Port de mer
49 pages
Français

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Port de mer , livre ebook

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Description

On s’en allait chez lui pour qu’il me pète la gueule. Au pire je m’en tirerais avec quelques instants pénibles ça m’était déjà arrivé. C’était peut-être comme ça qu’on devenait un homme.
Mai 1983. Un jeune étudiant en littérature se fait agresser par un homme qu’il a suivi au Port de mer, une tour d’habitation située près du métro Longueuil. Il n’en parlera à personne. Pendant les mois qui suivront, aucun de ses proches ne saisira la détresse insidieuse qui l’amènera au bord de l’abîme.

Dans une langue crue d’une rare efficacité, ce récit haletant et sans concession témoigne de la dureté d’un monde où les souffrances les plus complexes, lorsqu’elles ne sont ni avouées ni perçues, trouvent difficilement le chemin de la guérison.
— J’ai hâte de te péter la gueule.
Le taxi filait sur le pont Jacques-Cartier en direction de Longueuil. La Grande Roue de La Ronde dessinait à travers la fenêtre sale une silhouette vague dans la nuit de mai toute noire hormis les lumières du pont. Il avait parlé à voix basse mais je m’inquiétais quand même de savoir si le chauffeur avait pu l’entendre.
Il devait avoir un peu plus de quarante ans. Ses cheveux lui faisaient une sorte de tonsure sa moustache descendait de chaque côté de ses lèvres comme si quelque chose s’écoulait de sa bouche qu’il n’arrivait pas à contenir. Peut-être trente-sept ou trente-huit je ne sais pas en tout cas il était nettement plus vieux que moi plus grand et costaud aussi mais pas tant que ça.
On s’en allait chez lui pour qu’il me pète la gueule. Au pire je m’en tirerais avec quelques instants pénibles ça m’était déjà arrivé. C’était peut-être comme ça qu’on devenait un homme.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 10 septembre 2014
Nombre de lectures 2
EAN13 9782764427736
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0550€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Du même auteur
La Mezquita , Éditions Québec Amérique, 2013.
La Faute de Roy Dupuis , Leméac Éditeur, 2010.
La Mort de Blaise , Leméac Éditeur, 2008.
Le Souvenir blanc des Cyclade s, Trois, 2005.
Les Saintes Marie de la mer , L’Hexagone, 1997.
Entre l’aleph et l’oméga , L’Hexagone, 1990.




Projet dirigé par Marie-Noëlle Gagnon, éditrice

Conception graphique : acapelladesign.com
Mise en pages : Andréa Joseph [pagexpress@videotron.ca]
Révision linguistique : Eve Patenaude et Diane-Monique Daviau
Conversion en ePub : Marylène Plante-Germain

Québec Amérique
329, rue de la Commune Ouest, 3 e étage
Montréal (Québec) H2Y 2E1
Téléphone : 514 499-3000, télécopieur : 514 499-3010

Nous reconnaissons l’aide financière du gouvernement du Canada par l’entremise du Fonds du livre du Canada pour nos activités d’édition.
Nous remercions le Conseil des arts du Canada de son soutien. L’an dernier, le Conseil a investi 157 millions de dollars pour mettre de l’art dans la vie des Canadiennes et des Canadiens de tout le pays.
Nous tenons également à remercier la SODEC pour son appui financier. Gouvernement du Québec – Programme de crédit d’impôt pour l’édition de livres – Gestion SODEC.



Catalogage avant publication de Bibliothèque et Archives nationales du Québec et Bibliothèque et Archives Canada

Mercure, Luc
Port de mer
(Collection Littérature d’Amérique)
ISBN 978-2-7644-2771-2 (Version imprimée)
ISBN 978-2-7644-2772-9 (PDF)
ISBN 978-2-7644-2773-6 (ePub)
I. Titre.II. Collection : Collection Littérature d’Amérique.
PS8576.E723P67 2014 C843’.54 C2014-941365-3 PS9576.E723P67 2014

Dépôt légal : 3 e trimestre 2014.
Bibliothèque nationale du Québec
Bibliothèque nationale du Canada

Tous droits de traduction, de reproduction et d’adaptation réservés

© Éditions Québec Amérique inc., 2014.
www.quebec-amerique.com







À François, Linda et François je vous ai tant aimés.


1
 J’ai hâte de te péter la gueule.
Le taxi filait sur le pont Jacques-Cartier en direction de Longueuil. La Grande Roue de La Ronde dessinait à travers la fenêtre sale une silhouette vague dans la nuit de mai toute noire hormis les lumières du pont. Il avait parlé à voix basse mais je m’inquiétais quand même de savoir si le chauffeur avait pu l’entendre.
Il devait avoir un peu plus de quarante ans. Ses cheveux lui faisaient une sorte de tonsure sa moustache descendait de chaque côté de ses lèvres comme si quelque chose s’écoulait de sa bouche qu’il n’arrivait pas à contenir. Peut-être trente-sept ou trente-huit je ne sais pas en tout cas il était nettement plus vieux que moi plus grand et costaud aussi mais pas tant que ça.
On s’en allait chez lui pour qu’il me pète la gueule. Au pire je m’en tirerais avec quelques instants pénibles ça m’était déjà arrivé. C’était peut-être comme ça qu’on devenait un homme.
Il demeurait au Port de mer un complexe résidentiel formé de deux tours à côté de la station de métro Longueuil. Mon père louait un appartement dans l’une de ces deux tours il restait dans l’autre.
Je n’ai pas vu le regard du chauffeur de taxi dans le rétroviseur.
Dans la plupart des cas les hommes que j’avais connus avaient simplement été un peu rudes ils me serraient la nuque pour me forcer à les sucer. Je n’aimais pas ça mais je me disais qu’il fallait passer par là. Quand je m’étouffais avec leur queue au fond de ma gorge ils me criaient frustrés « Tu sais pas sucer toé crisse ! » Une fois l’un d’eux m’avait attaché les mains et les chevilles en croix à son lit à baldaquin il m’avait bandé les yeux puis il avait sorti un couteau qu’il avait fait glisser sur mon torse. Quand j’avais senti la lame près de l’aine je lui avais dit que j’avais peur vraiment peur je lui avais demandé de me détacher. Il avait déposé son couteau puis retiré le bandeau sur mes yeux. « J’aurais seulement coupé ton slip. » « Je ne te connais pas je ne pouvais pas savoir ce que tu ferais. » « Tu veux continuer ? » « Je ne sais pas. » « Si tu veux continuer ouvre la bouche. » Au bout de quelques secondes je lui avais dit « Détache-moi. » J’étais reparti peu après et j’avais marché du Vieux-Montréal jusqu’à la station Papineau où j’avais pris l’autobus de la ligne Sainte-Hélène qui traverse le pont Jacques-Cartier la nuit quand le réseau de métro est fermé.
Je me disais je supporte ça pour me mettre à l’abri de l’amour. J’aurais aimé celui qui au lieu de me traiter comme un outil pour lui procurer du plaisir ou comme un défouloir m’aurait donné sa tendresse mais on ne la donne pas à un jeune homme qui suce mal.
Quand le taxi s’est garé devant le Port de mer j’ai glissé la main dans ma poche pour en retirer quelques dollars mais il l’a retenue pour payer lui-même le chauffeur. Je n’ai pas insisté. De toute façon il aurait pris un taxi pour rentrer chez lui alors que moi je serais retourné chez ma mère en empruntant l’autobus de la ligne Sainte-Hélène puis j’aurais marché une demi-heure. Il me permettait d’économiser un billet de métro.
Il demeurait au premier étage de la petite tour du Port de mer mon père habitait au dernier de la plus grande. On a pris l’ascenseur même s’il ne fallait monter qu’un étage. Quand les portes métalliques se sont refermées il m’a giflé. Les portes se sont rouvertes avant qu’il ait eu le temps de me gifler une seconde fois.
Au bar il m’avait expliqué qu’il cherchait un gars pour lui défoncer la gueule. Il portait une chemise unie à manches longues et poignets boutonnés un pantalon brun à plis il avait l’air d’un comptable. Le bar s’appelait Le Gant de velours.
On est entrés chez lui. J’ai pensé que si mon père regardait par la fenêtre de son appartement il pourrait nous apercevoir. Je voyais mon père deux fois par an depuis que mes parents s’étaient séparés six ans plus tôt. Aux Fêtes et à mon anniversaire il m’emmenait au restaurant et me remettait un chèque de cent dollars. Je prenais l’argent en me disant que j’aurais dû le refuser parce que je n’aimais pas mon père mais j’aurais provoqué un incident et j’en avais déjà provoqué beaucoup en tout cas je n’étais pas le fils qu’il aurait voulu et refuser son argent aurait constitué un affront supplémentaire. Il y avait aussi un avantage pécuniaire à recevoir deux cents dollars par an en plus des deux mille qu’il versait annuellement à ma mère pour mon entretien et mes études tant que je n’avais pas fini mon bac.
Dans le salon il m’a giflé trois fois alors que j’étais encore debout. Après la troisième fois j’ai voulu mettre ma main devant ma figure pour me protéger mais il l’a prise et m’a giflé avec sa main libre la gauche moins fortement il devait être droitier. Il y avait dans ses yeux ce mélange de désir et de dégoût qui m’avait paralysé lorsqu’il m’avait accosté au bar. Il m’a dit de me déshabiller il s’est déshabillé aussi. Il m’a poussé sur le matelas qui était presque au ras du sol et il a recommencé à me gifler. Il appuyait ses jambes sur les miennes pour m’immobiliser et retenait mon bras droit en serrant mon poignet. Il me crachait au visage en me traitant de salope de chienne de trou de cul.
Il a essayé de m’enculer je me suis raidi. J’avais été pénétré seulement quatre fois et toujours doucement. Jamais ça ne m’avait fait jouir dans le meilleur des cas j’avais éprouvé une sensation un peu étrange. La première fois j’avais dit à l’homme « Excuse-moi je pense que je dois aller à la toilette. » Il avait souri puis m’avait expliqué que ça pouvait donner cette impression.
Il a réussi à me pénétrer à force de grands coups de reins qui me faisaient hurler. À travers mes cris j’arrivais seulement à dire arrête arrête arrête arrête arrête arrête. Il me donnait des claques au visage qui me semblaient de plus en plus fortes en me traitant de salope.

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