De l amour et des restes humains
100 pages
Français

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De l'amour et des restes humains , livre ebook

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Français

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Description

Lire la poésie de Fabienne Roitel, c'est s'aventurer dans la part obscure de notre monde et en mesurer toute la profondeur. Dans les textes qui nous sont donnés à lire ici, la voix poétique nous invite en effet à la suivre dans les rues de sa ville, qui pourrait tout aussi bien être la nôtre, et où le désespoir, la solitude, l'indifférence d'autrui, la barbarie et le mensonge règnent en maîtres. Dominic Deschênes

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 septembre 2009
Nombre de lectures 241
EAN13 9782296682009
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0450€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

De l’amour et des restes humains
Ouvrages du même auteur


Couvre-Feu, poèmes, Lanctôt éditeur, Montréal, 1999
La Baie-Saint-Paul, poèmes, Lanctôt éditeur, Montréal, 2003
Gouttière de ciel, poèmes, éditions du Sablier, Québec, 2005
De ce Voyage presque rien, poèmes, édition du Sablier, Québec, 2007
Traductions en allemand, espagnol et anglais – Peintures de Maria Vinuesa
Fabienne ROITEL


De l’amour et des restes humains


Poésie


L’Harmattan
© L’Harmattan, 2009
5-7, rue de l’Ecole polytechnique, 75005 Paris

http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr

ISBN : 978-2-296-09636-3
EAN : 9782296096363

Fabrication numérique : Socprest, 2012
Ouvrage numérisé avec le soutien du Centre National du Livre
Peintures de Maria Vinuesa

(1997-2005)


Couverture, Bedding


Bouche de bitume, Trauer

La vie ne va pas de soi, das Kleid

À la renverse des corps , Voyages

Un corps clairvoyant, Bajazzo

Un esprit intervalle, Fragments

Promenades, Mond Sterne

De lamour seulement, Sonnenwurzel
Maria Vinueas, Trauer


Bouches de bitume
Mots lisières
Oserais-je porter une bure ? Un morceau de ciel déchiré dans l’immense. L’immense que nous avons rétréci à coups de chiffres, à coups de griffes. Plus de frisson. Je ne vois aucun pli dans ton sourire. Le coin de tes yeux est lisse, sans profondeur. Ta bouche, c’est un signe, ne crie plus. Hébétés des yeux quémandent quelque chose de rafraîchissant qui soit espace infini ou espace mesuré. Je sais qu’il pourrait tenir dans une coquille de noix. Ta bouche, italique muette sur ma langue.

Matins de maillots froissés. Peau fraîche clairsemée de tâches de son. L’innocence rit aux éclats. Elle a les yeux qui pétillent. Levier de pierre sur lequel la cuvette et le savon reposent. 5 heures. Le miroir est neuf au lever du jour. La bouche souffle une buée sur laquelle le courage se fait distrait.

Mots lisière, mots orée, mots circonférence, ta bouche pour posséder le monde. Allez savoir qui elle va trahir, qui elle va aimer. Les chênes mettent des années à donner l’ombre des forêts. Ô, l’ignorance des feuilles et de la mousse sous mes pieds. Viens, nous guetterons le cerf dans l’ornière. Ma bouche pleine d’humus et d’humanité. L’humanité, il se peut qu elle m’apparaisse. Un jour.

Il se peut aussi que je pose mes lèvres sur les lamentations d’un ancien monde. Bouche après bouche, les crimes sont aussi rouges que la mer de Moïse. La langue n’a plus confiance. Que faire de la poésie ? J’ai envie de dire qu’elle aille se faire foutre.

Ses sandales étaient usées, la plante de ses pieds cuisait. Le cuir, la poussière, l’eau, la chair. Il vaut mieux donner ce qu’on espère que mourir avec un linceul propre. Dans son carnet, il y avait une place, toute petite, pour les rayons du soleil. Marcheur de mots qui respire à pleins poumons le bleu du ciel. C’était un samedi après-midi.

D’une couleur qui fut offerte à chacun, je n’ai retenu que des esquilles. Pierre, solitude, immunité. Auprès de moi, l’œil noir, la voix noire, la peste noire, le ciel noir et quoi d’autre encore. Une bouche de bitume liée intimement à l’instinct de vivre. Nul signe dans le quotidien qui vaille la peine de naître et de souffrir. Et pourtant, tout tient dans la paume d’une main.

Devant nous une neige lourde sans défauts, suspendue à l’heure, sans rainure ni rugosité, presque sans histoire. Les chiens de traîneau traversent le paysage, sans hâte, selon l’inexorable aimantation de la boussole. Je tire sur la longe des bêtes. Ne pas se retourner. Les sapins, veilleurs de lumière, sont des couteaux dans le crépuscule. Derrière nous, les corneilles saccagent le silence, tandis qu’au fond des cités s’égoutte l’eau grise des embâcles.

Nos poitrines sont des autoroutes blindées. Plus rien n’est vrai quand je pleure dans la salle d’un cinéma. Constance de la courbature. L’émotion essorée brutalement au creux d’un siège moelleux. L’écharde sous l’ongle d’un doigt, la plaie et le pansement arraché, l’essouchement de notre nature humaine, voilà des souvenirs sans odeur.

Un chenal étroit balafre la ville, les accotements se bousculent sous les sueurs aigres de l’effort inutile, sous les pluies glacées, les rigoles déversent leurs drames dans les bouches dégout. Parfois, une souris morte flotte. Les intempéries lavent nos misères. La corde à linge tendue est prête à se dévêtir

Préserver : La poudrerie de l’hiver qui fait clore nos paupières, le drap blanc qui claque dans le jardin et dans ma tête d’enfant et puis la nappe posée sur la table en attendant les invités. La peur d’une grande inondation où tout irait se noyer.

Des étendues de ciel, des prairies vertes, des forêts de bouleaux, des côtes battues d’embruns, des parkings de béton. Un défilé sans fanfare. Le carnet ouvert. Le carnet fermé. Je n’arrive pas à me décider. Une bouche engluée dans le bitume…
Bouches de bitume
J’ai mille bouches, mais pas une pour donner un baiser.

Une bouche obstinée qui n’acquiesce pas. Elle embrasse le refus, le silence l’éclaire.


Les mots. Les mots ne peuvent se désaltérer d’aucune source, d’aucune bouche quand bien même je continue de rêver au baiser qui fera taire la peur, la violence, l’injustice et la bêtise. J’ai une soirée d’hiver dans la tête et ta bouche pour brûler d’un feu sans partage. L’incessant bruit des choses, le consentement du tumulte. La beauté essuie les rebuffades, se rebiffe devant les scories, la crasse, les violences. Des baffes et je courbe la nuque lâchement. Ma bouche braconne le désespoir, récite sans pudeur : Bouche à bouche, bouche d égout, bouche à oreille, bouche bée. L’eau à la bouche.

J’ai le goût d’exister quand ta bouche me donne un baiser.


Musicalement, toute entière vouée à l’attente des choses. Bouche. Pulpe veloutée, à mi-chemin entre la fébrilité et la peur. Sur ta bouche indigente ruissellent parfois des rêves de jardins heureux et de fruits mûrs. Tu sais offrir sans espérer.

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