Comme une aube encore barbouillée de nuit
256 pages
Français

Comme une aube encore barbouillée de nuit , livre ebook

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256 pages
Français

Description

Après une adolescence marquée par une relation incestueuse à son père, Virginie a cherché dans un mariage sans amour le confort d'une anesthésiante routine et s'est peu à peu pétrifiée. Une parole de son mari la tire de sa léthargie et la pousse à trouver refuge en Corse. Loin de lui apporter l'apaisement, sa fuite réveille la douleur qu'elle avait réussi à endormir. Une double rencontre, celle d'un site préhistorique et celle d'un archéologue, lui permettra peut-être de ramener la vie dans son corps et de reprendre les rênes de son destin.

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Informations

Publié par
Date de parution 02 septembre 2017
Nombre de lectures 8
EAN13 9782140043987
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

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Extrait

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Christiane CharvetBernard
Comme une aube encore barbouillée de nuit
/ Littérature
Rue des Écoles
Roman
Rue des Écoles Le secteur « Rue des Écoles » est dédié à l’édition de travaux personnels, venus de tous horizons : historique, philosophique, politique, etc. Il accueille également des œuvres de fiction (romans) et des textes autobiographiques. Déjà parus
Monterey (Emmanuel),Opération contre-jour, roman, 2017. Jouin (Bernard),Les Ruines en Héritage, roman, 2017. Gayet (Jacques),Oujda ou une enfance marocaine, récit, 2017. Wallet (Jean-Marie),Le Zouave, roman, 2017. Cambrelin (Jean-Jacques),Les truculentes et merveilleuses aventuresde notre Papy, récit, 2017. Kalifa (André),Le turbot de Domitien, roman, 2017. Marin (Agnès),Sous l’amandier en fleur, roman, 2017. Allein (Aurélie),Maman de triplés : trois pas vers la folie, récit, 2017. Guichard Morin (Isabelle),Voyage initiatique sous le Tropique du Cancer, roman, 2017. Dubau (Christian),L’adoption de Sylvie au Burkina Faso, récit, 2017. Vennat (Francis),Moi, Lucie, 17 ans en 1939, récit, 2017. Delatour (Jacques),Mon village à l’heure allemande revisité, récit, 2017. Ces douze derniers titres de la collection sont classés par ordre chronologique en commençant par le plus récent. La liste complète des parutions, avec une courte présentation du contenu des ouvrages, peut être consultée sur le site www.harmattan.fr
COMME UNE AUBE ENCORE BARBOUILLÉE DE NUIT
© L’Harmattan, 2017 5-7, rue de l’École-Polytechnique, 75005 Parishttp://www.editions-harmattan.fr ISBN : 978-2-343-12300-4 EAN : 9782343123004
Christiane Charvet-Bernard
Comme une aube encore barbouillée de nuit
Roman
Du même auteur
Une voix s’est tue. Parlons, L’Harmattan, 2017.
Chapitre I
Elle est assise au bord de la mer. Elle a les jambes repliées et elle a enroulé ses bras autour de ses genoux. Elle ne sait jamais que faire de ses bras quand elle ne s'en protège pas la poitrine. Elle regarde mourir les vagues dans la lumière déclinante de mai. Lorsqu'elle est arrivée, le soleil n'était qu'une virgule rouge avalée par la brume mauve de l'horizon. Elle s'est recroquevillée dans un trou de rochers et, immobile, elle a contemplé le lent violissement des eaux. La petite crique, refermée sur elle par deux avancées rocheuses, est déserte. Parfois, une lame plus forte que les autres gifle le granit. Son fracas, presque douloureux, émiette alors l'harmonie lancinante du silence. Elle songe qu'aux grandes marées de novembre l'endroit où elle se tient doit être submergé par de hautes vagues en furie. Le sentiment de quiétude qu'elle ressent à la vue de ce flux et de ce reflux bruissant des flots ne dure jamais. Elle finit toujours par imaginer un déferlement brutal de cette eau qui s'abat sur elle et, au gré de sa colère, roule son corps comme du vulgaire varech. Cette image prend une telle ampleur qu'elle se sent presque arrachée à son trou de rochers, projetée contre les parois minérales qu'elle a crues protectrices. Sa tête heurte inlassablement la digue au rythme des vagues. Le chant de la mer l'envahit : crispé comme un poing dans son ventre, il ballotte son cœur qui s'endiable à son tour. Impitoyables, les flots vont et viennent en elle, la labourent, la noient. Elle veut se secouer mais la paralysie la cloue contre la pierre. Elle ne peut que resserrer
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l'enroulement de ses bras autour de ses genoux. L'angoisse laréduit à n'être plus qu'un cri de douleur. La mort est là. Elle la palpe comme elle palperait une chair molle de calamar ou de méduse. Elle ne fait plus qu'un avec cette matière gélatineuse. Elle est sa propre mort. Fascinée, elle l'écoute se frayer un chemin dans ses veines. Illui semble déjà sentir l'odeur de décomposition qui émane des lieux autant que de sa peau. Elle imagine qu'elle se lève, qu'elle se précipite au-devant de cette eau, prélude à son anéantissement. Elle se plonge en elle pour en finir au plus vite avec cette terreur qui la tenaille sans cesse et ne lui laisse jamais de répit. Elle ne bouge pas. Elle serre les dents et se rétracte davantage jusqu'à n'être plus qu'une boule dure de matière. Elle s'efforce de respirer lentement, profondément, posément, de se remplir de cet air que les eaux lui volent. Presque à son insu, elle se met à compter les vagues qui, indifférentes, continuent à déferler à ses pieds. Vingt-cinq, vingt-six... Elle s'arrête, perplexe : cette langue noire brodée d'écume est-elle une vague ou le simple soubresaut de la précédente ? Elle s'affole. Sa vie est suspendue à ce compte ; il est la digue qu'elle élève entre l'eau et elle. Si elle se trompe dans son calcul, elle sera engloutie. A la hâte elle recommence à zéro. Elle tisse un fil de chiffres et s'en fait un cocon. Elle n'a pas vu arriver l'homme. Attentive à se prémunir contre le danger qui lui vient de la mer, elle tourne le dos au reste du monde et l'a oublié. Seul ce qui est sous son regard existe. Il a surgi de la ouate crépusculaire comme un fantôme venu soudain prendre corps entre elle et les flots.
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Elle songe que sa mort aura cet homme pour témoin, que cet étranger va accéder à la part la plus intime de son être et son angoisse atteint son apogée. Elle prend peur de cette présence à la fois immatérielle et terriblement humaine qui fait irruption dans ce monde de silence. Des images familières reviennent la hanter : chien fou que le rut aveugle, l'homme va se jeter sur elle en haletant. Elle se débattra tandis qu'il lui arrachera ses vêtements d'une griffe impatiente. Le danger change de visage. Il la quitte pour se cristalliser dans ce corps mâle si proche d'elle. La peur la délivre de son angoisse. Les battements de son cœur ralentissent et son enroulement retrouve un sens. En se préparant à se défendre d'un viol, elle reprend possession d'elle-même. L'homme ne semble pas l'avoir aperçue. Il déambule nonchalamment au bord de la mer. Sa silhouette couleur nuit se confond parfois avec un éperon rocheux avant d'émerger, nette, sur un ciel pâli d'étoiles. Tapie dans l'ombre, elle attend qu'il la découvre et bondisse. Il ne la regarde pas une seule fois. Insensiblement elle se redresse. Seules ses mains à présent reposent sur ses genoux. Elle ne lâche pas l'homme des yeux. Dans le clair-obscur illusoire de reflets argentés qui arrachent la crique à la nuit, il lui paraît très grand, filiforme. Araignée géante humanisée par un savant fou, il va venir vers elle de son pas silencieux, légèrement déhanché. Il rira cruellement avant de l'enserrer dans ses tentacules et de piquer sur sa bouche. Il ne prête aucune attention à elle. Alors, peut-être déçue de ne plus ressentir le danger, inquiète de voir revenir ses angoisses déviées par cette présence insolite qui s'interpose entre elle et sa mort, agacée par
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