Des graines et des chaînes
152 pages
Français

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Des graines et des chaînes , livre ebook

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Description

Ici, douze tableaux denses et colorés laissent déferler un kaléidoscope de thèmes poignants : en plus d'être un jeu enthousiasmant, le football a d'autres vertus bien plus précieuses; le corps d'un haut fonctionnaire est abandonné pendant cinq mois dans une morgue; dans un crash d'avion disparaît un homme d'affaires à la filiation plutôt ténébreuse; la vertu féminine triomphe d'un obsédé sexuel puissant et cynique , etc. Bien épicées et romancées, ces réalités africaines d'aujourd'hui constituent un alliage hétéroclite de graînes et de chaînes - donc d'espérances et de souffrances.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 octobre 2011
Nombre de lectures 18
EAN13 9782296469471
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0000€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Des graines et des chaînes
© L’Harmattan, 2011
5-7, rue de l’Ecole polytechnique ; 75005 Paris

http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr

ISBN : 978-2-296-56470-1
EAN : 9782296564701

Fabrication numérique : Actissia Services, 2012
Sa’ah François GUIMATSIA


Des graines et des chaînes

Nouvelles


L’Harmattan
Du même auteur

Cinquante ans de bilinguisme au Cameroun
Quelles perspectives en Afrique ? (essai)
Préface du Professeur Ebénézer Njoh Mouelle
Collection Etudes Africaines
Editions l’Harmattan, Paris, juin 2010

Décolonisation de l’Afrique ex-française
Enjeux pour l’Afrique et la France aujourd’hui
(Ouvrage collectif coordonné par Alexandre Gerbi)
Collection Point de Vue, Editions l’Harmattan,
Paris, janvier 2010

Meghegha’a Temi ou Le tourbillon sans fin (roman)
Collection Encres Noires
Editions l’Harmattan, Paris, juillet 2009


Illustration de couverture originale de Sa’ah François Guimatsia
DEDICACE
A

Benoît Kenfack,
Sébastien Nguépi Tonleu.


Et à la mémoire de Gaétan Kombolo Metome.
Avertissement
Cher lecteur,
Chère lectrice,


Les situations et les personnages des présentes nouvelles sont indéniablement les reflets romancés des réalités camerounaises d’aujourd’hui. Il est toutefois inutile de chercher à identifier à tout prix tel personnage de ce livre à telle personne ayant réellement vécu, car à l’instar du peintre et contrairement au photographe, le nouvelliste brode sur le réel sa propre vision. Ce faisant, il assume son engagement et sa créativité d’artiste, tout en marquant sa distance par rapport à la réalité.
Au bout du compte, l’œuvre de fiction reste une vérité fausse ou un mensonge vrai , et toute ressemblance avec des situations ou avec des personnes connues ne serait qu’une pure coïncidence.


Sa’ah François Guimatsia
PREMIERE PARTIE Visages d’Africaines : potentiels et mirages
« En Afrique comme ailleurs, le degré d’émancipation des femmes est le meilleur instrument pour jauger le niveau social et politique atteint par la société. Sans une femme africaine libre et responsable, il n’y aura jamais d’homme africain debout » {1}
1 Si l’argent était caché au sommet des arbres…
Mauvérin Bougna venait d’inaugurer en grande pompe sa dixième villa. Une remarquable prouesse dans un contexte socioéconomique où la grande majorité des gens se battait tous les jours contre la précarité. Lui par contre, il était comme un poisson dans l’eau, dans le microcosme des hommes d’affaires originaires de l’Ouest installés à La’ankap, la capitale économique. Bon an mal an, au sein de leurs associations ou clubs – localement appelés tontines – d’importantes sommes d’argent se brassaient au profit des adhérents.
A trente-cinq ans, Mauvérin Bougna était le prototype de l’arriviste arrogant et imbu de lui-même. Il vivait depuis vingt ans dans cette mégapole, qui était le moteur économique du pays et de la sous-région : ici battait véritablement le cœur du pays, dont on pouvait ressentir les pulsations en temps normal et les palpitations en période de convulsions sociopolitiques. En effet, étant la destination finale de la plupart de jeunes chercheurs d’emploi, La’ankap était l’épicentre, le point de départ ou de convergence de toutes sortes de soubresauts dans le pays. Mais par certains aspects, cette ville était aussi une oasis de fraîcheur dans le vaste désert économique du pays.

Mauvérin Bougna ne menait pas d’activités de production ni de commercialisation. Il n’était titulaire ni d’une carte de contribuable ni d’une licence d’import-export, et ne dirigeait aucune entreprise. Pourtant on le voyait souvent en compagnie de grands opérateurs économiques, car son revenu colossal le plaçait au même rang que les plus grosses fortunes du pays. Sa richesse s’était essentiellement constituée à base de prébendes et de pots-de-vin qu’il touchait en échange de certains services rendus.
Son étoile avait commencé à briller après la négociation fructueuse d’une adduction d’eau et d’un branchement au réseau électrique pour une communauté villageoise de la périphérie de La’ankap. Cette dernière, en signe de son infinie gratitude, lui avait offert un terrain en friche de plusieurs hectares. Pour lui, ce don était un véritable cadeau du ciel : il procéda sans délai au lotissement de ce terrain en plus de mille parcelles individuelles, et y casa plusieurs dizaines de familles aux revenus modestes.
L’agrandissement continu de l’espace urbain avait rendu indispensables de nouveaux investissements sociaux. Mauvérin Bougna avait eu l’idée de jouer les intermédiaires entre les administrations concernées, les ONG et les populations bénéficiaires dans certains quartiers sensibles, notamment pour des projets de routes, d’eau et d’électricité, en comptant sur ses nombreuses accointances avec les gens haut placés.
...

Sa fortune provenait aussi des dessous-de-table versés par des fonctionnaires qui, découragés face aux nombreux goulots d’étranglement dans leurs administrations, lui confiaient le suivi de leurs dossiers personnels. Alors il prenait les choses en main, et en un temps record, tous les « cas » présentés par lui étaient traités. Il suivait ainsi chaque année un nombre impressionnant de dossiers, avec au bout du processus la gratitude éternelle – en espèces sonnantes et trébuchantes – des personnes concernées.
Les autres transactions où il intervenait – toujours à titre onéreux – concernaient les litiges entre particuliers : il réussissait des arrangements à l’amiable au niveau des commissariats de police, évitant ainsi la transmission des affaires en question au tribunal. Un mauvais arrangement valant toujours mieux qu’un bon procès, les parties en conflit avaient toujours recours à lui lors des enquêtes préliminaires, avec la complicité intéressée des officiers de police judiciaire qui, eux aussi, dépendaient de lui pour l’aboutissement heureux de leurs propres dossiers administratifs au niveau de leur hiérarchie.
Par ailleurs, à chaque rentrée scolaire, il se mettait à la disposition des chefs d’établissements scolaires. Un autre créneau très juteux. Il leur servait d’agent recruteur, notamment dans les cas de récupération d’élèves écartés du système scolaire pour cause d’âge élevé ou de faibles résultats scolaires. Il savait contourner les textes : en faisant modifier l’âge sur des actes de naissance des postulants ou en falsifiant leurs anciens bulletins de notes scolaires.
Il se sucrait également en monnayant sa protection des établissements scolaires clandestins, qui figuraient pourtant sur la liste officielle des écoles ou collèges à fermer. Il réussissait à les maintenir ouverts, et même à faire accepter les dossiers de leurs candidats aux examens officiels, naturellement en se faisant grassement payer par ces promoteurs hors-la-loi d’établissements non autorisés.
Il avait bâti sa fortune sur les puanteurs de la corruption ambiante. Bénéficiant depuis l’âge de vingt-cinq ans de ces multiples rentrées financières sans traces, il menait un train de vie princier, et ne ratait aucune occasion de se moquer de ses compatriotes vivant en deçà du seuil de pauvreté. Devant sa villa cossue étaient en permanence garées plusieurs grosses cylindrées. Très officiellement monogame – contrairement à ses compères de même acabit – il avait confié à Angeline, son épouse, la gestion de toutes ses maisons en location, une confiance qui n’excluait jamais le contrôle inopiné, bien entendu.
...

Au plan physique, Mauvérin Bougna était un spécimen d’humanoïde assez pittoresque. Corpulent et trapu, il adorait les délices de la bonne chère en quantité et en qualité, surtout depuis son entrée dans le cercle fermé des nouveaux riches. L’obésité, généralement admirée dans les pays de la faim comme un signe extérieur d’aisance matérielle, lui donnait un air beaucoup moins jeune que son âge.
Un autre trait caractéristique de Mauvérin Bougna était sa pilosité particulièrement exubérante : envahi par une barbe et une moustache qui poussaient dru, son visage au teint noir d’ébène paraissait jovial et calme de loin, mystérieux et légèrement inquiet de près. Ses joues étaient pleines et arrondies, tandis que ses sourcils en bataille se disputaient le front avec une espèce de duvet noir. La détermination des cheveux à empiéter sur cet espace habituellement dégarni de poils &

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