Choix de vies. Nouvelles
47 pages
Français

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Choix de vies. Nouvelles , livre ebook

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47 pages
Français

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Description

Choix de vies relate le parcours de vie de personnages de milieux et d'horizons divers, devant faire des choix face aux vicissitudes de la société moderne et aux pesanteurs sociales héritées de nos traditions séculaires, dans une Afrique en pleine mutation aux plans social, culturel et économique.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 02 juin 2015
Nombre de lectures 4
EAN13 9782336732299
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0500€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
4e de couverture
Titre
B AH K EÏTA









C HOIX DE VIES
Copyright


























© L’H ARMATTAN , 2015 5-7, rue de l’École-Polytechnique ; 75005 Paris
http://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattanl@wanadoo.fr
EAN Epub : 978-2-336-73229-9
L E DERNIER SOUPIR DE S ARATA L’ordonnance de la délivrance
1.
Ce soir-là encore, la lampe tempête était restée allumée toute la nuit. C’est la deuxième nuit consécutive qu’il se retourne sur son lit sans trouver le sommeil. Et comment pouvait-il dormir alors qu’il était sur le point de prendre une aussi importante décision ? Comment en parler à sa femme, sans pour autant laisser apparaître des signes de faiblesse ? Depuis deux lunes, il usait de subterfuges pour ne pas dormir avec sa femme dans la même case, car il devait se préparer à faire face à ce qui pourrait être la plus grande épreuve de sa vie.
L’appel du muezzin le surprit dans ses réflexions. Karamoko se leva, et sortit de sa case pour aller faire ses ablutions. Le courant d’air frais venant du fleuve lui apporta une indicible sensation de bien-être, car l’aube pour lui était toujours comme une renaissance du monde.
Après les ablutions, il entra de nouveau dans sa case, porta un grand boubou, puis, après avoir éteint la lampe et soigneusement refermé la porte de la case, il partit répondre à l’appel à la prière.
La mosquée était à moins de trois cents mètres de chez lui. Depuis l’époque où il accompagnait son père à la prière, il s’était habitué à compter le nombre de pas entre la maison et la mosquée. Mais ce matin, il n’avait pas la tête à cela. Il ne sentit même pas la distance. Quand il fut sur le point de pénétrer dans l’enceinte de la mosquée, il entendit au loin un chant de coq. Ce chant lui sembla être un cri de détresse. Karamoko secoua la tête, puis entra dans la maison du Seigneur.
Après la prière, il serra la main de l’imam, échangea quelques salamalecs avec les notables puis sortit. Il se sentit incapable de se souvenir des sourates que l’imam avait récitées.
Il décida de faire le tour du village. Et curieusement, pour la première fois, il remarqua à quel point l’habitat traditionnel cédait de plus en plus la place au modernisme, ce qui crée par endroits une sorte de disharmonie. Les cases et les habitations en banco et en dur, construites dans un cadre parfois sans normes, donnaient au village de Fallata un aspect hétéroclite.
Bientôt la nature reprendra ses droits, à travers le lever du soleil, les ramages des oiseaux, le murmure du fleuve et les bruits des habitants matineux allant affronter, au petit matin, leur vie de labeur.
Contrairement à son habitude, Karamoko décida de prolonger sa marche jusqu’au cimetière du village. Il y allait chaque fois qu’il désespérait des hommes. Il pouvait y passer des heures à parler, comme s’il voulait prendre les anciens à témoin. Dès qu’il franchit la porte du cimetière, il alla directement sur la tombe de son père pour se recueillir.
L’hivernage était à son début, l’herbe avait commencé à pousser sur les tombes. Après un long silence, il voulut confier son secret à son père, mais se ravisa. Il avait honte de ce que son père, même mort, pourrait penser de lui.
À Fallata la tradition et la coutume constituent le socle de l’organisation sociale des habitants. En tant que chef de village, il avait la lourde charge de veiller au maintien de cette tradition. Il souhaita un instant être mort et enterré plutôt que d’avoir à affronter cette situation.
Le cri d’un charognard perché sur le seul baobab du cimetière le fit sursauter. Il regarda autour de lui et aperçut les premières lueurs du soleil. Il ne savait plus combien de temps il était resté seul dans cet endroit en compagnie des morts. Il se releva et sortit du cimetière.
En cours de route, Karamoko entendit au loin le bruit de femmes qui allaient certainement au fleuve pour faire le linge. Il s’arrêta comme pour écouter ce qu’elles disaient. Mais au fur et à mesure qu’elles s’éloignaient, leurs conversations lui semblaient se disperser dans l’air volatil. Il se résolut à continuer son chemin. Il croisa, quelques pas plus loin, des cultivateurs, armés de houes, qui allaient au champ.
Quand il fut sur le point d’entrer chez lui, il aperçut sa femme, un seau à la main. Il se dit qu’elle allait sûrement à la seule borne-fontaine du village pour puiser de l’eau, puisque le puits de la maison n’avait pas encore assez d’eau malgré les premières pluies.
Sa femme vint vers lui, fit une génuflexion en guise de salutation. Elle remarqua qu’il n’avait pas bonne mine ; ses yeux étaient creux. Karamoko lui dit :
– Soukeyna, trouve-moi dans ma case quand tu auras fini de puiser de l’eau, j’ai à te parler.
Puis, sans attendre la réponse de sa femme, il s’éloigna d’un pas rapide.
Soukeyna fut prise de panique. En trente ans de mariage, Karamoko ne lui avait jamais parlé avec un air aussi grave. Quelque chose n’allait certainement pas. Elle se dit que son comportement des deux derniers jours avait quelque chose à voir avec ce qu’il voulait lui dire. Elle pensa un instant que peut-être Karamoko voulait prendre une seconde épouse. Cette éventualité la fit trembler de tout son corps. Pour se rassurer, elle se laissa convaincre que son époux devait être souffrant.
Durant tout le trajet, elle essaya de deviner ce qui devait préoccuper à ce point son mari. Puis, elle préféra ne plus y penser. Soujeyna fit aussi vite qu’elle pouvait, pour ne pas prolonger le supplice.
Après avoir rempli le canari, elle alla voir son mari. Elle le trouva allongé. Karamoko se releva et s’assit sur le lit. Sa femme, ne sachant si elle devait rester debout ou s’asseoir, hésita un instant puis s’assit à même le sol. Karamoko commença sans protocole la conversation, en fixant sa femme du regard. Celle-ci baissa la tête.
– Soukeyna, depuis deux nuits, je n’arrive pas à fermer l’œil. Une grande infamie est sur le point de s’abattre sur notre famille et je suis dos au mur.
Karamoko marqua une pause. Il semblait laisser à sa femme le temps de digérer cette première approche. Il était content de sa façon d’introduire le débat. En regardant sa femme, il était presque convaincu qu’elle ne se douterait point que ce qu’il allait dire le blessait au plus profond de lui-même.
Pendant ce temps, mille et une idées se bousculaient dans la tête de sa femme. Mais elle venait au moins d’avoir la certitude que Karamoko ne voulait pas lui trouver une coépouse. Son mari continua :
– Ton fils Assane veut poser un acte qui va ternir à jamais notre réputation. Avant-hier matin, avant qu’il ne reparte, j’ai discuté avec lui. Je l’ai informé que son oncle Boureima et moi avions décidé, puisqu’il doit commencer à enseigner cette année, de lui donner sa cousine Rougui en mariage. Tous les autres membres de la famille sont d’accord sur le principe. Mais Assane soutient qu’il ne veut pas de ce mariage, car il a déjà rencontré la femme de sa vie. Qu’est-ce que la famille de Rougui va penser de moi ? Un père qui n’a aucune autorité sur son fils. Et en tant que chef de ce village, je ne tolèrerai pas son refus.
Il fit une autre pause, comme pour réfléchir sur la manière dont il devait introduire ce qui le tracassait le plus. Il savait qu’il pouvait trouver, peut-être difficilement, un moyen pour faire comprendre aux parents de Rougui qu’Assane ne voulait pas épouser leur fille. Cependant le choix d’Assane était injustifiable.
Soukeyna, de son côté, resta silencieuse. Elle comprenait la position inconfortable de son époux. Elle secoua la tête en signe de désapprobation du comportement d’Assane.
– Soukeyna, ton fils veut épouser Sarata la fille du cordonnier. A moins que je ne sois mort et enterré avant, mais ce mariage n’aura jamais lieu. C’est le seul fils que nous avons, et je n’accepterai pas qu’il m’humilie ainsi, devant tout le monde. Prends tes responsabilités et parle à ton fils. Sinon, tu sais bien que ni toi ni moi ne pourrons l’aider, quand il sera maudit par la famille.
Sur ce, il se leva, sortit de la case, prit sa daba et partit aux champs. Soukeyna resta encore là, assise, perdue dans ses pensées. Elle souhaita que tout cela ne fût qu’un mauva

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