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Description
Sujets
Informations
Publié par | Québec Amérique |
Date de parution | 08 décembre 2011 |
Nombre de lectures | 2 |
EAN13 | 9782764417942 |
Langue | Français |
Informations légales : prix de location à la page 0,0750€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.
Extrait
Littérature d'Amérique
Collection dirigée par Isabelle Longpré
Version ePub réalisée par :
Du même auteur
Si la tendance se maintient, Québec Amérique, coll. Première impression, 2010.
Mile End Stories
Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada
Drouin, Pierre-Marc Mile End stories (Littérature d'Amérique) Texte en français seulement.
ISBN 978-2-7644-1299-2 (Version imprimée) ISBN 978-2-7644-1330-2 (PDF) ISBN 978-2-7644-1794-2 (EPUB)
I. Titre. II. Collection : Collection Littérature d'Amérique.
PS8607.R675M54 2011 C843'.6 C2011-941399-X PS9607.R675M54 2011
Nous reconnaissons l'aide financière du gouvernement du Canada par l'entremise du Fonds du livre du Canada pour nos activités d'édition
Gouvernement du Québec – Programme de crédit d'impôt pour l'édition de livres – Gestion SODEC.
Les Éditions Québec Amérique bénéficient du programme de subvention globale du Conseil des Arts du Canada. Elles tiennent également à remercier la SODEC pour son appui financier.
Québec Amérique 329, rue de la Commune Ouest, 3e étage Montréal (Québec) Canada H2Y 2E1 Téléphone : 514 499-3000, télécopieur : 514 499-3010
Dépôt légal : 4e trimestre 2011 Bibliothèque nationale du Québec Bibliothèque nationale du Canada
Projet dirigé par Isabelle Longpré en collaboration avec Anne-Marie Fortin Mise en pages : André Vallée – Atelier typo Jane Révision linguistique : Andrée Michaud et Chantale Landry Conception graphique originale : Isabelle Lépine Adaptation de la grille graphique : Nathalie Caron Photographie en couverture : © Dita Kubin
Tous droits de traduction, de reproduction et d'adaptation réservés
© 2011 Éditions Québec Amérique inc. www.quebec-amerique.com
Imprimé au Canada
Pierre-Marc Drouin
Mile End Stories
roman
Québec Amérique
À Myriam D.-B., pour la vraie fin
À Heidi D., pour le nouveau départ
PROLOGUE
ELLE NE M'AVAIT PAS GIFLÉ
Aujourd'hui, on m'éjecte de l'enfance.
« Ça va aller ? »
Exit l'ère de la crédulité et des héros fantoches. Chimères et espérance pleureront ma perte. À eux aussi, je leur ai montré la sortie. Ce n'était pas seulement elle que je quittais, mais aussi l'enfant qui se trouvait en moi.
Cette rupture n'avait de brutal que sa sobriété. Cette cruelle sobriété qui ne nous seyait en rien. Nous n'avions d'ordinaire aucune prédisposition pour les protocoles. J'ai même cru longtemps que le jour où nous nous quitterions en serait un d'une violence inouïe. Que tout exploserait autour de nous tant nous hurlerions, que nous nous frapperions sans aucune retenue jusqu'à ce que nos échines se rompent sèchement comme des brindilles. Je nous imaginais nous quitter au beau milieu d'un incendie. Dévorés par les flammes, indifférents à la charpente de notre domicile qui s'effondrerait sur nos têtes de cochons. Ou encore, en plein accident de voiture. Au milieu des victimes en charpie, sous la tôle distordue, dans un lac de verre brisé. On dit des relations passionnées qu'elles se concluent dans la même violence qu'elles sont nées. Il allait donc de soi que nous en sortions en lambeaux. Pourtant, cette fois, ce ne fut pas le cas.
Je lui annonçai plutôt que je la quittais en prenant bien soin de lui exposer tous les détails de mon argumentaire. Elle goba le tout en acquiesçant. Ce qui n'était pourtant pas son genre. Nous fîmes cela comme des grands. Assis dans notre salon d'un blanc immaculé sur ce long divan de cuir noir qui était le sien. Nous n'avions pour seul témoin qu'une photographie de ses parents lors de leur voyage en Égypte, me souriant pour une dernière fois. Le téléviseur n'était pas ouvert. Dernièrement, il l'était tout le temps.
— Je vais dormir chez Sara, me dit-elle calmement.
— Très bien. Si tu veux, je m'occuperai de la cession du bail.
— Je… on verra.
— D'accord. On verra, conclus-je.
Vraiment, il s'agissait de la rupture conjugale la plus convenue, la plus ronde et la plus propre que l'on puisse imaginer. Ce n'était pas ce à quoi nous nous destinions. Quatre années à se taper sur la gueule, parfois littéralement, ne mènent pas à ça . Ce n'était pas nous.
Elle marcha d'un pas lourd jusqu'à la porte, le cœur encore noué au mien, ou peut-être pas, qui sait, au fond. Le temps passait lentement, traînant en chemin comme ces marcheurs indiscrets. Vous savez, ceux qui s'arrêtent dans la rue pour observer un immeuble flamber sans lever le petit doigt pour aider qui que ce soit ? Du temps avec un caméscope à la main. Du temps qui nous pointe du doigt. « Regarde, papa, ils brûlent mais ils ne courent pas. » « C'est qu'ils sont foutus, fils. »
À un pas du seuil, elle se retourna mais ne me gifla pas. « Bon… bonne nuit », me dit-elle candidement. Je ne répondis rien. J'en étais incapable.
L'ascenseur se trouvait tout juste derrière la porte, dans un long corridor au plancher couvert de lattes de bois vernies et aux murs blancs délavés. Il s'agissait d'un vieil ascenseur industriel pouvant supporter jusqu'à cinq tonnes, selon le proprio. J'aurais préféré que l'ascenseur soit situé à l'autre bout de l'étage. Je pouvais encore entendre sa respiration alors qu'elle attendait qu'il ne monte jusqu'au cinquième.
Ding .
Il était maintenant arrivé, prêt à la prendre pour toujours. Ce fut en cet instant que je réalisai l'ampleur du geste que je venais de commettre. Quatre années réduites à néant. J'éclatai en sanglots.
— Ça va aller ? demanda-t-elle, au loin, derrière la porte.
Je fus pris de court par sa question. Il n'y avait pas de tristesse dans sa voix.
Je tentai de retenir mes larmes et d'éclaircir ma voix. Je dus m'y prendre par deux fois pour me racler la gorge.
— Oui, fis-je péniblement.
— OK. Bye.
— Bye.
Elle n'en ajouta pas davantage. Je ne courus point pour la rattraper. Ce fut une rupture relativement calme, extérieurement du moins.
Mais en vérité, lorsque je lui avais répondu que « oui », ça irait, je n'avais pas la moindre idée de ce que je racontais.
AUTOMNE
1.
EMMY AVAIT DIX-SEPT ANS
Un mois plus tard, il n'y avait plus de divan de cuir noir. Il n'y avait plus de téléviseur non plus. En fait, il n'y avait absolument rien dans l'appartement puisque tous les meubles lui appartenaient. Je possédais encore une base de lit sans matelas, des chaises sans table et des DVD sans lecteur.
Pendant tout ce temps, (prénom) venait à l'appartement lorsque je ne m'y trouvais pas. Elle profitait de mon absence pour se barrer avec ses trucs. Sa copine Sara lui donnait un coup de main puisque cette dernière possédait un minivan bleu poudre, une épave sur roues, bonne pour le fond d'un lac. Un jour, (prénom) partit avec la table et ses vêtements. La semaine suivante, les couverts et sa collection de livres disparurent sans laisser de traces. Chaque fois que je revenais du boulot, je devinais brutalement les nouvelles plaies causées par ce saccage tranquille. Comme un lépreux qui se découvre une nouvelle galle. Mais l'ultime vide me gagna la veille de mon déménagement, alors qu'il ne restait plus que quelques boîtes, des chaises, mon ordinateur, ma basse et mon ampli. Et deux coupes de vin que je comptais bien remplir.
Emmy semblait mitigée à l'idée de passer me voir. Même si elle n'avait que dix-sept ans, elle se doutait bien que je ne l'invitais pas à regarder la télé, d'autant plus que je la savais amoureuse de moi. Et qu'elle savait que je ne l'étais pas. D'ailleurs, je n'avais même plus de télé, ce qui réglait la question. Lorsque son petit corps boudiné et ô combien sexy pénétra dans mon appartement, Emmy scruta de droite à gauche l'immense quatre pièces qui ne m'appartiendrait plus dans quelques heures et arrêta son regard sur le matelas gonflable qu'un ami m'avait prêté, comme si elle connaissait déjà le dénouement de la soirée. Nous feignîmes néanmoins de ne pas savoir. Je débouchai plutôt une bouteille de rouge et nous versai deux verres d'alcooliques. Nous étions bons pour une discussion platonique de trois heures qui fut, ma foi, fort intéressante, puisqu'elle ne faisait pas son jeune âge. On aurait dit une intellectuelle trentenaire dans un corps d'enfant.
Ses f