Hydra. Eloge d une île
94 pages
Français

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Hydra. Eloge d'une île , livre ebook

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Description

L'île grecque d'Hydra : motif autour duquel s'est construit ce recueil de poésie qui s'autorise des incursions dans le champ du carnet de voyage, de la prose descriptive ou du journal intime. Chaque circonstance ou chaque épisode des déambulations de l'auteur dans l'île, chaque observation ou chaque pensée devenant, finalement, dans cette approche sensible du lieu, prétexte à passer de la poésie de l'espace à l'espace de la poésie.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 novembre 2009
Nombre de lectures 225
EAN13 9782296689299
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0450€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Hydra
 
Du même auteur
 
 
Poésie :
 
Le carré blanc sur fond blanc, Vr/So.
Sous vive escorte des lézards, Poésie Amitié Provence.
Palabre (carnets africains), La Bartavelle.
Mes nuits, ce peuple, La Belle Aude Poétique.
Territoire de la sensation, Éditions Souffles.
 
Romans :
 
À dégager voie douze, Editinter.
Par quatre chemins (de banlieue à banlieue), Editinter.
 
 
En couverture : photographie de Damien Sichet
 
 
 
 
© L'Harmattan, 2009
5-7, rue de l'Ecole polytechnique ; 75005 Paris
 
 
Fabrication numérique : Socprest, 2012
Ouvrage numérisé avec le soutien du Centre National du Livre
 
http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr
 
ISBN : 978-2-296-10601-7
EAN : 9782296106017
Alain ROGER
 
 
Hydra
Éloge d'une île
 
 
Suivi de
Sous vive escorte des lézards
 
 
L’Harmattan
 
Pour Flora, Élisa et Chloé
 
on se repaît du paysage et de baignades
le tout mêlé d'infinis bavardages
 
Jean-Claude Pinson
Laïus au bord de l'eau
 
 
je suis comme les cadrans solaires : sine sole sileo
sans le soleil je suis silencieux.
 
Nikos Kazantzaki
Lettre au Gréco
 
1. Situation
 
Lorsqu'un lieu inspire celui qui y vit, lorsqu'il ouvre son espace et son horizon propre, c'est qu'il relève d'une poétique.
Pierre Sansot Poétique de la ville.
 
 
De la ville d'où je viens ne reste plus qu'un embarcadère, quelques mètres d'un béton martelé d'ornières où stagnent des morceaux de ciel irisés d'huile et d'essence. La ville s'arrête là, juste devant moi. Son bord dur net tranche la mer remuée, avec le vaste ciel posé sur la mer, ce ciel décidément partout. Assis sur le rebord d'un banc inconfortable, je sens le souffle tiède de la ville dans mon dos, un souffle additionné des vents, courants, exhalaisons, soupirs de toutes natures, jusqu'au chant des cigales. Cet air chargé des rumeurs emportées au passage me bourdonne aux oreilles mais je préfère regarder la mer. Je l'entends encore qui voudrait me saisir, elle s'agite, elle est là tout près, dévale quatre à quatre jusqu'à la grille dérisoire protégeant l'accès aux quais. Dégringolant des pentes du Lycabette, de l'Acropole, du Parnitha ou du Pendeli, sa masse grise, grésillante, qui prend sous les lumières rasantes un doux reflet d'étain, achève ici sa course. Elle aimerait, cette ville à qui j'ai déjà fait mes adieux, que je me tourne encore vers elle, une dernière fois. Elle me poursuit de son ombre portée repoussant la clarté, jusqu'ici. Juste à mes pieds.
 
 
Depuis que dans les terres, pierre après pierre déposée, les remparts et les portes ont disparu, le contour est un privilège réservé aux seules villes portuaires. Athènes, à sa frontière méridionale, prend l'allure d'un bouclier ouvert par le glaive. Jusqu'à son bord, la ville a tenu bon. Quelques mètres en arrière, les taxis tracent, s'avertissent comme s'ils devaient la couper d'une traite, la ville. Les vendeurs de koulourias emballent les cerceaux de sésame dans des papiers blancs, les journaux sèchent au vent, épinglés à l'éventaire des kiosques. De vastes panneaux bariolés vantent le tout dernier Nokia. Mais tout cela, je l'abandonne derrière moi, sans un regard. Sur mes adieux, je ne reviendrai pas.
 
 
Le bateau, le bateau seul permet de quitter une ville de manière aussi nette, complète, manifeste. Le train s'éloigne du quai tout en restant, provisoirement du moins, dans la chair de la ville (parcours du ver dans le fruit). La voiture franchit les lisières successives sans qu'il soit possible de déterminer le point au-delà duquel elle a réellement quitté la ville ainsi épluchée. Installé au milieu du vide, l'aéroport est un espace abstrait, hors sol, sans rapport avec les lieux desservis. Mais en bateau, dès les premiers tours d'hélice, la ville s'éloigne, d'un bloc. Grouillante puis minérale, détaillée puis esquissée, particulière puis générale. Et le regard glisse d'un état à l'autre, sans effort ni rupture. À mesure que je m'arrache à son attraction, la ville devient un objet qui se laisse embrasser du regard, dans son immensité. Elle me fait sentir ma condition de souvenir, me désignant comme l'absent sous ses arcades fraîches, pointant la chaise vide sous le platane où, hier encore, je buvais le retsina, relayant le regret des oliviers de ne plus sentir sur leurs sarabandes se poser mon regard. La ville ainsi que le visage de l'aimée ne se donne à voir qu'à condition de relâcher l'étreinte. Bien vite elle se résumera à une tache claire encadrée de montagnes, la ville, tache d'où surgiront des éclairs de lumière reflets sur des vitres, panneaux solaires renvoyant des rayons droits sur moi, derniers signaux. Le sillage me relie à l'horizon, à la masse quittée. Je ne connais que le ferry pour offrir de tels départs, dignes du cinéma.
 
 
De la poupe à la proue : l'île où je me rends ressemble à l'éclat de silex tombé près de la pierre taillée. Contrairement à l'imagerie traditionnelle attachée aux îles, Hydra ne regarde pas vers le large ; elle fixe la terre, si proche d'elle, résolument tournée vers l'Argolide à laquelle l'arrime son calcaire, demeurant dans son ombre et sa brume. Dédaigneuse des grandes routes croisant dans son dos, dérobée à la longue-vue des gens de mer, elle est comme posée au bord du paysage, en marge, réservée et insoupçonnable. Son petit port orienté vers le nord s'ouvre sur un détroit, ce qui en rend l'abord subreptice. Dès que le ferry passe le cap Zourvas, commence à longer le rivage escarpé, je guette l'instant où il virera pour entrer dans le port, saisir la brève apparition d'un paysage dans lequel je me fonds au rythme ralenti du navire lancé sur son erre. Hydra n'est pas une île vers laquelle le bateau pointe, qui se lève doucement au dessus de l'horizon, se précisant petit à petit. Elle n'a décidément rien d'une destination.
 
 
Aussi longue et haute qu'un rebord continental, sa rive trompe. Aucune trace (je veux dire : aucune empreinte). L'île apparaît d'abord comme une lune aride, rousse et claire, semée d'éclats d'un vert profond, dont le voyageur en ferry ne connaîtra jamais qu'une face. Le versant sud lui restera inconnu. Ce vaste éclat terni, creusé de failles sombres, secrètement sourit sous le masque du péril
 
 
Je me souviens du premier instant où j'y ai posé le pied ; j'ai senti l'appel. Sans doute me suis-je attardé sur le port. Mais j'ai vite emprunté l'une des ruelles montant dans la ville, qui toutes sont coudées et se divisent en autant de conjectures ensoleillées. Hydra, je l'ai su dès ces premiers instants, ne se donnerait pas comme une représentation, aussi pure soit-elle, du bonheur méditerranéen, mais bien comme une expérience à vivre, un paysage à pénétrer. Hydra n'est pas seulement l'objet se dressant face au regard, un tout surplombant l'individu, la somme écrasant l'unité. Hydra inclut le marcheur, se délite au moment où l'on pensait l'empoigner, pour se recomposer plus loin, quelques marches plus haut, à la condition d'un détour. Le point atteint, la volatilisation reprend, le paysage a fui, clignant de son œil de cyclope, encore plus loin. Et il en est ainsi à chaque instant. À chaque pas. À peine effleurée, la vision s'évanouit, faisant signe plus loin, plus haut, ailleurs. Ailleurs mais toujours dans la chair du lieu.
 
 
'Yδρα : écrivons une fois au moins, en grec, le nom de l'île pour goûter au plaisir de la graphie ronde, douce, qui s'accorde si peu aux angles de ses rues et de ses murs, aux arêtes de ses collines fendillées mais qui dit bien la courbe de son anse, les rondeurs mamelonnées des collines la surplombant. En grec aussi pour rendre compte du dépaysement graphique s'affichant aux ardoises des march

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