Je tresse mes mots
138 pages
Français

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Je tresse mes mots , livre ebook

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138 pages
Français

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Description

Peu de signes par page, et parfois la page est vide. Je tresse mes mots : des discontinuités et des brièvetés, je fais, ou j'essaie de faire, entrelacs et liens. Ou de quelques poussières, agglomérat : "je ne suis que la poussière du Temps". En faisant se côtoyer Aphrodite et Erzulie, l'auteur haïtien ne revitalmise-t-il pas la première par la seconde, les entraînant l'une l'autre dans un rapport inapaisé avec nous, Haïtiens et Européens?

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 janvier 2010
Nombre de lectures 234
EAN13 9782296693692
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0550€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Je tresse mes mots
Poètes des Cinq Continents
En hommage à Geneviève Clancy qui l’a dirigée de 1995
à 2005. La collection est actuellement dirigée par
Philippe Tancelin et Emmanuelle Moysan

La collection Poètes des Cinq Continents non seulement révèle les voix prometteuses de jeunes poètes mais atteste de la présence de poètes qui feront sans doute date dans la poésie francophone. Cette collection dévoile un espace d’ouverture où tant la pluralité que la qualité du traitement de la langue prennent place. Elle publie une quarantaine de titres par an.


Déjà parus

502 – Béatrice GOLKAR, Le point trigonométrique des mouvances, 2009.
501 – Noël Kodia-Ramata, Fragment d’une douleur au cœur de Brazzaville, 2009.
500 – William SOUNY, Comores en flammes, 2009.
499 – Carlos ALVARADO-LARROUCAU, Je suis aussi …, 2009.
498 – Jean-Luc POULIQUEN, Mémoire sans tain, 2009.
497 – Patrick WILLIAMSON, Trois rivières/ Three rivers, bilingue, 2009.
496 – Jean-Christophe RIBEYRE, Matin de neige et de sauge, 2009.
495 – Raphaël HEYER, A cheval sur le trépas, 2009.
494 – Antonio CARJAVAL, Et de paroles nanti, 2009.
493 – Jean-François COCTEAU, Emois, 2009.
492 – Pierre GOLDIN, Territoires du vent, 2009.
491 – Gian Carlo PIZZI, Un adieu dans les choses.Un addio nelle cose, édition bilingue, traduction de l’italien de G. Valetti, 2009.
490 – Gérard Emmanuel DA SILVA, Le dernier jour, 2009.
489 – Mohamed RAFRAFI, L’écume des vers, 2009.
488 – Michel JAMET, Les bras chargés de livres. Her arms full of books. Edition bilingue, traduction anglaise de Alan Barrett, 2009.
487 – Mathieu HILFIGER, D’une Craie qui s’efface, 2009.
Jean Herold Paul


Je tresse mes mots


Préface de Georges Navet
Postface de Zouzi Chebbi Mohamed Hassen
© L’Harmattan, 2010
5-7, rue de l’Ecole polytechnique ; 75005 Paris

http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr

ISBN : 978-2-296-11086-1
EAN : 9782296110861

Fabrication numérique : Socprest, 2012
Ouvrage numérisé avec le soutien du Centre National du Livre
A ma mère Rosita Saint-Aimé, mes frères et sœurs ;

Pour ma femme Clarence;

A Gélin Makington, à Antoine Lafontant ;

A la mémoire de Pierre André Aimé trop tôt disparu.
Préface
D’une île impossible


Il existe en chacun de nous, j’imagine, un infatigable sophiste toujours habile à arguer de sa lassitude et de la vanité des choses pour nous persuader que le moment de nous mettre au travail – de commencer à écrire, à combiner quelques idées, par exemple – doit être de toute urgence différé. Mon sophiste personnel me soufflait en tout cas que j’avais été bien léger d’acquiescer à la demande d’écrire quelques pages en guise de préface à Je tresse mes mots, dont la première et plus grosse partie s’intitule Divagations intermittentes. « Si du moins, continuait mon sophiste, tu ne le connaissais pas personnellement, le « tresseur » de mots, le « divaguant » intermittent ; mais le connaissant, tu es voué à jouer les Sainte-Beuve au petit pied, ignorant par nécessité ce qui sépare le moi qui écrit du moi qui se débat tant bien que mal dans l’existence… »

Connaît-on jamais quelqu’un ? Je l’attendais – le tresseur, le divaguant – du côté de Kant, de Popper et de l’épistémologie, le voilà qui surgit du côté de Frankétienne, de René Depestre et de Pessoa. Je le surprends pourtant à employer des gros mots – des mots philosophiques – comme « épistémê », « Raison », ou « dialectique ». Il est vrai qu’il s’agit d’« épistémê de la traîtrise », de « Raison essoufflée » ou de « dialectique de survie », ce qui change tout. « Ce qui change quoi ? » grommelle le sophiste dans son coin…

Littré nous apprend que « divagation » est un terme juridique qui désigne « l’action de vaguer ou de laisser vaguer çà et là », et précise que « la divagation des animaux malfaisants est interdite ». Divaguer, pour un cours d’eau, signifie sortir de son lit : non pas déborder, mais quitter son lit, changer de lit. Au figuré, divaguer, c’est « s’écarter de son sujet, en parlant ou en écrivant ». Par extension, ajoute Littré – c’est-à-dire, semble-t-il, par débordement, et non par changement – on parlera des « divagations d’un aliéné ».

Le même Littré nous apprend qu’en médecine, l’intermittence est « l’intervalle qui sépare les accès d’une fièvre ou d’une maladie quelconque, et pendant lequel le malade est à peu près dans son état naturel ». Alors que la divagation consiste en l’action de sortir de son lieu ou de son état naturel, l’intermittence consiste en l’action d’y revenir ou de s’y retrouver – « à peu près ». L’« à peu près », si discret soit-il, suggère que l’état supposé naturel ne l’est plus tout à fait, qu’il reste affecté, marqué, par le mouvement qui en a fait sortir et qui peut en faire à nouveau sortir.

Il faut remarquer que parler des intermittences d’une maladie, c’est mettre l’accent sur les moments de rémissions, ou de moindre maladie, alors que parler d’une maladie intermittente, c’est plutôt mettre l’accent sur le retour de la maladie, par-dessus les moments de rémission. Le tout est de savoir quel est l’état de départ ou de référence. Le malade intermittent quitte momentanément la maladie, la possibilité qu’il y revienne (ou qu’il y retombe) demeurant ouverte parce que l’état quitté ne cesse pas tout à fait de régir ce qui pourtant paraît s’y soustraire. Pour reprendre l’exemple que prend Littré dans son article « divagation, un « aliéné » intermittent serait un aliéné qui cesse de l’être par instant, alors que l’état en question – à supposer que le concept en soit clair – n’est d’évidence pas plus naturel que celui de « travailleur » ; le temps de non aliénation ou le temps de non travail restent ainsi hantés, affectés ou marqués par l’état positif de référence dont ils ne sont que le négatif.

L’aliéné « littréen » divague en quelque sorte par essence, l’aliéné intermittent cesserait de divaguer dans les moments où il sortirait – sans pleinement s’en dégager – de son état. Un divaguant intermittent est un divaguant dont les divagations s’interrompent par moment, les interruptions, quelle qu’en soit la durée, demeurant affectées ou contaminées par ce qu’elles interrompent. Comme divaguer signifie sortir de son lit, de sa place, de son lieu, il n’y a divagations intermittentes qu’à partir d’une sortie qui est d’emblée une errance, une absence de place et de lieu ; l’état de départ, l’état de référence, l’état fondamental, est l’état de divaguant, qui aussi bien est un non état, une errance, par opposition à un état supposé « naturel », ou habituel. Ce qui interrompt le non état, ce qui interrompt l’errance, ce sont les semblants de place, de lieu, de statut, qu’occupe le divaguant et qui suffisent aux regards extérieurs pour lui donner une consistance rassurante et reconnaissable, en bref ce qu’on appelle un peu vite une identité. Les divagations ne viennent pas trouer et troubler les semblants ; si elles les troublent, c’est à la manière dont la maladie non résorbée trouble jusqu’à ses intermittences.

Sans doute trouver des mots disant le trouble et ce qui en profondeur le suscite est-il malaisé et ne peut-il advenir que de manière aussi discontinue que brève. Peu de signes par pages, et parfois la page est vide. Je tresse mes mots : des discontinuités et des brièvetés, je fais, ou j’essaie de faire, entrelacs et liens. Ou de quelques poussières, de faire agglomérat:

« Qui peut déjouer le scepticisme ?
Je ne suis que la poussière du Temps. »

Tout commence par l’évocation d’un mouvement de sortie :

« Ils exportent leurs âmes aguerries

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