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Description

Le bonheur se réduit-il à une accumulation aussi dépourvue de sens qu’une compilation de tubes ? Et que faire dans un monde où ni la politique, ni l’amour, ni le football, ne paraissent plus capables de justifier une existence ?
Se réfugier dans la musique ? Se suicider ? Participer à des réunions de colocataires ?
Dans un style vif où les références à Kant côtoient les citations de Sid Vicious, et en 14 nouvelles, comme il y avait 14 titres sur les albums des Beatles, quand ils étaient jeunes, l’auteur évoque une société qui ne parvient plus à enchanter grand chose.
Cynique ? Peut-être. Lucide ? A vous de juger. Drôle, sûrement.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 23 septembre 2011
Nombre de lectures 1
EAN13 9782363159762
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0007€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Playlist
Christophe Ernault
ISBN 978-2-9519826-1-1

Juin 2011
Storylab Editions
30 rue Lamarck, 75018 Paris
www.storylab.fr
Les ditions StoryLab proposent des fictions et des documents d'actualit lire en moins d'une heure sur smartphones, tablettes et liseuses. Des formats courts et in dits pour un nouveau plaisir de lire.

Table des mati res

Je suis le mort
Autoportrait en six couleurs
Candy lit
Vingtième dépression nerveuse
Animal de ville
La mort d’un héros
Des accidents arrivent
Chiapas state of mind
Egeilfre pus
Si tu la vois dis lui au revoir
L'enlèvement au F2
TV ASS
Voilà ton homme
Epigogue
Biographie
Dans la m me collection
Je suis le mort
Léonard trouvait toujours une bonne raison pour commencer ses nuits en calculant la distance existant entre les fenêtres de sa chambre et son lit. Etait-ce 2 mètres ? 175 centimètres ? 172 ? Le doute l'envahissait, puis finalement le rongeait, au plus mauvais moment, celui qu'en d'autres temps Proust, lui aussi, avait haï tout en le magnifiant : l'attente du sommeil.
Une odeur transversale pourrissait la pièce."Qu'est-ce que c'est que cette odeur transversale qui pourrit la pièce ?", se disait-il avec le ton soutenu et l'inquiétude de celui qui a peur qu'un incendie ne le réveille une dernière fois en pleine nuit. Ses draps ? Sa couette ? Ses taies d'oreiller ? Ses chaussures ? Lui ? Non... Il se levait et, soulagé, se recouchait immédiatement : c'était son téléviseur qui répandait cette effluve ignoble. Ca lui revenait. Un soir, il y avait maladroitement laissé tomber un sandwich à l'omelette. C'était un vieil appareil avec une grille arrière laissant apparaître le mécanisme ampoulé de la machine.
Ci-gisait donc l'un des derniers restes alimentaires du monde ouvrier. Car plus personne ne mangeait des sandwiches à l'omelette. L'abjection et la tristesse infinies de l'œuf ne correspondaient plus aux canons de l'époque. Les saucisses non plus. C'était triste.
Couché sur le parquet, c'était le morse. "Je suis lui comme tu es lui comme tu es moi, et nous sommes tous ensemble", se répétait-il en refermant encore les Histoires extraordinaires de Poe qu'il n'arrivait plus à relire. Il avait besoin d'une disposition d'esprit totale pour accepter les mathématiques pharmacopées de l'humoriste américain. Plus personne ne s'intéressait à Poe autour de lui, constatait-il. D'ailleurs, plus aucune pensée étrangement articulée (et articulée tout court) n'intéressait vraiment les gens.
Il lui manquait toujours une chose, un élément, un rouage, pour être entièrement satisfait de sa vie.
A terme, donc, poursuivait-il intérieurement, plus personne n'accepterait de manger des œufs. (songeur). A terme aussi, peut-être que certaines couleurs disparaîtraient, comme l'avaient déjà fait certaines espèces animales ou végétales. Il n'y aurait plus d'orange par exemple. Les hommes, y compris les génois, ne sauraient tout simplement plus comment en "faire". Tout ça parce que la majorité n'en voudrait plus. Cette éventualité le rassurait : y'aurait-il alors la possibilité d'inventer de nouvelles couleurs ? Les bonnes couleurs, solides, évocatrices, reliables devenaient rares de nos jours.
C'était exactement le genre de questions qui le mettait immédiatement dans un état second. Plus jeune déjà, il avait pris l'habitude d'entraîner ses neurotransmetteurs à ce genre de gymnastique.
Pour lui, alors, l'humanité se divisait en deux : il y avait les gens qui laissaient leurs croûtes de pizzas et les autres.
L'année 2002 le mettait aussi dans un état second. En pleine cohérence avec les deux principaux centres d'intérêt de ce mois de janvier qui se confirmait minable : Emma et les Beatles.
Emma n'avait été obligée par personne à le regarder comme elle l'avait fait durant les deux semaines idylliques pendant lesquelles ils s'étaient fréquentés. Et il savait, sur ce trottoir blanc qui avait vu leur séparation se confirmer, que l'éventualité de revoir cette anglaise caricaturale, élevée dans les dortoirs saphiques de sa Majesté, approchait le néant. Car une fille qui se rend compte qu'elle n'a pas choisi le "bon" devient impitoyable. (soupir). Les raisons de cet échec n'étaient même pas intéressantes à analyser. Il pensait de toute façon qu'il était inutile de s'adapter aux autres plus qu'il ne le faisait déjà. Cela le conduirait de force à la camisole.
Il tentait vainement de trouver des solutions. Pourquoi, par exemple, ne pas adapter aux relations amoureuses les principes d'harmonie des couleurs ? "Tu es mauve, je suis jaune... Ca ne peut plus durer".
Encore l'une de ces échappées stériles qui aurait été désastreuse si elle avait été exprimée face à cette Emma qui ne comprenait déjà pas grand-chose à son français, encodé par un débit trop convulsif. Et dieu sait s'il avait eu le temps d'en placer. Et il aurait dû. Plus tôt. C'était un excellent moyen de faire le tri.
Mais cette stratégie montrait ses limites depuis quelques temps. Le principal problème étant qu'en se comportant ainsi, par fausses pistes et chausse-trappes, il n'attirait que des filles à problèmes. Des filles qui écoutent de l'électro mollement loopsée en se demandant si elles sont normales. Des filles qui parlent de leurs pères au bout de 10 minutes. Des filles qui vous disent de vous asseoir alors qu'il n'y pas de chaise.
Par contre les Beatles… Chaque période de son existence avait été accompagnée par leur musique et surtout par des lectures incessantes d'ouvrages consacrés à leur vie et leur œuvre (cette passion avait grandi sans prosélytisme particulier. Il détestait avoir à convaincre quiconque du bien-fondé de ses goûts. Il allait même plus loin, en préférant, de loin, supporter la compagnie d'un anti Beatles primaire que celle d'un fan à temps partiel, "maladroit" des Fab 4). Et si leur pop merlinesque possédait le don immédiat de soigner beaucoup de ses souffrances (une écoute de Rubber Soul ou des lennoneries du White album lui suffisait à relativiser à peu près tout ce qu'il pouvait lui arriver de pire), c'était dans le déroulement de leur épopée que se posaient les plus graves questions de sa vie et notamment celle-ci : "Pourquoi les Beatles s'étaient-ils séparés ?"
Insoluble, fascinante, vaine, naïve, stérile, cette question avait tout pour lui plaire. Si seulement il pouvait lui ressembler. Et il cherchait encore. Mais cela n'intéressait évidemment, là non plus, pas grand monde. On commençait à ignorer, voire à nier, ce qu'apportèrent les Beatles à la civilisation occidentale du XXème siècle. "Ai-je le droit de penser ça ?", se disait-il.
"Il y a trop de notes", croyait-il entendre (comme l'empereur Joseph II à Mozart, à la fin d'une répétition de L'enlèvement au sérail). Les mélodies ne touchaient plus. Le corps régnait sans partage. La musique populaire s'était caractérisée depuis la fin des années 70 par l'exploitation, la mise en avant pachydermique des rythmes et par la négation progressive de cette disposition fondamentale du cerveau : la mnémotechnie. L'atonalité régnante enlevait ainsi à l'homme l'un de ses plus grands plaisirs. L'un de ses derniers. L'harmonie n'avait pas été inventée pour les koalas. La mémoire était la pro-chaine sur la liste. Si il se rappelle bien. Avec les baby-boomers.
Ca y est, c'était un vieux con de la BBC.
Une nouvelle hypothèse semblait surgir : l'égoïsme fat qui caractérisait l'individu occidental du 21ème siècle n'allait-il pas, en plus de détruire toute espérance de partage social et amoureux, provoquer la fin de l'art ? L'idée qu'un être vivant, hamster exclu, aussi brillant soit-il, soit le centre d'intérêt d'autres était-elle encore viable ?
Pour dissiper l'odeur infâme dégagée par l'ovule non fécondé, il décidait d'essayer le parfum qu'il avait reçu à Noël des toujours lisses mains de sa grand-mère, Yvonne. Il ouvrit le flacon, inspira profondément et s'aspergea le métacarpe. C'était un parfum chaud et vibrant, de bois de cèdre, de santal, de girofle, s'il ne s'abuse, fruité de tagète et pêche de vigne, fleuri de jasmin, sur un fond suave et chaleureux d'ambre, de vanille et

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