Moriendo, la dernière heure
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Description

Un condamné à mort vit ses derniers moments dans la solitude et le désespoir, il remonte le fil de sa vie et s’interroge sur les circonstances qui l’ont mené à cette issue fatale.

Informations

Publié par
Date de parution 07 novembre 2014
Nombre de lectures 0
EAN13 9782312028316
Langue Français

Extrait

Moriendo
La dernière heure
© Manuscrit déposé à la SGDL. Paris
Clotilde Alexandrovitch
Moriendo
La dernière heure









LES ÉDITIONS DU NET
22, rue Édouard Nieuport 92150 Suresnes
Les convictions sont les ennemies de la vérité,
plus dangereuses que les mensonges.

Nietzsche

Ce qui m’effraie, ce n’est pas l’oppression des méchants, c’est l’indifférence des bons.

Martin Luther King





















© Les Éditions du Net, 2014
ISBN : 978-2-312-02831-6
La nuit est tombée sur la ville, et dans ma vie aussi, le noir a tout envahi, tout pris, dévasté, comme si l’obscurité avait volé le jour pour l’éternité. Je suis entré dans la nuit où il n’y aura point d’aube, pas de renaissance, plus de clair matin, mais une gigantesque explosion, celle de ma mort.
Ainsi c’en est fait de moi, une heure, rien qu’une heure, je n’arrive pas à y croire, à affronter cette réalité, c’est tellement atroce, j’imagine encore que quelque chose va me sauver au dernier moment. Pourtant rien ni personne ne viendra te sortir de cet enfer, mon pauvre Tom, vingt-neuf ans, c’est tout ce que tu auras tiré de ton passage sur cette terre, vingt-neuf ans à se réveiller tous les matins, à rêver, espérer, travailler.
Une heure, qu’est-ce que c’est dans la vie d’un homme ?
03 h 02, 42 s
Non même plus une heure, à peu près cinquante-huit minutes et quelques secondes, et on viendra me chercher pour m’exécuter. J’ai peur, je voudrais mourir en héros, ne rien montrer, les narguer ces salauds, cracher à la tête de mes bourreaux, je me souviens d’un film que j’étais allé voir petit avec mon père, comme c’est étrange tous ces infimes détails oubliés qui refont surface tout à coup, alors qu’ils étaient enfouis quelque part dans le tréfonds de ma mémoire. Le type était condamné à mort, comme cela m’avait angoissé alors, dire que c’est mon tour, si j’avais su ce qui m’attendait à l’époque. Papa avait dit : « Bien fait pour cette ordure, on devrait en descendre beaucoup plus, cela libérerait des places dans les prisons, et cela nous ferait des bouches en moins à nourrir. »
Je crois bien me remémorer que cette année-là, il m’a maudit, ce n’était pourtant qu’une bêtise de gosse, au fond je suis persuadé qu’il ne m’a jamais aimé. Je m’amusais avec, au fait, comment il s’appelait déjà ? Rick, voilà, c’était son nom. Avec le ballon de foot, nous avons renversé l’appareil photo de papa, et il s’est cassé. Je le revois encore devant moi ce jour-là, grand, massif, terrifiant, me dominant de toute sa hauteur, cramoisi, les yeux injectés de haine, vociférant ses malédictions, Rick s’est enfui épouvanté en pleurant, il n’est jamais revenu jouer avec moi.
Qu’est-ce que j’ai soudain ? Ma mâchoire bouge toute seule, ce sont mes dents qui claquent, je ne peux pas m’arrêter, j’ai une crampe dans toute la mâchoire. Combien me reste-t-il ?
03 h 04, 24 s
Un peu plus de trois quart d’heure, si seulement je pouvais me suicider tout de suite et qu’ils me trouvent déjà mort, mais il n’y a rien ici, je ne peux pas me pendre ni m’ouvrir les veines, non rien pour en finir. On dirait un tombeau cette pièce, rectangulaire, petite, pas de fenêtre, il suffit que la lumière s’éteigne et ce sera un vrai caveau.
Je ne peux même plus voir le ciel et les étoiles une dernière fois, je n’ai plus ce droit, respirer une fois encore l’air pur de la nuit et regarder l’infini. Qui sait si Dieu existe, il n’a jamais rien fait pour moi, dire que personne ne m’a sauvé.
« Vous avez tué une femme innocente ». L’ai-je entendu cette phrase durant toutes ces années. Innocente, tu parles, pourquoi suis-je tombé sur elle, c’est vraiment le destin qui s’est acharné, en plus elle n’était même pas jolie.
J’aurais dû rester avec Margot, elle était brave au moins, mais c’est la vie, et c’est moi qui un jour suis venu lui annoncer que je la quittais, je revois encore ses sanglots.
Mon Dieu, ce que je me sens mal, au secours ! Laissez-moi sortir, j’étouffe ! Si je pouvais défoncer cette maudite porte, ah ! Je me suis brisé le poignet, j’ai mal. Ça y est, les sueurs maintenant, j’ai les cheveux trempés, la transpiration dégouline le long de mon cou et vient tremper mon dos, je n’y vois plus, toute ma vue est brouillée, je pleure et je ne m’en rends même plus compte, je n’arrête plus, cela fait des mois que je pleure, seul, abandonné. J’ai vu les yeux des gardiens, ils sont contents que ce soit mon heure, c’est le gros joufflu qui me l’a dit : « Alors saloperie, c’est ton tour, on va bien rigoler quand tu vas crever. » Au fond, personne ne m’a aimé dans la vie, même ma mère, je me rends bien compte qu’elle se désintéressait de moi, toujours avec ses bigoudis sur la tête, je suis sûre qu’elle avait un amant, cela n’allait pas entre elle et papa, ils ne s’aimaient pas, peut être pensait-il que je n’étais pas de lui.
03 h 08, 17 s
C’est atroce ce compte à rebours, je ne peux plus avaler, cette boule dans la gorge qui me fait souffrir, et puis ma bouche, je ne sens plus rien, c’est du carton, j’ai un sale goût qui me remonte de l’estomac. Cela fait déjà trois jours que je n’ai rien mangé, je ne peux plus rien avaler, l’eau ne passe même plus, je crois que je vais vomir, tout tourne et je dois me tenir pour aller vers le lavabo. J’ai des vertiges atroces, ce qu’il doit être content mon père, si il me voit de l’au-delà, dire qu’il a vécu soixante-dix ans, combien aurais-je du vivre encore pour atteindre son âge, je n’arrive même plus à faire le calcul, quarante-trois ans, non quarante ans, tout se brouille, comme si j’avais le cerveau détruit, et je vais mourir là, en bonne santé, jeune, si jeune encore. Il me restait tant à découvrir de l’existence, à aimer. Comment en suis-je arrivé là ? Plus j’y pense, moins je comprends ce qui s’est abattu sur moi.

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