Brisure indienne
172 pages
Français

Brisure indienne , livre ebook

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172 pages
Français

Description

Une femmes d'affaires trop parfaite et trop seule se prend à rêver d'une autre vie au bord du Gange. Une tueuse professionnelle implacable débarque dans le Berry de George sand avec mission d'éliminer un séminariste. Un couple de clowns se déchire en direct sur la piste du chapiteau. Mais rien, bien sûr ne se passe comme prévu. Et le bien et le mal ne se cachent pas forcément là où on croit...

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 décembre 2011
Nombre de lectures 24
EAN13 9782296475779
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0700€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait


© L’Harmattan, 2011
5-7, rue de l’Ecole polytechnique, 75005 Paris

http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr
ISBN : 978-2-296-56678-1
EAN : 9782296566781

Brisure indienne

Photo de couverture : Thierry Perrin

Du même auteur

Roman historique

La dernière charge, L’Harmattan, Paris, 2008.

Roman policier

Blues en Beauce,Edilivre, Paris, 2009.

Jean-François Le Texier

Brisure indienne

Nouvelles

L’Harmattan

Allons enfants de la fratrie !
A Philippe,Catherine et Pascal

Brisure indienne

’allai, portée par l’air humidifié des eaux du Gange.
J
L’Inde me dévorait tout entière, absorbait mon esprit
jusqu’àl’inanition. J’étais étourdie par ses effluves épicés.
Il ne me restait que peu de temps avant de reprendre
l’avion pour rejoindre ma terre connue, la France.Etje
restai à cheminer sur la rive, les yeux fixés sur les
brahmanes qui prenaient à témoin la lenteur du temps
pour célébrer Shiva. L’un de ces hommes se tenait un peu
à l’écart, sur le bord du fleuve sacré. Il dénouait avec
méthode ses longs cheveux couleur charbon. Les hanches
ceintes d’un léger linge blanc, la peau hâlée de son visage
sévère tourné vers un horizon qu’il était seul à percevoir, il
émanait de lui une séduction animale. Je pensai aujaguar,
sans trop savoir pourquoi. Savait-il quelque chose de son
pouvoir érogène? Peut-être. Les brahmanes, disait-on
làbas avec ironie, se considèrent comme les seuls vrais
gardiens du panthéon hindou.« Ils nous prennent pour de
la merde», râlait Vikram, le guide que m’avait
généreusement octroyé sur ses deniers la filiale quej’avais
visitée etcontrôlée.Un seulaprès-midi deparenthèsepour
quatrejoursdevoyage etdetravail,trajetsd’avions
compris,jenevolais personne.
Jevis l’hommes’immergerau ralenti dans leGange.
Lamallette bourrée de dossiers,quejeserraisentremes

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bras à la manière d’une mère berçant un enfant malade, me
parut soudain d’une extrême vulgarité. Je la posai par terre
puis la repoussai du pied comme on écarte de sa route un
étron séché par le soleil. Qui avait tort, qui portait la
raison?Cet ascète végétarien dont chaque souffle semblait
dépendre d’un immuable rituel ? Ou bien moi, cette femme
à l’élégance discrète bien que travaillée, raisonnablement
perturbée par la chaleur, pertinente représentante d’une
société où les valeurs se comptaient en dollars virtuels?
Questions sans réponses, évidemment. Nous n’avions pas la
même perspective du monde, même si le sien, à ce moment
même, me troublait. Je sentais tous mes muscles tendus
comme la chanterelle d’une guitare andalouse. La tétanie
guettait chaque fibre de mon corps sans qu’aucune douleur
n’apparaisse. J’étais fascinée.Au-delà de l’homme baignant
dans l’eau sacrée, les absences de ma vie se révélaient dans
ce pays de digne pauvreté. Pendant quelques secondes,je
crus pouvoir rester là àjamais. Il aurait suffi de fermer une
porte, de couper le courant, de me laisser porter par le rejet
et l’oubli.Mon travail, ma vie parisienne, l’alcool, le sexe et
parfois quelques lignes de coke, bref tout ce quejepensai
jusque-là êtreleslumières de mesjournées n’étaient plus
qu’une pâle lueur halogène. Un artifice.Ces nanosecondes
me laissèrent comme nue, dépouillée des oripeaux
bourgeois-bohème qui habillaient ma vie de quadragénaire,
soit-disant bien dans sa peau.
Je fis un geste en direction de Vikram, qui attendait
patiemment une dizaine de mètres en arrière. Il comprit et
vint ramasser la mallette quej’avaiséloignée de moi. La
seule pensée de ces liasses de rapports et de notes qui

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donnaient sa substance au capitalisme bancaire et à ma
propre existence me conduisait maintenant tout droit vers
la nausée. J’avais gagné, certes. Mes patrons, aux corps
glissés dans des tissus coupés sur mesure à Londres et
Milan, seraient satisfaits.Alors pourquoi ce sentiment de
décalage ? Lajournéesentait ma findu monde.Finalement,
je compris.Shiva, Vishnouet tous leursavatarsavaient le
dos large.Dieux! Quelle complexité d’habiller lavie de
principesalors qu’onestenfind’amour.MisterX,le
baigneurbrahmane,quipriait sesdieuxdans le fleuve
nourricier,m’avait,sans lesavoir,ouvert les yeuxassez
longtemps pour me faire comprendrequel’hommequi
dormaitencemoment même dans son lità Paris ouà
Strasbourgneseraitbientôt plusdans mavie.
Jen’étais pas religieuse,mais j’en voulais quand
même à ceprêtre etàsonfleuve dem’avoir poussée àla
conscientisationdesamours mortes.Avrai dire,j’aurais
bien pris un peuderab d’ignorance etdesexe avant que de
virer l’eurodéputésocialistequitrompait sa femme avec
moi.Mais lemalétaitfait,la brisures’était mise en marche,
presquemalgrémoi.Amort le capitalisme !Amort les
maris socialisteset volages!Et tant pis sijeperdais le
minimumd’instabilitéquej’avais réussi à introduire dans
mavie de goldengirl (pourquoine dit-on pasfille e?n or
Le français neserait-il pas préférable?).Restaitàtout
consigner pourdonnerducontenuà cetabandon.Il me
faudraitécrire,mepréparer, fairelaliste deschosesàne
pasfairepourbien les oublierensuite.Pour toutdire,pour
tout vivre,j’avais levol retourdevant moi.

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Désolée de tout et de moi, pas encore ragaillardie
par ma décision,je fis letrajetderetouren silence. Vikram
conduisait prudemment, évitant les nids-de-poule qui
jalonnaient la chaussée. Le ciel se chargeait peu à peu de
gros nuages noirs. La région était en queue de mousson. Le
chauffeurjeta un regard dans le rétroviseur et me dit :
- Vous faites bien de partir ce soir. La radio annonce
un orage important pendant la nuit.Dans l’avion, vous
serez au-dessus.

J’ai toujoursaimé le luxe. Il fait partie de mes
péchés capitauxjuste devant l’envie, la gourmandise et la
luxure.Aussi, la classe affaires était le minimum acceptable
pour mes voyages «boulot ».L’avion ne possédait pas de
premières mais la «business »avait, sij’ose écrire, dela
classe. Fauteuilscossus,personnel discret et avenant, bref
un cocon velouté pour faire oublier que nous étions des
êtres fragiles qui s’accrochaient aux nuages. J’avais laissé
mes dossiers dans ma valise certainement entassée en soute.
Le brahmane avait embarqué sur mon épaule,toujours
aussilointain, débarrassé des contingences qui
obscurcissent la pensée des humains aussi terriblement
normaux que moi. Beaucoup adoptent un chien, un chat.
Moi, ce serait l’image d’un être consacré,toujoursà demi
nu. Son boulot consisterait à me montrer le chemin. Athée
par accident,je n’avaisjamais eu l’usage d’un ange gardien
aux cuisses roses, voletant en chemise de nuit. Un
brahmane ferait mieux l’affaire dans mon univers
passablement déglingué. Mais,justement,j’avaisbesoin de
lui pour mettre de l’ordre. Il m’aiderait.

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Le temps du décollage et de la montée,jeréfléchis
auxmots quej’allaisdirepourconclure ma séparation. Je
voulais une pensée ordonnée, une parole claire.En finir
simplement, proprement, sans faire souffrir. Le mieux que
puissent faire deux adultes responsables dont l’un, moi,
venait de se rendre compte qu’il s’était trompé de route.
Que le demi-tour s’imposait avant de se retrouver en pays
de détresse, c’est-à-dire nulle part! Tant que le signal
lumineux des ceintures de sécurité resta allumé,je fixaile
combiné téléphonique encastré dans le bras de mon
fauteuil. Je n’attendrai pas Paris et le décalage horaire. Je
romprai par téléphone et ne le verraijamais plus. Il n’y
avait pas de haine dans mes pensées,justelatranquille
certitude d’en avoir terminé.Et de la colère contre moi qui
jouaisà être une femme queje ne connaissais pas. Ma
réussite, mes amours libres et mes chaussures à quatre cents
euros m’avaient convaincue de ma supériorité

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