CHAGRIN NOMADE
128 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

CHAGRIN NOMADE , livre ebook

-

128 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Description

A travers trois histoires de jeunes Touaregs affleurent les usages d'une communauté célébrant autant la culture que la bravoure, la beauté que l'esprit. Pourtant, ces mêmes traditions qui subliment l'amour ne sont pas toujours tendres envers les amoureux, et gare à qui voudrait nager à contre-courant. L'auteur dépeint de manière saisissante une société de l'apparat dont il dévoile les contradictions de son écriture intimiste.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 octobre 2011
Nombre de lectures 11
EAN13 9782296468900
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0500€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

CHAGRIN NOMADE

Nouvelles


Sidi Alamine Ag Doho
CHAGRIN NOMADE

Nouvelles


Sidi Alamine Ag Doho
© La Sahélienne, 2011. Tous droits réservés.
Siège social : Bako Djikoroni Ouest
Bamako – Mali
E-mail : sahelienneedition@yahoo.fr
Tél. : + 223 66 79 24 40

ISBN : 978-99952-54-41-4
Dépôt légal : Bibliothèque nationale du Mali, 2011.

Caractères typographiques
Adobe Garamond Pro de Robert Slimbach
Lucida Sans de Charles Bigelow et Kris Holmes
Constantia de John Hudson

Conception graphique de couverture :
© ʘ IVO • Sandra Derichs
Correction et mise en page : Ségolène Roy


© L’H ARMATTAN , 2011
5-7, rue de l’École-Polytechnique ; 75005 Paris

http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr

ISBN : 978-2-296-56224-0
EAN : 9782296562240

Fabrication numérique : Actissia Services, 2012
LA DUNE VERTE


Les conflits récurrents font du Nord-Mali et de l’étendue sahélo-saharienne une zone de convulsions par excellence. Méconnaissance des cultures spécifiques, problèmes de développement, déficit d’intégration des diversités, les raisons en sont multiples.
Vaincre les idées reçues et engager un débat d’idées pacificateur sur cet espace suppose que soit documentée la mémoire des sociétés concernées.
La collection « La dune verte » veut y contribuer en favorisant l’émergence de leaders pacifistes et la connaissance de soi et de l’autre à travers le livre.
Tendé
Malgré la rareté des pluies des dernières années et l’appauvrissement des pâturages qui en résulte, l’espoir d’aller un jour au tendé* reste très fort chez Erachtane. Cette manifestation de la jeunesse, qui n’a lieu dans les campements qu’en hiver, dépend de l’importance des précipitations enregistrées pendant cette période. La hantise d’Erachtane et de tous ses compagnons d’âge, c’est de ne pouvoir y assister.
Y aura-t-il suffisamment de pluies pendant l’hivernage, cette année ?
Les animaux seront-ils suffisamment gras pour les dix mois que durera la saison sèche ?
Les jeunes auront-ils suffisamment de temps libre pour aller au tendé ?
Et à quel tendé ?
Erachtane et ses camarades rêvent surtout à celui dont jouent les belles filles du campement d’Ersane. Là-bas, elles sont cultivées, belles, courtoises, pleines de dignité et très convoitées par toute la gent mâle des campements environnants.
Dans les campements, les jeunes gens profitent de l’ahal*, du tendé et de l’iswat* pour nouer une liaison ou tout simplement engager une conversation avec une personne longtemps désirée comme amie. Il en est de même pour les jeunes filles.
Cependant, à Ersane, l’ahal se présente autrement. Tout s’y fait avec raffinement. D’abord l’ahal lui-même, les filles qui l’animent, les hommes qui y viennent et la cour qui s’y pratique. Et puis, comme pour marquer davantage la différence, parmi les femmes d’Ersane se trouve une coqueluche, une artiste, une vraie reine de l’ahal, du tendé et de la séduction : Adawlette. C’est le genre de fille dont tout homme rêve de faire d’abord une amie, puis une épouse qui égaiera un peu le décor monotone et atténuera les rudesses de ce Sahara où il ne pleut plus.
Belle à vous couper le souffle, elle est de celles que la nature a favorisées. Une tête comme celle de la madone de Léonard de Vinci, coiffée d’une très longue chevelure noire semblable aux crins des chevaux du chef de la tribu. Le visage éclairé par deux gros yeux ronds comme ceux des gazelles de Tazifé. Une bouche petite et fine, aux lèvres et aux gencives couleur d’ébène, assortie de jolies dents dont les formes minces et la couleur blanche et éclatante ressemblent à celles du riz étuvé. Les anges s’étaient semble-t-il attardés le jour de la conception de ce corps digne de la mythologie grecque, enveloppé dans une peau lisse et sans cicatrices, avec cette couleur de foie frais qui n’échoit qu’aux êtres bénis. Comme ces familles maraboutiques qui affirment être descendantes du prophète Mahomet et expliquent ainsi le mystère de la couleur de leur peau et l’étendue de leur savoir en plein Sahara.
Adawlette était aussi belle qu’elle excellait à chanter et à animer l’ahal, défiant toute concurrence à cinq jours de chameau à la ronde. Elle possédait une culture immense, de celle que de telles créatures acquièrent d’abord auprès de leur mère, qui leur apprennent à devenir de jeunes filles et futures femmes sur qui reposeront toute la dignité et la fierté de la famille - tandis que leur sœur vaquera aux travaux pénibles du ménage et répondra aux désirs de l’heureuse élue, et plus tard auprès des hommes qui ne confient leurs connaissances et leurs secrets qu’aux dames de renommée. Il suffit de savoir écouter ces hommes toute une nuit pour amasser un trésor de conseils, de jeux, de poèmes, de hauts faits d’armes et de bravoure plus ou moins véridiques selon l’honnêteté ou la vanité du prince charmant. L’essentiel est d’avoir le courage de parler et la chance d’être écouté. Car la coutume voudrait que les belles, du fait qu’elles ont reçu cette éducation particulière, soient respectueuses. Ainsi, la société exige d’elles un comportement exemplaire face à n’importe quel interlocuteur, quel que soit son âge ou sa classe sociale. Il arrive à ces baronnes sauvages d’avoir des caprices, comme celui de ne vouloir parler qu’à ceux qu’elles ont choisis comme étant dignes d’écouter ou de parler avec la « Leïla » du moment.
Cette année, Erachtane est inquiet. La sécheresse qui sévit dans le Nord a fait descendre les Kel-Affalas* vers cette région du Sud. La concurrence à l’ahal est rude. Les nouveaux venus sont beaux. Ils ont cette allure fière propre à leur zone, où les hommes sont grands, élégants, galants et ont une fine connaissance de la science de la séduction.
Tous ces enjeux donnent de sérieuses raisons à Erachtane de redouter la prochaine séance du tendé et de l’ahal. Manifestations où la jeunesse s’illustrera lors de concours et de ruses de toutes sortes. Il y aura l’iswat, où l’on appréciera le meilleur danseur, le hido*, pour le meilleur lutteur, le takrikara, jeu nomade qui ressemblable à s’y méprendre un violent hockey sur sable, sans limites de terrain ni règlements où tous les coups sont permis pour le meilleur coureur, le tikwa et le darah, sortes de damiers ou de jeux d’échec, pour le meilleur joueur, et enfin, le tendé, pour la parade et la randonnée des chameaux.
C’est cette dernière étape qui préoccupe Erach-tane. Si les autres sont sélectives et élitistes, et donc moins appréciées du public, le tendé, lui, est aussi populaire que l’est le football dans les villes. Il donne lieu à une préparation physique et mentale et exige des moyens matériels particuliers. Il faut avoir un beau chameau docile, capable de supporter une course effrénée de plusieurs kilomètres, dont le but est de faire parvenir l’objet pris à un tendé – en général une parure de femme ou son voile de litham* – à un autre tendé.

Socialement, Erachtane n’est pas malheureux. Ses parents sont relativement aisés, même si sa famille n’est pas perçue comme riche dans la mesure où les animaux ne sont plus considérés comme une richesse au Sahara, comme ils l’étaient au bon vieux temps.
Sur le plan physique, Erachtane est un charmant garçon. Il est respecté et aimé par les filles de son campement. Elles apprécient surtout sa correction envers les femmes et ses connaissances. Si elles ne lui pardonnent pas de préférer l’ahal d’Ersane à celui de son campement, c’est par pure jalousie. Elles savent qu’il n’est qu’un prétexte pour aller voir Adawlette, à qui elles n’ont jamais pardonné les multiples dons que Dieu a bien voulu lui accorder. L’attention de tout un monde se focalise sur la perle des vallées de Tarantare, Amad Joual, Djinoun, Andabakor…
Erachtane est un gentleman. Il sait comme tous les jeunes de son âge que l’amour et l’estime qu’il éprouve pour Adawlette peuvent paraître insignifiants à ses yeux. Mais la loi de l’ahal veut que les hommes ne perdent jamais espoir : les sentiments d’une femme envers eux, qu’elle soit mariée ou non, peuvent changer un jour. Riche de cet enseignement, Erachtane se montre patient, pour prouver à Adawlette qu’il ne la désire pas, mais qu’il l’aime, différence d’une grande importance pour les femmes de tous les campements. « Celui qui m’aime ou celui qui me désire ! Je ferai la différence. Le premier saura patienter pendant des années pour me toucher le ventre. Le second, quant à lui, baissera son pantalon &#

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents