Cruel dimanche
159 pages
Français

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Cruel dimanche , livre ebook

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159 pages
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Description

Que reste-t-il de la passion d'une vie le jour où l'un des protagonistes s'en va, pour toujours ? Destin et rencontre, explosions et déchirement, hasards et volonté. La rencontre de deux êtres si semblables et lointains à la fois va complètement modifier le cours de leur vie intérieure... L'auteur nous livre là un recueil de textes courts qui s'imbriquent à la manière d'un puzzle et dévoilent, progressivement, le sentiment amoureux sous toutes ses formes, de sa naissance à sa vie et de sa mort à sa potentielle résurrection.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 octobre 2009
Nombre de lectures 162
EAN13 9782336253831
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0600€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Cruel dimanche

Kristina Manusardi
© L’Harmattan, 2009
5-7, rue de l’Ecole polytechnique, 75005 Paris
http://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr
9782296098657
EAN : 9782296098657
Sommaire
Page de titre Page de Copyright Dedicace Chapitre I Chapitre II Chapitre III Chapitre IV Chapitre V Chapitre VI Chapitre VII Chapitre VIII Chapitre IX Chapitre X Chapitre XI Chapitre XII Chapitre XIII Chapitre XIV Chapitre XV Chapitre XVI Chapitre XVII Chapitre XVIII Chapitre XIX Chapitre XX Chapitre XXI Chapitre XXII Chapitre XXIII Chapitre XXIV Chapitre XXV Chapitre XXVI Chapitre XXVII Chapitre XXVIII Chapitre XXIX Chapitre XXX Chapitre XXXI Chapitre XXXII Chapitre XXXIII Chapitre XXXIV Chapitre XXXV Chapitre XXXVI Chapitre XXXVII Chapitre XXXVIII Chapitre XXXIX Chapitre XXXX Chapitre XXXXI Chapitre XXXXII Écritures
L’auteur tient à adresser ses remerciements pour leur aide précieuse à Gérard Maillot, Bruno Lagrange, Gianmarco et Mirjana Manusardi.
À Jean, Margaux et Louise
Chapitre I
Cruel Dimanche
I l y a le banc face à l’East River. Je porte mon vieux jean, mes baskets, son T-shirt long comme une robe d’été. Le mien avait dû valser dans la nuit caniculaire en boule humide derrière quelque rayonnage, il a dû s’évanouir dans l’air moite, il a tournoyé au rythme de nos souffles, s’est pâmé dans l’espace désir, unique témoin de ma présence en ce lieu désormais interdit.
Morceau de tissu blanc, chiffonné, ma deuxième peau empreinte de « l’air du temps », moule de mon torse généreux — alias rempart — cette nuit-là délivré de ma cage thoracique en feu.
La fulgurance d’un acte ne laisse pas un souvenir précis. Plutôt un amoncellement de sensations diffuses dans l’éphémère. La scène est filmée en plan séquence. Pas d’arrêt sur image. Mes recherches sont éperdues. Je sais l’ambiance, j’en ignore la précision.
Avant, il y a eu une très longue soirée, la course folle d’un taxi à travers le parc. A-t-il parlé devant la maison ? Ai-je franchi le seuil déjà pieds nus ?
Sur le banc, silence.
Ce sera possible, je touche la chair de sa paume ; vais-je espérer une durée, un tout ? J’ose ; oui, j’ose et mon esprit s’en va flirter avec le terrifiant concept du bonheur. Je cherche un mot pour qualifier cette béatitude. Ce mot, il vient de très loin. Moi, étrangère à la félicité, inculte, ignorante face à l’espérance.
Mon audace m’immobilise, mon âme dérive du côté du soleil, il arrive ce mot, les lettres sont gigantesques, une lumière m’épouse, c’est l’heure du “bonheur”. En une fraction de seconde, son corps s’est décollé du mien. La planète terre me rappelle à l’ordre. Ma main est sur ma cuisse. Elle n’a pas dérivé d’elle-même. Mon geste a été mécanique, causé par l’éloignement soudain de son corps. Le concentré de mes pensées explose, mon regard se détourne de celui du paradis, je vois son profil, il est seul maître à bord. Ma place est nettoyée en moins d’une minute. La lucidité m’enveloppe, la réalité me statufie. L’amertume, plus tard.
Désormais, je sais que tout futur amoureux sera empreint de ce dépit-là, cette désillusion-là, toute idéalisation, source d’échec programmé. Avoir frôlé l’état de grâce à l’âge de tous les possibles, en quelques heures est ma perte. Il ne s’agit pas là d’une extase fugitive, il s’agit d’entrevoir la vie même autrement, d’abolir les démons dévastateurs de ma mémoire ancienne.
À l’aube, je lâche prise en poussant ce cri, sonorité de l’agonie, plainte proche de l’animal mourant. Les quatre murs de la salle de bain exiguë m’emprisonnent, mes bras sont accrochés à la cuvette blanche immaculée et accroupie au sol, je hoquette, hagarde, définitivement seule. Ces minutes magistrales assassinées plombent mon cerveau, elles accaparent mon esprit réduit en miettes.
Plus tard, sur scène, mes larmes jaillissent, Lady Anne frôle le corps de son défunt époux. Je peux enfin, en toute liberté, hurler, éjaculer mon irrémédiable souffrance, tordre mes membres meurtris, m’allonger sur cette dépouille imaginaire. Je suis cercueil, lambeaux, veuve, fleur fanée avant d’éclore, improbable chose. Me lever, rester digne dans la décrépitude. Le public face à moi n’a qu’un seul visage, celui du traître, qui me regarde mais ne me voit pas.
Le rideau tombe, tel un couperet. Mon visage ressemble à un masque craquelé par le sel des larmes mélangé à la poudre de riz blanche, bleui, noirci par le maquillage dégoulinant de mes paupières gonflées. Ma laideur me réconforte, la tragédie s’y inscrit et loin de me complaire de cette macabre vision, j’ébauche une grimace clownesque, pathétique, emblème de la femme oscillant entre la folie et l’incohérence de l’existence.
Je marche longtemps, la chaleur nocturne m’enveloppe, je me sens au ralenti, j’erre, je refuse l’alcool — trop facile — je suis déjà droguée d’épuisement, je monte péniblement les cinq étages, mes récentes insomnies me conduisent droit devant le matelas du sol, je m’effondre, boule molle et je prie pour que le jour n’arrive pas trop tôt.
Ainsi, continuer de voguer avec mes héroïnes de lieux improbables en lit sitôt connu sitôt quitté ? Me vautrer dans les faux semblants, conquérir l’absolution dans les paroxysmes du jeu, exceller dans la tromperie, volage à souhait, me perdre et effacer mes empreintes ? Le voyage sera long vers l’oubli. La traversée de mon court passé, quelques rencontres salvatrices afin de ne pas plonger, survoler mécaniquement le présent et peut être voler vers un futur utopique. Le bel avenir. Rêver de faire table rase de l’omniprésent passé et le poids de mes voyages intérieurs m’anéantit. Je me suis trompée bien avant que l’on ne me trompe.
Chapitre II
Key Biscayne
P as l’ombre d’une ombre en bas. Je bois mon thé lentement. J’ai tout mon temps. J’ai quitté la ville frénétique la veille. Le décalage horaire m’a fichu la gueule de bois. Du sable blanc, des palmiers sur des kilomètres de côte, la pureté du bleu alentour m’éblouit. Sur cette presqu’île, les autochtones ne plongent que dans le turquoise de leurs piscines. Je suis sûre, sur la plage, d’avoir la paix. Je contourne les bassins javellisés décoratifs de la propriété menant à la mer.
Il y a bien une silhouette masculine immobile vue de l’eau. Je remarque qu’elle se rapproche chaque jour d’avantage. Je nage sur le dos de manière à ne pas l’avoir dans ma ligne de mire. Cette présence, néanmoins, m’intrigue. Elle semble me fixer.
Un matin, j’enroule un morceau de tissu autour de ma taille et au moment d’ouvrir la barrière, presque malgré moi, je me retourne. Il est assis sous une pagode, un livre posé sur les cuisses. Je cligne des yeux, le soleil, à son zénith, m’empêche de distinguer ses traits. De retour en haut, je me penche à la terrasse instinctivement. Plus personne.
J’ai bouclé mon sac et réservé un taxi pour midi. Soudain, je rouvre la fermeture du bagage et extirpe mon maillot. Sans même regarder par la fenêtre, je déboule. Je l’aperçois au loin, marcher les pieds dans l’eau dans ma direction. Je me jette dans la vague et décide de sortir au moment où nous deviendrons synchrones. J’ai nagé trop loin, je ne vois que son dos. J’accélère mes mouvements. Avant de retourner à sa serviette, il fait demi-tour et m’observe particulièrement. Le pas chancelant, je me dirige vers son sourire. Charismatique à se damner. Mes pieds sont enlisés dans le sable. Je souris à mon tour. Les secondes défilent et nos yeux ne se dérobent pas. Il ébauche un geste du bras, le mien, idem. La porte du jardin claque, passe à mes côtés une belle femme, surprise par nos postures. Je m’éclipse vivement et je sens alors, dans mon dos, une chaleur inouïe.
Dans le taxi, songeuse, j’imprime cette scène incongrue, ce visage basané de Cheyenne et la certitude rocambolesque de retrouvailles s’insinue dans mon esprit.
Chapitre III
L’indien
J e pénètre dans la discothèque aux néons psychédéliques. On m’y a traînée. Je hais les boites de nuit. Éloignée de la piste de danse, il y a la silhouette de la plage. Paralysée, je déglutis péniblement mon martini. Heurté par un serveur, il fait un quart de tour. J’ose quelques pas. S’est-il senti épié ? Sa volte face me prend au dépourvu. La musique disco retentit atrocement dans mes oreilles et me fait vibrer. Tremblement de terre. Il est maintenant tout près. Il me prend doucement par le bras et m’escorte jusqu’au fond de la salle aux baffles moins stridentes. Nous restons debout à nous fixer sans gêne. Là, s’inscrit précisément le début d’une histoire confuse, le

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