Au fil de l oubli
243 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Au fil de l'oubli , livre ebook

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243 pages
Français

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Description

Sarah, Eveline, Mathilde, Méthyt. Quatre fragments de la vie d'un homme qui s'interroge sur son devenir, à l'aube de la vieillesse et face à un environnement dans lequel il ne se reconnaît pas. Déstabilisé par une rencontre insolite à l'origine, René va être conduit à se remettre en cause...Mais à quoi bon prendre le risque de l'autre au prix de sa tranquillité ?

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 juillet 2010
Nombre de lectures 40
EAN13 9782296262218
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0900€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

AU FIL DE L’OUBLI
Pierre de Poret


AU FIL DE L’OUBLI

Roman
Du même auteur


Les chemins de Virginie , L’Harmattan, 2002


© L’Harmattan, 2010
5-7, rue de l’Ecole-Polytechnique, 75005 Paris

http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr

ISBN : 978-2-296-12459-2
EAN : 9782296124592

Fabrication numérique : Socprest, 2012
à J. – M. P.
« La grande défaite, en tout, c’est d’oublier,
et surtout ce qui vous a fait crever,
et de crever sans comprendre jamais jusqu’à quel point
les hommes sont vaches. »
Louis-Ferdinand Céline (Voyage au bout de la nuit, 1932)

«… écrire, c’est distraire les hommes,
leur plaire en leur montrant ce qu’ils sont.
Donc, leur faire aimer ce qu’ils sont. [ … ] Car l’homme
naît dans le doute, il naît aveugle à ce qu’il est vraiment.
Le confirmer dans ce doute, c’est facile et bête.
La vraie tâche c’est de lui faire sentir les ressources
illimitées de l’humain. »
Joë Bousquet (Lettres à une jeune fille, 2008)

« J’ai toujours aimé le désert.
On s’assoit sur une dune de sable. On ne voit rien.
On n’entend rien. Et cependant quelque chose
rayonne en silence … »
Antoine de Saint-Exupéry (Le Petit Prince, 1945)
SARAH
« Je suis la promesse qui ne peut être tenue. »
Paul Claudel (La Ville, 1890)
Au fil de l’oubli… Les coffres du souvenir, alignés dans un bric-à-brac de pierre et de marbre, simples monticules ou monuments tarabiscotés, récemment fleuris ou apparemment délaissés. Au fil du temps… L’un et l’autre végétaient ici depuis une trentaine d’années. Il ne devait plus rien rester, seulement des débris mélangés à la terre. Et lui, immobile au milieu du ballet voltigeant des papillons de l’automne, cheveux blancs au vent, une bruyère dans les bras… Un demi-siècle les séparait et nombre de malentendus. Mais, avec l’érosion de l’âge, les nœuds s’étaient desserrés… Après avoir posé la plante et attrapé une brosse métallique, René s’était attaqué aux traces laissées sur la pierre par les pigeons, la pluie et le vent. Un léger toussotement. À plusieurs tombes de là, elle observait la scène. Sans y prêter attention, il avait continué à frotter vigoureusement.
Un deuxième toussotement plus proche. Relevant la tête et remarquant seulement des jambes fuselées, il l’avait fixée, bras croisés, pour lui signifier son agacement. Mais la voix légèrement chantante, teintée d’une pointe d’accent indéfinissable, l’avait décontenancé :
Excusez-moi. Je suis intriguée par tant d’énergie…
Pour un combat perdu d’avance ? Peut-être le souci d’agrémenter une prochaine villégiature.
Jolie idée !
Vous cherchez quelque chose ?
Sans qu’elle ait expliqué sa présence dans le dédale des tombes jonchées de feuilles rousses, ils avaient continué d’échanger questions sans réponses et réponses sans questions. Puis elle avait observé que l’heure du petit déjeuner n’était pas encore passée, avant de repérer la bruyère au milieu de l’allée.
Vous la laissez là ?
Et voilà comment, au moment où il ne l’attendait plus, Sarah était entrée dans la vie de René, devisant sur la mort dans le brouhaha d’un café médiocre du boulevard de Clichy, autour d’une tasse de chocolat et d’une corbeille de croissants. Jeune – elle devait avoir la trentaine, ou un peu plus –, élancée, de grands yeux ambrés, le nez un peu long mais fin, un grain de beauté à la commissure de lèvres pulpeuses. D’un mouvement fier et gracieux, elle avait rejeté de longs cheveux noirs sur ses épaules enveloppées par une grande écharpe de soie où René avait cru apercevoir la griffe d’Hermès.
Sarah lui avait demandé le sens de ce pèlerinage annuel. Que lui répondre ? Un dialogue, oui, un étrange dialogue avec ses parents, à travers la pierre et la terre. Le seul endroit où il ait vraiment communiqué avec eux. Plus que lorsqu’ils étaient là et de mieux en mieux à mesure que le temps passait…
Le regard tour à tour caressant et provocateur, pétillant et inquisiteur, elle avait chassé ses rêveries, essayant d’en savoir plus. Elle-même, évoquant seulement des antécédents scandinaves et anglo-saxons qui ne collaient guère avec son allure de princesse andalouse, avait éludé les questions :
Et vous, vos parents ?
Oh ! Moi…
Vous ?
Comme les vôtres, ils ne sont plus là, mais c’est autre chose.
Vous ne les voyez plus ?
Je viens de vous le dire.
Ses mains, longues et fines, avaient effleuré les siennes et la douceur de ce frôlement avait compensé la brusquerie de la voix et le regard ombrageux. La conversation avait continué sur un mode plus fluide, dérivant sur le sens des rites et des traditions, sa pugnacité s’opposant à la retenue de René. Il avait fini par y mettre un terme, baissant tout de même la garde en acceptant l’échange des numéros de portable, au prix d’un effort pour retrouver le sien.

Le portable ! Depuis bien longtemps, il ne sonnait plus et qui d’ailleurs en avait encore le numéro ? En fait, il était toujours éteint, mais René l’interrogeait de temps à autre, pour entendre inéluctablement la même réponse : « Bonjour ! Vous n’avez aucun nouveau message … » Cette fois, l’abonnement allait servir et, sans qu’il prenne le risque d’appeler, le rythme de la consultation allait s’accélérer. Jusqu’au quatrième matin : « Bonjour ! Vous avez un nouveau message … »

Non contente de s’être introduite par effraction dans sa vie, Sarah allait s’y installer, comme si elle avait toujours eu sa place. Bousculant le ronronnement huilé du quotidien de René, elle semblait prendre plaisir à fendiller son mur protecteur. Et il la laissait faire. Oh ! Tous les repères n’avaient pas sauté d’un coup. Mais il lui arrivait de ne plus prendre les infos en se levant. Pourtant, ce bol d’air mondialisé était bien pratique pour justifier de refermer les écoutilles après l’énumération des catastrophes, faits divers et autres mauvaises nouvelles… Il respectait ses engagements à l’association, mais en prenant des libertés avec la régularité et les horaires. Il faisait encore des apparitions au club de billard, mais plus espacées et aléatoires. L’ordonnancement bien réglé des parties bihebdomadaires se trouvait malmené par les fantaisies de Sarah et ses partenaires habitués à une ponctualité sans faille se mettaient à manifester leur irritation.
Une séance de cinéma inopinée, une visite d’exposition à bloquer, un petit restaurant à découvrir… Sarah débordait d’idées et, sans rien comprendre à cette inhabituelle malléabilité, René se laissait emporter par son tourbillon. Il partageait ses goûts et elle devinait les siens. Sans connaître son penchant pour les écureuils, elle l’avait emmené dans un parc où les petits rongeurs sautillaient à proximité des promeneurs et ils s’étaient amusés à suivre leurs ébats, s’attardant sur l’un d’eux qui jouait avec une pie. Elle réussissait aussi à l’entraîner dans des contrées nouvelles, un fascinant concert de gospel ou une balade en Vélib’ à travers des ruelles inconnues.
De temps à autre, il se demandait bien ce que Sarah pouvait lui trouver de particulièrement séduisant. Mais, glissant sur la question, il se laissait étourdir par sa vitalité. Et il ne voyait plus l’hiver approcher… Le côté insolite de la rencontre l’amenait seulement à jeter sur le papier un morceau de dialogue ou une image atypique, pour garder une trace sur un disque qui n’avait jamais été très dur…





En retard sur ses habitudes, il se hâtait lentement, songeant une fois de plus au sens d’un engagement qui datait maintenant de cinq ans. Mais aujourd’hui, Sarah était à l’origine de sa réflexion. Elle ne comprenait rien à cette organisation à tiroirs où une association nationale animait et coordonnait depuis des bureaux parisiens l’action d’associations départementales,

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