à un vernissage ou un cocktail. Le temps file.

Comme parfois, Adèle Roussel est venue cueillir Gladys à la sortie de son travail pour un instant de papotages. De futilités. Les deux amies se connaissent depuis le lycée Fénelon, un établissement réputé près du boulevard Saint-Michel. C’était il y a maintenant près de dix ans. Ce soir, Adèle découvre un brin moqueuse le nouveau régime de son amie. Elle a beau être directrice des relations humaines à la Maison Thyor, elle s’astreint à suivre la même diète que les top-modèles et autres mannequins : un repas par jour. Elle peut ainsi porter avec élégance et nonchalance les tailleurs maison. Adèle la soupçonne de se faire coacher avec la même vigueur que les top-modèles dont elle gère les contrats. À un moment, quand Gladys en est à racler du tranchant de sa cuillère le fond de l’une des dernières coquilles, elle relève ses yeux bleus de myope :
– Tu ne manges vraiment pas ?
– Non, c’est trop tôt !
– Tu attends quoi ?
– Plus tard, le milieu de la nuit.
Sa faim de moineau maîtrisée, elle affecte une bienheureuse satiété ; Gladys s’attarde alors un instant sur la silhouette de son amie :
– Pourquoi portes-tu toujours ce bleu d’écailler ?
– Les poches sont larges…, et dans cette salopette je me sens à l’aise !
– Tu sais Harry, notre beau créateur, a quelques tenues très abordables pour les filles de ton genre, toujours assises sur une fesse.
– Tu me vois habillée en tailleur sur les pontons de Saint-Malo… Pour sauter d’un catamaran à l’autre, ce ne serait pas le pied. Je serais fichue de tomber à l’eau !
– Comment va ton protégé ?
– Lequel ?
– L’instituteur… ? Christopher, celui qui fait le tour du monde à la voile.
– Il est englué dans le « pot au noir ».
– C’est quoi ce totem ?
– Un endroit des tropiques, où le vent est rare ; il peut y rester scotché deux jours, trois…, une semaine.
– Que fais-tu, tu lui lis le journal ?
– Non, j’essaie de lui refiler par radio les meilleurs tuyaux sur la météo. Je le route au mieux…
– Le pauvre, il ne craque pas à faire le poireau ?
– Non…
– Mes filles, dès qu’elles attendent une demi-heure en coulisse, derrière le rideau, elles crisent !
– Elles ne feraient pas le tour du monde à l’envers !
– Moi non plus !
Gladys se laisse aller à aspirer le fond d’un test, puis d’un geste rapide avec un petit miroir, elle s’assure que son gloss ne s’est pas étiolé.
– C’est délicieux et c’est extraordinairement coupe-faim.
– Je préfère un sandwich rillettes.
– Tu sais en Italie, ton style trash pourrait avoir du succès. Ici, la mode ne prend pas !
– Merci pour le compliment ! Je ne me sens pas trash, simplement j’aime ce qui est pratique, efficace !
– Un vrai mec !
Adèle hausse les épaules, tandis que son amie lui lance à mi-voix :
– Regarde le serveur ; il nous à l’œil. Le pauvre est plein de regrets ; il doit encore se dire que ces deux-là forment un couple d’enfer !
– Dans ta boutique, des couples hétéros, il ne doit pas y en avoir beaucoup, chérie !
Et Adèle, joignant le geste à la parole, lui prend affectueusement la main, d’un geste d’amant.
– Arrête ! j’aime pas…, j’aime pas.
Le serveur s’en va un peu plus blasé.
– Raconte-moi plutôt tes amours avec le ténébreux Stanislas.
– J’attends toujours de ses nouvelles ; la dernière fois que je l’ai eu au téléphone il était revenu à Bratislava. Depuis il est reparti en Iran, je crois.
– C’était quand ?
– Il y a trois semaines peut-être.
– Tu aurais pu en prendre un qui ne travaille pas dans une ONG !
– C’est vrai…
– Il distribue toujours des livres ?
– Des manuels scolaires pour les enfants.
– Les mômes préféreraient des bandes dessinées ou des lecteurs MP3 !
– Peux-tu comprendre ?
Gladys esquisse une moue moqueuse derrière ses lunettes à la monture en bois :
– Et il est toujours à la recherche des traces de Marco Polo ?
– C’est un historien de formation, tu le sais ! Et ce n’est pas à Marco Polo qu’il s’intéresse, mais au royaume du Prêtre Jean.
– Oui, à un royaume encore plus mythique que l’Atlantide !
Adèle renonce à réitérer ses explications.
– Entre Christopher que tu drives par radio et Stanislas à la recherche d’une terra incognita – aux portes de l’Asie – tu n’as pas besoin de contraceptifs !
– Et toi, qu’est-ce que tu prends ?
Gladys remballe sa jubilation, subodorant que pour une répartie, sa charge a peut-être été un peu trop leste. Sa copine a toujours eu un bon revers. Et elle n’a pas envie de parler d’Harry, le beau créateur maison, dont la faiblesse est de trop respecter les femmes.
D’un geste comminatoire, Gladys appelle le garçon :
– Un cocktail maison…, et toi ?
– Un double expresso.
La nuit de novembre est bien installée, l’avenue Montaigne se fait frileuse. Le vent, la pluie se succèdent. Les luxueuses devantures des maisons de couture brillent dans le vide, pour une avenue sans badaud.
– Qu’as-tu fait cet après-midi ? Tu es restée dans ton appartement, face à ton ordinateur, à renifler les cumulonimbus éparpillés au-dessus de l’Atlantique ?
– Non, j’ai fait dans les relations publiques. Christopher m’a demandé d’assurer le lien avec une classe de troisième d’un collège.
– C’est son côté instituteur ?
– Si tu veux…, il a eu un financement par le ministère de l’Éducation nationale, et ça fait partie des contreparties.
– Alors, tu es allée où ?
– Au collège Georges Brassens à Savigny-le-Temple.
– Où est-ce ?
– Près de Melun…, en Seine-et-Marne.
– Mes filles ne défilent pas souvent par là !
Adèle hoche la tête devant cette évidence.
– J’ai bien ri !
– C’est quoi la clientèle, des enfants des cités, des beurs ?
– De tout, sauf les gosses de tes clientes !
– La mer doit les faire rêver ?
– Ouais… un peu. À vrai dire, les garçons et les filles avaient une même préoccupation…,
– Les tempêtes ? La peur de tomber à l’eau ?
– Non…, plutôt la vie sexuelle du navigateur solitaire !
– Ah effectivement…, c’est une question pratique. Un aspect important de la course au large. Et que leur as-tu expliqué ?
– J’ai dit qu’il n’y avait rien.
– Et ils t’ont crû, ces graines de rappeurs ?
– Non pas vraiment, et chacun y est allé de sa solution.
– Je vois.
– Non pa

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