Ça barde et comment !
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Français

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Description

Jean Dormeur, journaliste à l’« Étoile du Soir » est bien décidé, au grand damne de son patron, à poursuivre son investigation sur le richissime et respectable Louis Plottier qu’il soupçonne d’un passé pas très glorieux.


Alors que le reporter se repose dans son bar attitré, une jeune femme l’aborde et lui donne rendez-vous, chez elle, une heure plus tard, pour lui livrer d’importantes informations pour son enquête.


Sur place, Jean Dormeur, avant d’être assommé, n’a que le temps d’apercevoir le corps sans vie de son « rencard »...


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Informations

Publié par
Nombre de lectures 0
EAN13 9782373476927
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0007€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

LES DESSOUS DE L'AGENCE GARNIER - 2 -
ÇA BARDE ET COMMENT !
de J.A. FLANIGHAM
I
— L'expression n'a pas dépassé ma pensée, non ! Je répète que tu es un jeune crétin prétentiard, et je... Georges Garnier poussa doucement la porte et, en un clin d'œil, situa la scène. Robert Laffitte, au bord de l'apoplexie, était aux prises avec Jean Dormeur, un des meilleurs reporters de l'Étoile du soir.
Laffitte, furibard, se tourna vers la porte et hurla
— Nom de Dieu, j'ai interdit l'entrée à... — Pas à moi, objecta Georges, suave, en s'avançant vers le bureau de son ami. Laffitte lui jeta un regard vide d'expression, haussa les épaules et revint à Dormeur : — Tu as bien entendu ? Tu laisses tomber Plottier et toutes ces satanées idées que tu t'es foutu en tête, ou alors...
— Non ! rétorqua Dormeur qui faisait un effort visible pour se dominer. Laffitte s'appuya des deux mains au rebord de son bureau, et le regard flamboyant se souleva lentement, ivre de fureur : — T'as dit non ? C'est à moi que tu as dit non ?
— J'ai dit non à celui que je supposais jusqu'alors être le plus loyal des rédacteurs en chef de la place de Paris. Je suis persuadé que Plottier est un salopard... J'ai tous les atouts en main... ou presque pour dévoiler au grand public un scandale sans précédent, je...
— Ta gueule ! fit Dormeur subitement livide et qui s'était laissé retomber brutalement dans son fauteuil.
Il regarda Georges sans le voir, passa un index légèrement tremblant sur son menton :
— C'est non ? — Non ! — Alors, je te fous à la porte !
Dormeur s'inclina. Il avait réussi à se dominer à partir du moment où Georges était entré dans le bureau, mais les traces de l'immense colère subsistaient encore dans l'éclat insolite de son regard habituellement morne.
— D'accord ! dit-il. Il regarda longuement Laffitte. Il y avait dans ce regard-là quelque chose de presque pathétique qui émut fugitivement Georges. — On se reverra peut-être, fit Dormeur.
— J'en doute ! rugit Laffitte.
Puis il eut un rictus et rectifia :
— Si... Mais certes pas où tu peux le supposer. Tu sais où je risque de te retrouver si tu continues à vouloir fourrer ton grand pif de fouine ur dans les salades de Plottier ? À la morgue, mon petit père. À la morgue ! C'est là que j'irai te dire bye-bye si tu ne reviens pas à une conception plus saine du journalisme et de...
— Vous m'avez flanqué à la porte ! La voix de Dormeur était suave, il y avait une note insolente dans le ton. Le tout contrastait étrangement avec l'apparence tranquille et le regard nerveux du journaliste. La colère, de nouveau, s'empara de Laffitte :
— Fous-moi le camp ! aboya-t-il en désignant la porte.
Lentement, Dormeur fit demi-tour et sortit de la pièce. Georges observa Laffitte qui respirait à petits cou ps pressés comme un boxeur après un round particulièrement âpre. — Alors ? dit-il en tendant son étui à cigarettes.
— Tout d'abord, gronda l'autre, je t'ai déjà dit je ne sais plus combien de fois que je n'aimais pas cette façon... peuh ! comment dirais-je... désinvolte, dont tu entres dans mon repaire.
Jo haussa les épaules
— Calme-toi.
Le détective tendit du feu à son ami, et ils fumèrent quelques instants en silence. Jo de temps à autre jetait un regard fugitif à celui qu'o n appelait dans le monde de la presse « le redoutable Laffitte ». — Et tout d'abord, commença-t-il, pour quelles raisons viens-tu de flanquer à la porte un de tes meilleurs reporters ? Un afflux de sang colora les pommettes du rédacteur en chef :
— Ce petit con a décidé de jouer les... peuh ! comm ent dirais-je... Don Quichotte. Monsieur prétend qu'à l'aide d'atouts venus d'Australie... à moins que ce ne soit de Bécon-les-Bruyères ou de Plougastel-Daoulas — il est à même de dévoiler toute la vérité sur le passé de Plottier...
— Louis Plottier ?
— Soi-même !
— Et après ?
Les maxillaires de Laffitte s'agitèrent spasmodique ment, et sa pomme d'Adam tremblota :
— Et après ? hurla-t-il. Il ferma son poing gauche et tapa violemment dans la paume de sa main droite : — Mon journal est un journal sain. Pas une feuille à scandales. Et, de toute façon, je ne veux pas mettre mon nez dans le passé de Plottier... — Menteur... ironisa tendrement Georges. Il approcha son fauteuil de celui de son ami, et, d'une voix subitement changée, le regard aigu : — Robert... De toi à moi... Pour quelles raisons ne veux-tu pas que Dormeur, poursuivre son enquête, hein ? Laffitte détourna les yeux, il écrasa nerveusement le mégot de sa cigarette : — je viens de te le dire ! — Pourquoi ? insista Georges.
Il ne fut pas certain d'avoir capté cet éclat de panique ou de gêne dans le regard de son ami, mais il fut stupéfait par l'âpre accent de sa voix lorsqu'il répondit, d'un ton qui n'admettait pas de questions superflues :
— Parce que c'est mon affaire !
II
Un sale crépuscule. Un crépuscule sombre et insinuant, comme Jean Dormeur ne les aimait pas. Il eut un sourire amer, et se répéta une fois de plus qu'il aimait et haïssait Paris avec la même ardeur. Les hautes maisons semblaient vouloir se rejoindre en une voûte inquiétante pour l'écraser, lui, le pauvre type, l'orgueilleux. Il avança plus vite, étreint plus que jamais par cette sensation indéfinissable d'angoisse et d'exaltation qui le tenaillait ferme depuis quelques jours. Il avisa la devanture éclairée duPaonlui faisait de l'œil et se demanda s'il qui obtiendrait ce soir quelques renseignements superflus sur Plottier. Dans son crâne surchauffé par mille pensées contradictoires, l'irritation de l'algarade avec Laffitte se mêlait, au sentiment exaltant d'avoir une tâche à accomplir. Il avait tellement bu depuis qu'il avait quitté l'Étoile du soir, en fin d'après-midi, qu'il ne savait plus très bien lui-même en quel sens les pensées tournaient très précisément. Il ne pouvait se répéter qu'une chose : il irait jusqu'au bout dans cette, histoire Plottier, ferait un papier du tonnerre qu'il vendrait au plus offrant. Ceci pour les projets immédiats.
Ce qu'il ne voulait pas assimiler encore, c'était c et immense écœurement qui s'était emparé de lui dès le moment où Laffitte, fou furieu x, l'avait convoqué dans son bureau pour lui interdire de continuer son enquête à la con.
Laffitte avait dit« enquête à la con ». Et comment Laffitte avait-il pu savoir que lui, Dor meur, était sur une histoire du tonnerre ? Et pourquoi Laffitte, l'homme le plus scrupuleux, le plus intègre que Dormeur ait connu jusqu'alors, s'était-il désolidarisé ? Dormeur introduisit une cigarette dans le coin de sa bouche et ricana, en grommelant pour lui tout seul, avec une amère délectation : « Parce que Laffitte est un vendu, comme tant d'autres. Je serai d'ici peu en mesure de prouver à quel point la campagne de corruption de P lottier touchait à des tas de domaines. Il a réussi à acheter Robert, comme tant d'autres... »
Robert, son ami. Celui qu'il appelait, aux heures de tendresse, « son père spirituel ». Celui qui l'avait fait ce qu'il était devenu : Jean Dormeur, un reporter coté. Celui qui avait pour lui des tendresses bourrues d'aîné indulgent.
Dormeur poussa la porte du« Paon ». Il savait maintenant qu'il n'était pas ivre d'alcool, mais de chagrin. Plus que tout, c'était l'attitude de Laffitte qui l'avait stupéfié.
Il s'accrocha à un tabouret, se hissa, regarda le barman sous le nez.
— Un double martini-gin.
— Personnellement, j'y vois pas d'inconvénient, rétorqua le barman sceptique après un coup d'œil désabusé sur le frisage chaviré de Dormeur.
Jean haussa les épaules, eut un sourire languissant , et, comme malgré lui, évoqua de nouveau Robert Laffitte. Par ricochets, ses pensées s'étendirent à Georges Garnier, et une idée se fit lentement jour dans son crâne embrumé. Pourquoi ne téléphonerait-il pas à Georges ?
Mieux que quiconque, celui-là était apte à lui donner un fichu coup de main dans cette histoire. Ceux qui avaient mis Jean dans le bain lui avaient laissé entendre qu'il ne manquerait pas de courir certains risques pour le cas où sa cu riosité revêtirait une forme trop envahissante.
Il sauta de son tabouret, se dirigea vers le fond d e la salle, demanda un jeton à la préposée au vestiaire, referma bruyamment la porte sur lui, et se mit en mesure d'aller dans le bottin à la recherche du numéro privé de cet énergumène qu'était Jo Garnier.
Comme il fallait s'y attendre, Georges n'était pas là. Jean Dormeur laissa un message, signifiant à la quinquagénaire bourrue qu'il avait contactée qu'il serait au« Paon » jusqu'à 21 h 30. Il sortit languissamment de la cabine en se disant, sans y attacher autrement d'importance, que c'était bien conforme à la personnalité de ce paillard de Garnier d'avoir une gouvernante ayant dépassé depuis quelques lustres les limites de l'âge canonique. Il retrouva son tabouret avec un sentiment d'étrang e réconfort et sourit à la brune pulpeuse qui se trouvait assise à sa droite. Elle répondit à son sourire par un regard de biais. Il se demanda si c'était un turf, conclut que non et sourit de plus belle. Alors, d'une étrange voix de basse, la fille questionna en tapotant l'extrémité d'une cigarette américaine sur son étui :
— Vous êtes bien Jean Dormeur, n'est-ce pas ?
Il était trop saoul pour s'étonner, approuva. — Je pense que nous pourrions avoir, vous et moi, u ne conversation très intéressante sur une histoire qui vous préoccupe présentement ! — Vous avez soif ?
— C'est commandé. Le barman déposait devant la fille un verre qu'une mixture étrange teintait curieusement. Jean sourit : — Alors, vous pensez que, comme ça, je puis être in téressé par une histoire, préoccupante. Elle approuva d'un mouvement de tête, et il admira fugitivement la forme de son cou. Un cou gracile et mince, plein de distinction. Le reste n'était pas mal non plus. L'éclat sombre des yeux noisette avait par instant une dureté bizarre que démentait l'épaisseur voluptueuse
d'une bouche charnue.
— Oui ! dit-elle.
Elle fumait nonchalamment, et à deux reprises son regard coulissé effleura Jean, qui se sentit brusquement désarmé par l'expression de ces yeux-là. La fille paraissait étonnamment au courant de tout ce qui le concernait. Elle lui aurait donné l'âge exact de sa grand-tante Eulalie que ça ne l'aurait pas autrement suffoqué.
Elle but une gorgée dans son verre, le reposa lentement : — Vous vous êtes fait flanquer à la porte de l'Étoile du soirentre 5 heures et 5 heures et demie, dit-elle d'une voix absente. Il opina : — Exact. Il se sentait beaucoup moins saoul et commençait par trouver l'histoire marrante. — ... Parce que Laffitte et vous n'avez pas du tout les mêmes conceptions de la curiosité... poursuivit-elle. — De plus en plus exact.
— Je reviendrai donc là où j'ai commencé : je puis vous fournir des tas d'indications sur l'enquête qui vous intéresse.
— Plottier ? Une fugitive lueur de panique passa dans le regard de la jeune femme : — Si vous croyez indispensable de hurler son nom !
— Prudente, hein ?
— Je tiens à ma peau. Elle avait curieusement dit ça, et Jean Dormeur la regarda avec un bizarre intérêt. — Chacun y tient plus ou moins, approuva-t-il, en pensant par ailleurs que sa remarque n'avait rien de transcendant. — C'est la raison pour laquelle je vous demanderai de me retrouver dans un endroit plus... discret. — Okay !
Il lampa la bonne moitié de son verre : — Où ? — Chez moi.
Elle sortit un calepin de son sac, écrivit rapidement, arracha une feuille, la tendit à Jean, qui jeta un coup d'œil rapide avant de fourrer le papier dans la poche de son veston.
— Quelle heure ?
— Ce soir, 10 heures, ça vous va ?
Il consulta son bracelet-montre ; il était 9 heures.
— On pourrait partir ensemble.
— Non, dit-elle d'une voix sourde, moi, d'abord. Vous me rejoindrez par la suite. — Okay ! Elle éteignit nerveusement sa cigarette à demi consumée, regarda dans le vague. Par instants, sa lèvre inférieure était agitée d'un tic qui remontait les deux coins de sa bouche et lui donnait une expression un peu machiavélique. Qu el âge pouvait-elle avoir ? pensa Jean. Entre 28 et 35 ans. Avec ce genre de fille, on ne sait jamais.
Elle soupira, prit son sac, sauta de son tabouret.
— À tout à l'heure ?
— À tout à l'heure.
Elle se dirigea rapidement vers la sortie, et, dans la glace, Dormeur admira sa silhouette mince. Un souple déhanchement prometteur. Le genre voluptueux. Qu'est-ce que ce genre de fille pouvait bien donner dans l'intimité ? pensa Jean, perplexe.
Il haussa les épaules, furieux de se poser des questions aussi futiles dans un moment pareil, et ne fut pas autrement étonné en reconnais sant dans la haute silhouette qui apparaissait à l'entrée du bar Jo Garnier, plus séduisant plus cynique, plus sûr de lui que jamais.
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