Actrice
106 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

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Description

" Il y a toujours un passage à vide après le tournage d'un film. Du jour au lendemain, on ne vient plus vous chercher en bas de chez vous, vous n'êtes plus choyé, vous n'êtes plus au centre. Les acteurs sont habitués à ça, c'est normal. Seulement là vous trouvez que les choses prennent du temps à redémarrer. Plus de temps... Et puis des signes vous parviennent, quelques-uns puis de plus en plus, comme les gouttes qui précèdent une averse... ."


Star du cinéma français dans les années soixante-dix, Claudine Berger connaît une traversée du désert qui semble ne pas devoir finir. Ses grands rôles comme les hommes de sa vie appartiennent au passé. Vaguement occupée à rédiger ses souvenirs, elle assiste à l'hommage que lui rend un festival étranger, se prépare sans enthousiasme à tourner un téléfilm... Sa vie serait-elle derrière-elle ?


Entre comédie et mélodrame, cette chronique bouleversante raconte au jour le jour l'année d'une renaissance. Tableau très réaliste du monde du cinéma, Actrice est surtout un inoubliable portrait de femme.



Plus d'infos sur
www.stephanecarlier.com







Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 29 octobre 2015
Nombre de lectures 16
EAN13 9782749126142
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0097€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Stéphane Carlier
ACTRICE
COLLECTION ROMANS
Photo de couverture : © Rue des Archives © le cherche midi, 2012 23, rue du Cherche-Midi 75006 Paris Vous pouvez consulter notre catalogue général et l’annonce de nos prochaines parutions sur notre site : www.cherche-midi.com
« Cette œuvre est protégée par le droit d’auteur et strictement réservée à l’usage privé du client. Toute reproduction ou diffusion au profit de tiers, à titre gratuit ou onéreux, de tout ou partie de cette œuvre, est strictement interdite et constitue une contrefaçon prévue par les articles L 335-2 et suivants du Code de la Propriété Intellectuelle. L’éditeur se réserve le droit de poursuivre toute atteinte à ses droits de propriété intellectuelle devant les juridictions civiles ou pénales. »
ISBN numérique : 978-2-7491-2614-2
Pour Christophe
Georges Freymaud,
Dictionnaire des Acteurs
(16 e  édition, 2003)
2003
Février


le 28
– J’ai à mes côtés une comédienne, une jeune comédienne dont le critique Maurice Amel a dit récemment : « Autant prévenir les metteurs en scène, sa présence à l’écran est si forte qu’il lui faut au moins deux partenaires masculins pour faire pendant »… Alors, dites-moi, qu’est-ce qui vous a donné la bonne idée de faire du cinéma ?
– La bonne idée, je ne sais pas…
– Vous êtes quand même dans un film qui a marqué les esprits l’an dernier, et Cinémonde , à cette occasion, vous a désignée « Nouvelle Venue 1965 »…
– Oui, je tiens d’ailleurs à remercier tous les lecteurs de Cinémonde …
– Il faut dire que vous n’avez pas pu le faire de vive voix parce que vous tourniez à ce moment-là…
– Exactement.
– Vous tourniez en Italie, c’est ça ?
– (inaudible).
–  Vous allez faire de la concurrence à Claudia Cardinale !
– Pardon ?
– Avec ce film italien, vous allez faire de l’ombre à Claudia Cardinale… À la Magnani !
– Ce serait difficile, quand même !
– Alors on peut dire votre âge, n’est-ce pas ? Dans le cas d’une jeune fille, ça n’est pas blessant…
– J’ai vingt ans.
– Vingt ans… Alors, dites-moi, on se demande toujours, quand on a la chance d’avoir une si jeune actrice en face de soi, si elle a des références, des modèles. Quels sont les acteurs ou les actrices qui vous ont donné envie de faire du cinéma ?
– Il y en a plusieurs…
– Mais aucun dont le nom ne vous vient à l’esprit.
– Non, pas vraiment.
– Alors ici, nous sommes à Cannes, et Cannes, c’est chez vous…
– Oui. Enfin, j’ai déménagé maintenant !
– Oui, mais dites-moi, ça doit tout de même faire quelque chose de grandir dans la ville du festival du film… Vous ne croyez pas que c’est d’avoir vu trop de montées des marches qui vous a donné des idées ?
– Peut-être…
– Mais vous ne trouvez pas que c’est un comble pour une jeune personne qui se destine au cinéma d’avoir grandi à Cannes ? Vous vous souvenez des vedettes que vous avez vues monter les marches ?
– Oui. Jeanne Moreau, l’année dernière…
– L’inoubliable interprète du Journal d’une femme de chambre… En tout cas, vous en avez la grâce. Alors, puisque vous avez grandi dans une ville de bord de mer, je ne vous apprends rien, vous savez ce que l’on dit aux marins qui vont prendre la mer, on leur souhaite bon vent. Alors, je vous le dis, à vous et du fond du cœur : bon vent, mademoiselle !
– Merci. Merci, monsieur.
Mars


le 2
Changé de place le meuble télévision (la lumière du jour entre différemment dans la pièce et son reflet sur l’écran me gênait). Ai aussi mis un peu d’ordre dans mes cassettes vidéo.

le 5
Testa, l’ouvrier que Bernard m’a envoyé il y a une semaine, me téléphone son devis pour l’évier de la salle de bain. Huit cent cinquante euros. Ça fait cher pour une fuite, mais je n’ai pas trop le choix. Bernard m’a assuré que c’était « le prix plancher » et je ne supporte plus la présence de cette bassine, que je dois vider toutes les deux heures, sous mon lavabo.

le 8
Le nouveau porte-mine de Clarins est une merveille. Il m’a redonné le plaisir de me dessiner les sourcils… J’ai remarqué que je délaisse de plus en plus les marques luxueuses (YSL, Shiseido) au profit de la gamme Clarins (j’étais déjà une inconditionnelle de leur poudre matifiante).

le 12
Lumière forte mais ne portant pas d’ombre. Le pire éclairage, celui des transitions – d’heure, de saison. Je me félicite d’avoir pensé à prendre mes lunettes et, avant d’atteindre l’hôtel Lindbergh, je comprends qu’on me suit.
Marcel Régaty.
Il m’attendait sur le trottoir mais devait être ailleurs au moment où je suis sortie, puisque c’est en courant qu’il me rattrape.
– J’arrive de Niort, j’ai pris le train de 6 h 29…
– Marcel, je vous ai déjà dit de poster vos pièces !
– Vous êtes très occupée, je sais. Mais là, vous marchez, je ne vous fais pas perdre votre temps…
Régaty est apparu dans ma vie à la fin de l’année 1978, en m’adressant le manuscrit de sa première pièce, L’Homme du matin . Un texte si médiocre qu’au cours d’un dîner qui suivit, j’en avais improvisé une lecture devant quelques amis, avant de le lancer par la fenêtre en décrétant : « Le sort en est jeté ! »… Évidemment, je ne le ferais plus aujourd’hui. Régaty y évoquait la figure de son père, disparu au Chemin des Dames, et je reconnais que c’était un geste odieux – mais le dîner avait été arrosé, j’étais jeune et la pièce vraiment mauvaise.
Quelques semaines plus tard, j’eus la surprise de le trouver au pied de l’immeuble où je vivais alors, rue Nicolo. Prise au dépourvu quand il m’a demandé ce que je pensais de son travail, j’ai répondu que je n’avais rien reçu. Ça non plus, je ne le ferais plus. Il en a conçu une haine durable des services postaux auxquels il a décidé de ne plus jamais confier ses manuscrits. Et depuis, une ou deux fois par an (chaque fois, étrangement, que je commence à l’oublier un peu), je le retrouve en bas de chez moi, vêtu de la même gabardine beige, serrant contre lui une éternelle enveloppe kraft.
J’ai bien tenté de lui faire comprendre que sa production ne m’intéressait pas (je m’entends notamment lui dire que sa deuxième pièce Do you cha cha ? était trop longue), mais j’y ai vite renoncé : cet homme n’écoute pas ce qu’on lui dit. Il vit dans un monde figé, arrêté quelque part au milieu des années 60 (il me parle souvent d’ Un caprice d’Isis que j’ai tourné en 1965), un monde où, en tout état de cause, il ne se laisse pas déranger.
Aujourd’hui, je n’essaie plus de lui parler. Pour tout dire, je ne prends plus la peine de m’arrêter pour l’écouter.
C’est donc au pas de charge, le long du trottoir humide de la rue Chomel, que nous avons cette conversation :
– C’est du comique, à la Achard. Pas comme la dernière…
– La dernière n’était pas drôle, non.
– J’étais venu vous voir à Évry, vous vous souvenez ?
– Oui.
– Eh bien, en rentrant chez moi, j’ai réalisé que mon imprimante m’avait fait des misères et que, dans la version que je vous avais donnée, il manquait de la page 115 à 160…
– Ah.
– Vous ne l’aviez pas remarqué ?
– Peut-être.
– Mais là, je suis revenu à mes premières amours, enfin à mes deuxièmes, le comique…
Nous atteignons le bout de ma rue. Je m’arrête et, avec autant de bienveillance qu’il m’est possible, tente :
– Marcel, je ne veux pas être chargée. Postez-la.
– Ça s’appelle Cartouche et compagnie

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