Au-delà des chambres de quartz
225 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Au-delà des chambres de quartz , livre ebook

-

225 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Description

Entrez dans une caverne ornée, enfilez un blouson et entrez. Aussitôt, l'évidence : "Je suis devant l'oeuvre d'un frère". Dès les premières peintures, vous ressentirez une tendre et profonde empathie pour ces compagnons de 10 000 ans. Arriad, adolescent magdalénien, dessine bisons, bouquetins et chevaux sur les parois des cavernes. Iliaé, assistante indispensable, a disparu. Enlevée ? Dévorée par un fauve ? Nul ne sait. L'envie de graver fuit Arriad. Sans Iliaé, il a perdu le goût de peindre ces animaux, renaissance magique des ancêtres.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 avril 2009
Nombre de lectures 255
EAN13 9782296926196
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0850€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Au-delà des chambres de quartz
© L’Harmattan, 2009
5-7, rue de l’Ecole polytechnique, 75005 Paris

http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr

ISBN : 978-2-296-07966-3
EAN : 9782296079663

Fabrication numérique : Socprest, 2012
Ouvrage numérisé avec le soutien du Centre National du Livre
Patrice Lagrange


Au-delà des chambres de quartz


roman


L’Harmattan
À Badette
CHAPITRE 1
Le grondement des sabots roule au ciel de la caverne dans un effroyable silence. Douleur continue de ton absence. Où es-tu Iliaé ? Reviens, je me soumettrai, tes souhaits seront miens.
Ordonne, et je garderai le secret du galop des chevaux. Secret hideux et lâche, imposé par les hommes.
Ordonne, et je crierai la vérité. Prosternez-vous, mortels ! Le maître est parmi nous, le maître qui a élevé ma vie, le maître qui porte mes jours. Reviens, Iliaé !
Sueurs, sangs et poils mêlés, courses rapides, orages des hardes mouvantes. Ta disparition exaspère plus encore la fureur des aurochs. Effarés et inquiets, les esprits te cherchent partout. Ta lumière, pourtant, embrase encore chaque trouée de la caverne, comme une forêt de lampes les chambres de quartz.
Vous qui entrez, écoutez notre aveu. Les yeux d’Iliaé ont conduit ma main, les yeux d’Iliaé ont guidé mes lignes et dirigé les courbes. Sans elle, rien n’existe, ni les chevaux ardents, ni les bisons puissants, ni les rennes tranquilles.
Reviens, Iliaé ! Les ancêtres peuvent attendre, ne bascule pas maintenant dans le gouffre sans fond de la terre ! Les nôtres doivent connaître l’origine des forces vivantes et des silhouettes légères, les nôtres doivent découvrir la magicienne du retour à la vie des esprits animaux.
Le conseil protestera : « Vous allez provoquer la colère des ancêtres ! »

Ordre d’effacer. « Aucune femme ne grave dans le séjour de Khton l’aïeul ! »
Je lutterai, Iliaé. Ils ne détruiront pas tes lignes parfaites. Les reproches du servant n’y changeront rien, ils se perdront dans le fracas de tes troupeaux furieux. Je te protègerai.
Il n’y aura pas assez de lunes pour chanter ta gloire. J’irai louer ton nom jusqu’au-delà des montagnes.
Qu’ils nous chassent, nous partirons vers le soleil à la rencontre du grand Dextre. Des hommes lui ont parlé… Nous-mêmes, emplis de joie et de doute, n’avons-nous pas vu ses gravures ?

Allongé sur l’île de sable, notre île de sable, je regarde le toit de la caverne. Je te devine à mes côtés, noire de poudre au sortir d’une longue séance, charbonnée comme une pie. Toutes les lampes disponibles allumées, la danse des bêtes au rythme des flammes nous tient captifs jusqu’à la dernière goutte d’huile. Ta voix claire s’élève, ton chant soumet nos animaux. Tous se tournent vers nous, portés par ton appel. Notre privilège. Plusieurs jours d’effort parfois. Perdus dans le temps, nous avons dormi dans la grotte pour achever la paroi d’une même venue, sans rompre le mouvement, ni épuiser nos forces en longues traversées des rivières souterraines, des chambres de quartz ou des lacs glacés.
Magie pour nous seuls. Couchés côte à côte dans le lit de lumière, nous contemplons la vie. Même le servant n’a jamais surpris ces embrasements animés de tous les esprits. Personne n’a jamais vu cette frénésie des messagers fougueux revenus de l’au-delà pour notre seul bonheur.
Tu pestes parfois contre un boiteux qui ne tient pas l’équilibre, condamné à retouche. Colère en vérité devenue rare, le plus souvent, pas le moindre contrefait à blâmer, tu maîtrises désormais chaque audace d’un trait libre et précis.
Tu deviens soucieuse, saisie de crainte pour ton troupeau, ton regard inquiet passe d’une bête à l’autre, recensement impérieux de toutes tes créatures :
Nous allons vers le malheur, dis-tu, vers notre châtiment pour désobéissance, l’esprit des proies abattues nous dénoncera, nous serons bannis !
Non, Iliaé, le gardien des prairies fécondes nous pardonnera ! Tes songes légers désarment toute fureur. Vois tes amis des parois s’avancer vers nous, bienveillants et magnanimes, tous comprennent nos chasses et te couvrent de louanges. Autrefois, quand les hommes et les bêtes usaient des mêmes mots, quand tous les ancêtres vivaient en frères sur la lande, ils t’auraient nommée reine.

Mes aurochs errent désormais dans la confusion, difformes et lourds. Incapable de leur rendre fière allure, je les abandonne mutilés et chancelants, infirmes égarés. Nous attendons ton retour, toi seule sais guérir ces disgrâces.
Ma volonté s’épuise comme la flamme de ma lampe le long des galeries vides. Je dessine sans goût. Le conseil l’a remarqué et s’interroge, personne ne comprend cet arrêt d’abondance et la perte d’adresse. Je ne peux rien dire. Ce mensonge m’exaspère. Reviens Iliaé, délivre-moi de ma parole.
Le sable froid me glace le dos. Le ventre humide de la grotte secoue ma carcasse, je dois m’éloigner, les esprits du mal cherchent à pénétrer mon corps. Au dehors, un souffle tiède accompagne encore les hirondelles prêtes à partir, les feuilles commencent tout juste à tomber pour entrer en terre, saison des raisins mûrs où la nuit sans fin de la caverne paraît, pour quelque temps encore, plus froide que l’ombre des forêts. Quand la neige blanchira la plaine immobile, le séjour profond des ancêtres retrouvera sa douceur, et seul, je m’y réfugierai pour graver. Personne, Iliaé, ne jouera plus avec moi à rechercher les parois nues pour les couvrir de bêtes immortelles.

J’ai annoncé mon retour au village avant la fin du jour, Orgha, ma mère, entend me tailler le crin pour les cérémonies du rassemblement. Arrivée du clan des Cerfs de Grande Ramure avec la prochaine lune. Apporteront-ils un signe d’Iliaé ? Sera-t-elle avec leur tribu ? Kamman, notre guetteur, infatigable coureur, les a aperçus à trois jours de marche, poussés par l’aquilon glacé, présage de l’hiver prochain. Avance ralentie par les bébés et les enfants, groupe plus abondant que la saison passée, plusieurs foyers ajoutés à la tribu. Afflux de corps fourbus et de bouches affamées, nos chasseurs devront abattre du gibier en appoint. On me voudra en battue, en dépit de mon insuffisance ridicule au maniement de la sagaie. Les plus adroits, rompus à l’emploi du lanceur, rient jusqu’à l’offense de cette maladresse. Mais aussi, comment tout embrasser quand le dessin épuisait et mon temps et ma tête ? Des jours et des jours à tracer sur le sol des bêtes étranges… en négligeant la chasse. On me réclamait seulement pour le grand sacrifice… tout le village appelé… je partais avec les femmes courir les forêts et la lande. J’aimais participer à cette agitation. Une fête. Observer les bêtes, pour les éveiller plus tard dans l’exactitude de la ligne. Observer les hommes, plus rusés que le gibier, moins braves en retour. Mettre en ordre, classer herbes et feuilles : douces, rugueuses, sèches, humides, aider du servant exclu lui aussi de la chasse. Sa connaissance et sa curiosité m’entraînaient sans fin. Jours remarquables. Traques bruyantes. Jours rendus trop rares de mon fait. Toujours à gribouiller. On me jugeait perdu pour la chasse, abandonné à mes préoccupations obstinées, embarrassé par les esprits malfaisants… possédé… effigie troublée à protéger. Et pourtant, vivre et écouter une courre jusqu’au dernier encerclement, jusqu’aux cris triomphants de mise à mort par les chasseurs hors d’haleine, toujours excités après la frénésie d’une longue piste marquée d’impatience, de hurlements et de querelles sur le choix des traces à suivre, exaltation.
Je me plais aussi aux affûts silencieux. Immobile comme l’arbre, devenir arbre, ignoré des animaux, absent, même pour ce lièvre bien décidé à gîter entre mes jambes. Alentour, animation profuse en confidence : frisson d’un tremble, doux comme la flûte d’Aldhala ; bourdonnement de l’abeille insatiable couverte d’ocre au fond de son calice ; picorée d’un merle hardi venu fouiller sans gêne à mes pieds l’humus nourricier. Fusion confiante avec la terre des ancêtres. Certitude : permanence fragile, brefpassage, regai continuel.

Lueur, là-bas au bout de la dernière coulée étroite de la grotte. Reptation plus énergique, le sol

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents