Observations sur Les Saisons, poème de Saint-Lambert
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Description

Extrait de la notice préliminaire : "Après avoir joui du plus grand éclat au moment de son apparition, cet ouvrage semble être entièrement tombé dans l'oubli."

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EAN13 9782335001495
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0006€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

EAN : 9782335001495

 
©Ligaran 2015

Observations sur les saisons

POÈME PAR M. DE SAINT-LAMBERT 1769
Ce poème est précédé d’un discours et suivi de trois petits romans ou contes, de plusieurs pièces fugitives et de quelques fables orientales.
Après avoir joui du plus grand éclat au moment de son apparition, cet ouvrage semble être entièrement tombé dans l’oubli. C’est, à mon sens, une double injustice : car peut-être mérite-t-il encore moins les dédains affectés des uns que les éloges outrés des autres. Je l’ai lu et relu, et quoique le ton de l’auteur avec moi soit plutôt celui de la protection que de l’amitié, je ne m’en crois pas moins obligé de parler de son ouvrage avec impartialité ; c’est même dans mes principes une raison de plus pour tenir la balance parfaitement égale. Peut-être serais-je plus indulgent, et par conséquent moins juste, s’il était mon ami. Je me suis préparé au jugement que je vais porter des Saisons, par la lecture des Géorgiques de Virgile. Naigeon me l’avait conseillé autrefois, et il avait raison.
On a demandé, il y a longtemps, si les Français pouvaient avoir des Géorgiques et si leur langue était capable de se plier aux détails de l’économie rustique. J’ai peine à le croire. Successivement guerriers barbares, chevaliers errants, esclaves sous des seigneurs féodaux, sujets sous des rois ou de grands vassaux, nation monarchique ; nous n’avons jamais été peuple purement agricole ; notre idiome usuel n’a point été champêtre. Cependant on ne donne aux champs, aux arbres, aux légumes, à la vigne, aucune façon ; aux bestiaux, aucun soin, et il n’y a rien dans la culture des arbres et des plantes qui n’ait son nom propre parmi nous ; mais cette langue technique ne se parle point hors de nos villages ; les mots n’en ont point été prononcés dans nos villes. Un poème donc, où toutes ces expressions rustiques seraient employées, aurait souvent le défaut ou de n’être point entendu ou de manquer d’harmonie, d’élégance et de dignité, ces expressions n’ayant point été maniées par le goût, travaillées, adoucies par le commerce journalier, présentées à nos oreilles apprivoisées, ennoblies par des applications figurées, dépouillées des idées accessoires, ignobles, de la misère, de l’avilissement et de la grossièreté des habitants de la campagne. Il n’en fut pas ainsi chez les Grecs ou chez les Romains. Ils aimèrent toujours les champs ; ils ne dédaignèrent point les travaux de la campagne ; ils les connurent ; ils s’en occupèrent ; ils en écrivirent ; et la langue du laboureur ne fut point étrangère à l’homme consulaire. Cicéron, Fabius et d’autres personnages illustres descendaient d’aïeux agriculteurs, et les noms des premières familles étaient originaires de la campagne.
Ce n’est pas qu’on ne vienne à bout de tout avec du génie, et qu’il n’y ait aucune action de la vie si basse qu’on ne puisse sauver par l’expression, aucune expression si déshonorée, si inusitée, si barbare, qu’on ne relevât par la place, par l’emploi, le tour, la poésie, le mélange. Lucrèce a dit des courtisanes de son temps :

    Hos vitae postscenia celant
Quos retinere volunt.
Lucret. De rerum natura, lib. IV, v 1183-84.
« Elles se gardent bien d’admettre ceux qu’elles veulent captiver, à ces arrière-scènes de la vie. » Racan a dit :

La javelle à pleins poings tombe sous la faucille.
Stances, Sur la retraite.
Mais composer un poème de longue haleine et avoir à lutter à chaque pas contre la langue, c’est peut-être un ouvrage au-dessus de l’esprit humain. Virgile a pu être noble, et noble avec sobriété ; employer le terme propre et se faire entendre même des paysans de son temps ; être clair, simple, précis et harmonieux ; émerveiller l’homme de goût par sa poésie, sans jamais offusquer le sens, tandis que les poètes modernes ont été ou bas ou raboteux, ou vagues ou louches.
M. de Saint-Lambert dit des premiers poètes qui ont chanté les forêts et les champs, que leurs peintures étaient vraies, mais qu’elles avaient de la rusticité, de l’exactitude et de la grâce. Il se peut que la rusticité ne soit pas exclusive de la grâce, mais je ne l’entends pas.
Je ne suivrai pas l’auteur dans les détails de sa poétique sur l’imitation des grands phénomènes de la nature. Ses règles sont justes pour la plupart, mais présentées d’un ton sec et abstrait, comme presque tout ce qu’il écrit en prose. Il fallait s’étudier à donner en même temps l’exemple et le précepte ; l’exemple, en éclaircissant le précepte, en aurait pallié l’aridité. L’auteur prétend qu’aucun contraste ne frappera plus violemment que celui du terrible mis en opposition avec le riant et le voluptueux ; mais il fallait ajouter que tout était perdu, pour peu qu’il y eût de l’affectation ou qu’on s’aperçût du dessein. Dans la description la plus étendue, ce contraste ne comporte qu’un mot, une ligne, une idée. C’est l’âme et non l’art qui doit le produire : si vous avez pensé à l’effet, il est manqué. Homère dit qu’Achille proposa pour prix, aux jeux funèbres de Patrocle, un taureau qui menaçait de la corne, un casque, une lance, du fer et de belles femmes. Lucrèce dit qu’au moment où la passion a embrasé le sang, l’homme, semblable au lion dont un trait mortel a traversé le flanc, s’élance sur le chasseur qui l’a blessé et le couvre de son écume. Catulle dit à Lesbie : « Viens, embrasse-moi ; pressons nos baisers ; trompons, par leur nombre, et l’envieux qui nous observe, et la nuit éternelle qui nous attend. » Le disciple d’Odin, qui expire sur le champ de bataille, s’écrie : « Je vous vois, jeunes et brillantes déesses. Vous descendez légèrement du haut des airs ; je vois votre gorge nue ; je vois voltiger vos écharpes bleues ; vous tenez dans une de vos mains le breuvage des dieux, et vous m’allez désaltérer d’une bière délicieuse, que je boirai dans les crânes sanglants de nos ennemis. » Et ne craignez pas que le génie entasse ces images. Il en rencontre une ; il la jette avec rapidité et il n’y revient plus. Faites-moi donc éprouver l’effroi ; mais ne vous proposez pas de me balancer entre la terreur et la volupté ; c’est une escarpolette sur laquelle je ne saurais me tenir longtemps. Au lieu de me prêter à vos efforts, je ne verrai plus en vous qu’un faux rhéteur, et vous me laisserez froid. S’il arrive à un peintre de placer un tombeau dans un paysage riant, croyez qu’il ne manquera pas, s’il a quelque goût, de me le dérober en partie par des arbres touffus. Ce n’est qu’en regardant avec attention, que je découvrirai sur le marbre quelques caractères à demi tracés, et que je lirai : « Et moi aussi je vivais dans la délicieuse Arcadie. – Et ego in Arcadia . »
Laissant là les autres préceptes de M. de Saint-Lambert, sur lesquels il y aurait beaucoup d’observations à faire, je remarquerai seulement que le dessein général, le but moral de son poème a été d’inspirer à la noblesse et aux citoyens riches l’amour de la campagne et le respect pour la vie champêtre. Voyons comment il a rempli sa tâche.

Chant premier

Le printemps
Le poète commence par exposer le sujet de son poème. Cette exposition est bien faite. Il s’adresse ensuite à Dieu, car il y croit sans doute ; il l’invoque, et son invocation est noble.
La dédicace à sa maîtresse est douce.

Ô toi qui m’as choisi pour embellir ma vie !
Doux repos de mon cœur, aimable et tendre amie, etc.
Ce premier vers : Ô toi qui m’as choisi… ne me plaît guère. En revanche, les suivants me plaisent beaucoup, surtout doux repos de mon cœur.
Le tableau de la saison qui s’ouvre est gâté par des vers louches et par un trop grand nombre de phénomènes entassés les uns sur les autres et peu décidés.
J’en dis autant du progrès de la verdure. Cependant les premiers vers de ce morceau sont très poétiques et très beaux :

Et toi, brillant soleil, de climats en climats
Tu poursuis vers le Nord la nuit et les frimas ;
Tu répands

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