Paroles de la nuit
168 pages
Français

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Paroles de la nuit , livre ebook

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Description

Le catalan Marius Torres (Lleida 1910- Puig d'Olena 1942) naît au sein d'une famille aisée, aux fortes convictions libérales et républicaines. Pourtant, comme nombre d'écrivains de sa génération, il connaîtra un destin tragique : en 1935, le diagnostic de tuberculose est prononcé, il mourra sept ans après...
Pour la première fois (aussi bien en Catalogne qu'en Espagne ou en France), cette anthologie poétique suit scrupuleusement les voeux du poète quant aux poèmes qu'il voulait donner à publier.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 janvier 2010
Nombre de lectures 250
EAN13 9782296932494
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0650€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Paroles de la nuit
Màrius Torres


Paroles de la nuit

Poésies


Anthologie poétique bilingue catalan / français

Édition, présentation et traduction du catalan
de Marta Giné & Norberto Gimelfarb


L’Harmattan
Publié avec le soutien de l’institut Ramon Llull.


© L’Harmattan, 2009
5-7, rue de l’Ecole polytechnique, 75005 Paris

http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr

ISBN : 978-2-296-11150-9
EAN : 9782296111509

Fabrication numérique : Socprest, 2012
Ouvrage numérisé avec le soutien du Centre National du Livre
MÀRIUS TORRES, CENT ANS APRÈS
L’œuvre poétique du poète catalan Màrius Torres possède une force et une beauté esthétiques tout à fait hors du commun. Màrius Torres (Lleida 1910 – Puig d’Olena 1942) naît au sein d’une famille aisée, aux fortes convictions libérales et républicaines. Pourtant, comme nombre d’écrivains de sa génération, le poète connaîtra un destin tragique…
Fidèle au parcours professionnel de sa famille, Màrius fait des études de médecine à Barcelone (il perdra sa mère à cette époque) et semble destiné à la profession médicale, qu’il exerce à Lleida à partir de 1934. Un peu avant, il a vécu la fin de la dictature de Primo de Rivera et applaudi l’avènement de la république (1931), des idéaux de son père. Fin 1935, se sentant de plus en plus malade, il consulte des médecins et, en décembre 1935le diagnostic de tuberculose est prononcé : il est alors admis dans le sanatorium de Puig d’Olena. Il y passera le restant de son existence, sept ans, jusqu’à sa mort, en 1942.
Màrius a déjà, en cachette, écrit quelques poèmes avant son entrée au sanatorium, mais ce sont la maladie, la crainte, la défaite, l’exil de sa famille qui feront de lui un poète. En effet, la maladie, vécue dans l’isolement (la guerre civile espagnole éclate en juillet 1936 et rend difficiles les communications), la crainte de perdre son frère Vfctor parti au combat pour la défense de la République démocratique (la guerre le touche donc très directement ; il sait que les franquistes occuperont sa maison à Lleida) ; puis la constatation de la défaite républicaine et, enfin, l’exil en France de sa famille (angoisse de l’éloignement forcé)… voilà des circonstances qui feront de ce jeune médecin un poète, un très grand poète :

Plus que jamais, je bénissais Dieu qui m’avait accordé le privilège d’un travail à faire dans le silence et l’intimité, bien détaché de ce qui sera un jour l’histoire.
Un travail qui était à la fois le seul et le meilleur que je pouvais faire pour mon pays – et pour moi-même {1} .

On sait que la maladie plonge l’homme dans un état second. Encore davantage si les circonstances sociales deviennent tout à fait adverses. Màrius est obligé de faire halte dans le cours d’une existence qu’il destinait à la médecine. Il ne peut plus agir dans et sur le monde. Il doit se contenter de l’observer : il regarde autour de lui, l’air, le ciel… sous un angle différent de celui du passant actif. Obligé à lever littéralement le pied, le médecin-poète devient tout à fait réceptif à l’immensité du monde, au passage du temps, à la finitude de l’existence humaine, bref, à l’essentiel des peurs et des besoins communs aux humains.
Mais l’homme et le poète ne se laissent pas réduire à l’effroi ou au désespoir. Màrius Torres rêve, pense, écrit… les grandes questions humaines d’un point de vue personnel et universel : l’homme est une particule vivante parmi d’autres, s’inscrivant sur un univers et une nature le plus souvent incompréhensibles. Mais, d’autres fois, un sens aigu des correspondances entre le moi et la nature s’établit : une secousse ici se répercute très loin, une expérience semble bizarre à tel sujet, mais un autre l’a déjà vécue…
Y voit-il la manifestation d’une force surnaturelle, divine ? Si l’on peut évoquer un fort pouvoir mystique dans nombre de poèmes, le doute est le dernier mot de Màrius Torres : les cieux restent toujours silencieux. Les temples élégants n’ont pas l’air serein : « Le Temple de la mort » {2} .
Quoi faire alors ? Placé dans une position contemplative désintéressée à cause de la maladie, le poète enrichit sa perception du monde. Il peut appréhender le monde dans un rapport autre que celui de l’utilité… Il peut imaginer le paradis…
Il s’ouvre à l’inconnu grâce à son expérience de la musique : la mère a appris à Màrius à jouer du piano et la musique deviendra une des bases fondamentales de l’artiste-poète : la musique permet de revivre le passé dans toute sa vivacité ; par ailleurs, elle découvre au poète un accord de l’âme et du corps, de l’homme et du cosmos. Pour Màrius, la musique est l’art le plus important (dans ce sens il rappelle Baudelaire et Verlaine, qui furent ses maîtres {3} ). Nombre de ses poèmes traitent de musique : « Variations sur un thème de Hândel », « Sonata da Chiesa », « Couperin en hiver », « Musique lointaine, la nuit », « Là-bas passe la musique… », « Mozart », « Souvenirs d’une musique », « Je sens en moi la musique… », « Chanson »…
Privé d’une bonne part de ses moyens, par la maladie, le poète saisit l’essentiel sous la forme la plus dépouillée – les sons musicaux – mais aussi sous la forme des images du monde. C’est ainsi qu’il décrit un paysage :

Nous sommes ici, maintenant, en plein printemps. Le petit jardin de Puig d’Olena montre tous ses marronniers fleuris. Ses délicieux arbres de Judée, tous mauve et or, marquent un premier plan fastueux à la perspective de ravins, et, au-delà, la douce plaine du Vallès, bleue, grise et ocre. Les hirondelles sont arrivées depuis quelques jours.
Pourtant, mieux encore que ce franc printemps d’avril, j’aime – dans ces terres-ci – le pré-printemps, l’enchevêtrement février-mars, quand le soleil devient chaud subitement, et qu’on sent le printemps qui monte déjà de la plaine, rien qu’un parfum qu’on ne saurait identifier, une vague de vie intérieure… {4}

Et, à un autre moment :

Ces crépuscules d’octobre, qui sont peut-être les plus beaux de l’année. (…) Le plus beau c’est, je crois, le contraste entre l’extrême irréalité des formes terriennes obscurcies, rayées de brouillard, fantasques, mais étrangement vivantes –, et l’éclatante illumination, le pathétisme chromatique de la voûte du ciel. C’est quand le soleil est déjà sous l’horizon qu’on voit le plus clairement que, dans ce monde, la lumière vient d’en haut. Les montagnes de Gallifa et du col de Poses, à l’occident, prennent à cette heure-là des formes obsédantes – ce sont les membres d’un jeune animal endormi : on étendrait presque le bras pour les caresser. Sur elles, les nuages prennent des tons rouge vif, écarlate, orange, et laissent percer des franges d’un ciel presque vert. Vers le zénith, le ciel devient bleu – de plus en plus foncé -. Il y a un petit croissant d’argent dans le cadran du sud-ouest.
L’aube a peut-être une beauté aussi spirituelle, mais une grande partie du charme du crépuscule du soir vient de ce qu’il est suivi par la nuit – laquelle est une mort {5} .

Dans ses poèmes, Màrius Torres porte à la perfection ce don descriptif et y ajoute (comme dans notre deuxième citation) une dimension métaphysique : « La dernière rose » fleurit au mois de novembre, alors que tout est mort autour d’elle. Màrius Torres s’intéresse aux contradictions pour offrir des explications universelles : « Beau jour d’octobre » fait penser que l’été revient sans avoir permis l’arrivée de l’hiver ; à un autre moment, le monde défile sous ses yeux et le poète se laisse happer par le spectacle gratuit des « Nuages » qui prennent des formes merveilleuses, presque des œuvres d’art, pour disparaître aussitôt… D’autres fois, le poète- contemplateur regarde le paysage dans sa distante beauté, jeu des rayons et des ombres, reflets bleus et or : « Avril », « Jour clair », « Février », « Au bord de la mer », « Après- midi et soir »… Cette divine beauté n’est, pour Màrius Torres, ni froide ni insensible vis-à-vis de l’homme. Revenons à « La dernière rose », par exemple : elle révèle, de par sa volonté de fleurir à la fin de l’automne, sa détermination à s’épanouir sans se laisser intimider par le froid. Quelle parfaite dignité et quelle maîtrise de soi ! C’est pourquoi le poète l’a choisie pour symboliser les passions et les vertus humaines. Elle nous apporte un r

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