Dans la tête des pirates
96 pages
Français

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Dans la tête des pirates , livre ebook

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Description

Paul est officier de la marine. A bord d‘un bâtiment de combat, il met le cap sur le Golfe d’Aden où il participera pendant plusieurs mois à une mission de lutte contre la piraterie. C’est au large des eaux tumultueuses de la Corne de l’Afrique, qu’il croisera la route de Nazir, pirate somalien, jonché sur son frêle esquif et qui attend patiemment ses proies.
De Brest à Boosaaso en passant par Djibouti, « Dans la tête des pirates » retrace la rencontre entre ces deux jeunes hommes que tout semble opposer. Il invite à s’interroger sur les motivations et les choix qui les ont conduits à prendre la mer. Une véritable plongée dans l’envers du décor de la piraterie et de la marine d’aujourd’hui.

Informations

Publié par
Date de parution 16 mai 2016
Nombre de lectures 1
EAN13 9782312043647
Langue Français

Extrait

Dans la tête des pirates
Guillaume Décot
Dans la tête des pirates











LES ÉDITIONS DU NET
126, rue du Landy 93400 St Ouen
© Les Éditions du Net, 2016
ISBN : 978-2-312-04364-7
« Saurais -tu me dire pour quelle cause ton âme ne souffre pas ?
– Simplement mon frère, parce qu’elle est morte. »
Érasme , Enchiridion Militis Christiani
1
Le silence était total. Rien ne perturbait les premières lueurs du matin. Des nappes de brume éphémère s’accrochaient encore à la cime des arbres, tentant de prolonger pour quelques minutes encore leur existence. C’était une matinée bretonne, humide comme il en existe tant.
Paul s’était levé plus tôt. Une habitude qu’il avait prise avant les grands départs. Seul dans la cuisine, il humait les volutes de café qui s’échappaient de sa tasse brûlante. Il la serrait tout contre sa poitrine. La sensation de chaleur qui irradiait ses paumes était agréable. Profiter encore un peu de ces instants, de cet environnement tranquille et apaisant. Les mois qui allaient suivre seraient différents. Il n’aurait plus le choix. Il ne pourrait plus s’offrir ce luxe de boire simplement un café, sans bruit et sans personne.
Il errait seul dans une demi-obscurité à travers le vaste appartement trois-pièces, loué à bon prix dans le centre-ville de Brest. Le vieux parquet grinçait à mesure qu’il laissait librement aller ses pieds nus dans cet espace qu’il connaissait tant. Il poussa la porte de la chambre à coucher encore nimbée d’une douce chaleur humaine de la nuit et vint s’asseoir au bord du lit. Il la regardait dormir. Il pouvait sentir la tension de son corps. Il enregistrait mentalement chacune de ses respirations. Il savait que bien des semaines se seraient écoulées avant d’entendre à nouveau ce souffle régulier. Commencer à s’habituer à la solitude des corps.
Paul était partagé. Des sentiments antagonistes avaient patiemment formé une boule informe dans son bas ventre. La tristesse de la séparation se mêlait, insidieuse, à l’excitation juvénile du départ, vers des terres toujours lointaines. Mais il le savait, la solitude était plus difficile pour ceux qui restaient. Lui pouvait rêver d’ailleurs. Vivre dans le mouvement. Éprouver le monde. Ceux qui restaient ne devaient se contenter que de l’amertume du départ. Continuer à vivre avec cette vacuité comme compagnon éternel, la routine chevillée au corps. Temporaire ou définitive, l’absence laissait toujours un vide immense. Un lit qui restait ostensiblement froid. Des questions qui demeuraient sans réponses. Un téléphone qui ne sonnait presque plus.
Sophie s’était réveillée. Elle connaissait cette expression dans les yeux de Paul : encore ici dans leur chambre, mais déjà ailleurs, voguant sur les mers du globe. Elle redoutait ces moments avant qu’il prenne le large. Doucement, elle l’attira vers lui et lova sa tête dans le creux de son épaule. Elle s’enivrait encore un peu de l’odeur de cet homme qu’elle aimait. Il l’avait prévenu, il l’obligerait à vivre avec ses absences fréquentes. Mais elle ne doutait pas de ses sentiments, si souvent éprouvés. L’éloignement les avait renforcés même. Elle l’avait choisi. Peu importe les épreuves que la vie leur réservait et la distance qu’il pourrait y avoir.
Le temps s’était figé autour d’eux. Ils n’échangèrent pas un mot. Ils n’en avaient pas besoin. Ils se connaissaient suffisamment pour savoir que ce n’était pas utile. Délicatement, Paul se retira de son étreinte, qu’elle voulait ne jamais finir. Il l’embrassa une dernière fois puis saisit son sac de voyage. La porte se referma doucement. Sophie était seule assise sur le lit. Les larmes coulaient sans bruit sur son visage. Elle ne s’y habituerait jamais.
2
Paul roulait tranquillement vers les portes de l’arsenal de Brest . Il rejoignait comme chaque matin son lieu de travail. Singulier , son bureau se trouvait sur un bateau, migrant au gré du vent et des missions. Depuis plusieurs mois, il était affecté sur un bâtiment de la marine nationale dans la cité du Ponant . Pour un habitué des grandes aires urbaines, c’était un peu au bout du monde. Sa famille était loin, ses amis aussi. La ville n’était pas au premier abord des plus accueillantes. Tout ce que l’on dit sur Brest est vrai lorsqu’on y passe ses premières heures. À son arrivée, un soir de la fin août, rien ne lui avait été épargné. Le froid entremêlé à un crachin estival l’avait dignement accueilli à sa descente de l’interminable TGV qui l’avait extirpé de son sud natal. Une centaine de mètres séparait cette gare du bout du monde qu’aucun train ne pouvait franchir, du cercle naval où il avait réservé sa première nuit. Chaque pas arraché au bitume dégoulinant avait été un véritable calvaire. L’eau le transperçait et avait formé une pellicule aqueuse hermétique sur sa chemise en lin et son pantalon de toile. La ville elle-même était d’un gris uniforme, d’une austérité terrifiante que ne faisait qu’amplifier le mauvais jaune des réverbères disséminés le long de la rue du château. Cette cité ne se donnait pas facilement et le voyageur du soir qu’il était ne put que s’endormir bien avisé de vouloir en repartir le plus vite possible.
Mais avec le temps, il avait entamé une sorte de nouvelle vie ici. Le soleil avait su se montrer généreux lors d’une saison d’automne qui comme souvent révélait des moments de douceur boréale. La ville, sous son premier aspect repoussoir, se montrait accueillante et touchante de sincérité. Puis il avait rencontré Sophie. Il était encore un tout jeune aspirant et il l’avait très tôt mise en garde contre la vie particulière d’un officier de la marine ; avec ses absences et ses week-ends de garde. Mais à Brest, les marins font partie du patrimoine génétique de la ville et de ses habitants. On connaissait le métier, ses contraintes et on en ressentait une certaine fierté. Elle avait accepté. Elle était restée. Ils projetaient déjà de se marier.
Paul pénétra dans l’enceinte militaire par la porte des Quatre Pompes, la plus à l’ouest de la ville. Elle marquait la limite occidentale de l’arsenal qui abritait les vestiges des anciens bunkers des sous-marins nucléaires avant qu’ils ne migrent sur l’Ile Longue, esseulés au milieu de la rade de Brest. Paul venait de rentrer dans un sanctuaire, celui de la marine. Il longeait ces véritables cathédrales de béton, immensités insondables gagnées sur l’eau qui mourraient lentement, s’offrant une dernière fois aux marins qui passaient devant sans presque plus les voir, vestiges d’un autre temps. Paul longea encore l’épi en béton armé qui séparait la rade de l’enceinte militaire et qui lui permettait de regagner son stationnement. Il poursuivrait à pied.
Les abords du vaisseau connaissaient l’effervescence des grands départs. Une myriade de travailleurs s’activait tant sur terre que sur mer. Les manœuvriers, casqués et solidement engoncés dans leurs longs manteaux, armaient les plages et se préparaient à l’élan délicat de l’appareillage. Des camions réfrigérés livraient les ultimes palettes de vivres fraiches. Ça et là des grues permettaient de relayer à bord des chargements lourds dans un entrelacs incessant de mouvements grinçants. Sans oublier une flotte compacte de pousseurs qui attendaient docilement dans la rade, leurs moteurs déjà fumants, prêts à arracher ce monstre d’acier du quai qui le retenait encore pour quelques instants et lui permettre de prendre son long départ.
Paul aperçut son commis, celui qui sous ses ordres, était chargé de l’approvisionnement en vivres du navire. Une fonction clé qui consistait à nourrir trois cents hommes et femmes d’équipage trois fois par jour. Sur la durée, cela relevait du défi permanent.
– Tout est paré pour le départ, lui demanda Paul ?
– On charge les derniers produits ultras frais. Les plus sensibles. J’ai réussi à vous avoir du thon rouge. De quoi faire un tartare ce soir au dîner. Je sais que vous et le commandant en raffolez. Vous m’en direz des nouvelles, s’exclama l’officier marinier avec un large sourire qui illuminait son visage buriné !
– Vous nous gâtez déjà, rien de mieux pour bien commencer la mission !
Paul se dirigeait vers la coupée du bâtiment. Il sentit son téléphone vibrer contre sa cuisse. Une sensatio

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