Des hommes en chemin
126 pages
Français

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Des hommes en chemin , livre ebook

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Description

Ils forment un triumvirat depuis le lycée. Rien ne semble pouvoir les séparer et les réunir ailleurs que là où chacun, ensemble depuis toutes ces années.
Raymond, Louis, Eléonore, comme les cinq doigts de la main. L’un perd son père, l’autre ne l’a jamais connu et puis il y a celle qui n’a jamais rien perdu mais qui reçoit ce don du vivant comme une histoire insignifiante, plutôt étouffante et qui se met à vivre là où personne ne l’attendait, pas même elle.
L’amour ne s’invente pas. Il a toujours été là, à l’insu de chacun, sans qu’aucun ne soupçonne la force de sa césure, comme celle de ses ouvertures où ceux qui reçoivent finissent par s’égarer à ne plus rien retrouver de ce qu’ils avaient imaginé.
Et puis il y a Thomas, le marginal qui surgit d’un décor que tous croyaient bien connaître. Thomas, le rebelle qui enseigne la rue, sans savoir dire si elle conduit quelque part.
Paris et ses quais de Seine. Paris et la fontaine Saint Michel comme le décor d’un théâtre qui accueille la vie en pleine éclosion de sa maturation. À conduire dans le repaire où La Pomme. Figure fugace. Reine des berges. Sortie des pages déchirées d’un roman du XIXème qui séduit le temps d’une traversée où chacun croit avoir trouvé, à finir par s’égarer.
Des hommes en chemin où la trace d’un amour qui découvre sa propre racine.

Informations

Publié par
Date de parution 09 août 2017
Nombre de lectures 0
EAN13 9782312055404
Langue Français

Extrait

Des hommes en chemin
Michèle Gautard
Des hommes en chemin
LES ÉDITIONS DU NET
126, rue du Landy 93400 St Ouen
à Matthieu ,
© Les Éditions du Net, 2017
ISBN : 978-2-312-05540-4
Louis et Raymond marchaient le long du boulevard Saint Michel. Ils rentraient du lycée.
C’est beau l’automne à Paris avait dit Raymond. Louis avait haussé les épaules et avait fini par monter seul dans le bus. Sur le trottoir Raymond lui faisait des signes. Juste avant que la porte ne se referme, Louis sauta du bus.
– T’es con. Qu’est-ce qui te prend ?
Raymond n’avait pas répondu. Ils marchèrent dans un silence inhabituel, empruntant le tracé du bus, qu’ensemble, chaque jour, ils prenaient. Louis n’osait pas déranger son ami. Il était parti loin. Bien trop loin pour lui. Louis était prudent. Trop prudent, lui disait souvent Raymond. Ça fait peur l’intérieur. Comment peut-on avoir peur de soi ? Louis ne comprenait pas, s’attardait sans vraiment le vouloir à la surface des choses, comme une respiration qui allait le ramener vers un rivage familier où il espérait qu’ils allaient se retrouver.
Raymond aimait la solitude. On l’explore ou on la subit. Louis se fâchait. Raymond repartait seul. Il avait gagné ce précieux moment qui lui faisait parfois cruellement défaut.
Arrivés à la fontaine Saint Michel, ils s’arrêtèrent. Raymond avait envie de fumer.
– Tu en as ?
– (…)
– (…)
– Qu’est-ce qui ne tourne pas rond, Raymond ?
– Rien. Ça va.
– Pourquoi, tu ne dis rien ?
– Prends-là, la parole. Pour une fois qu’elle est toute à toi. Tu me le reproches assez. Alors parle. Parle. Vas-y.
– Non. J’ai envie de t’entendre. Qu’est-ce qui ne va pas ?
– Le silence, c’est pas la mort.
– De quoi tu parles ?
– Allez viens.
Ils marchèrent le long du Palais de Justice. Raymond fumait. Louis le regardait.
Raymond s’arrêta devant un panneau publicitaire qui recouvrait l’une des façades du palais en réfection.
– C’est qui l’indien ?
– T’es con ou quoi ?
– Ça fait deux fois.
– Deux fois quoi ?
– Que tu me traites de con.
– (…)
– (…)
– C’est Picasso.
– C’est qui Picasso ?
– T’es… Non arrête…
– C’est qui Picasso ?
– Qu’est-ce que t’as aujourd’hui ?
– Aujourd’hui, c’est aujourd’hui.
– T’es sérieux avec Picasso ?
– Il n’a même pas de pinceau
– C’est une pub pour une montre.
– Rolex… C’est des cons.
– Qu’est-ce que t’as Raymond ?
– (…)
– (…)
– Tu sais… Ma mère, elle peint aussi.
– Je ne savais pas.
– Elle peint la nuit. Chaque fois que je me réveille, je la trouve dans son atelier. La porte est toujours ouverte. Il fait nuit noir. J’ai envie de pisser. Je dors à moitié. Et elle. Elle peint. Elle n’a même pas l’air fatiguée. Elle me regarde. Me sourit. Et sans rien dire. Elle continue. Comme si j’étais une ombre.
– (…)
– Quand j’étais petit, j’avais peur des fantômes. La lumière de son atelier me rassurait. Je me rendormais sans l’appeler. Je l’ai toujours vu peindre. Un jour je lui ai même demandé si elle était née avec son pinceau. Ça ne l’a même pas fait rire.
– Elle peint quoi ?
– Des couleurs.
– Ah !
– Oui, des couleurs.
– Mais quoi d’autre ?
– Rien. Juste des couleurs.
– (…)
– Elle dit que Paris c’est trop gris. Alors elle peint des couleurs.
– Tu ne m’en as jamais parlé.
– On ne sait rien de l’autre. Tu sais bien.
– Arrête de dire n’importe quoi, Raymond.
– Je n’ai jamais été aussi sérieux.
Il s’arrêta sur le pont. Juste avant d’arriver place du Châtelet.
– J’aime bien la Seine, là.
– Pourquoi là ?
– Je ne sais pas.
– (…)
– Peut-être parce que c’est là. Seulement là que j’ai l’impression de ne plus être dans la vraie vie, mais dans une carte postale où je vois tout Paris.
– C’est le cours de français qui t’a inspiré ?
– T’as jamais eu envie de changer de vie ?
– Je n’y ai jamais pensé.
– (…)
– Dis… C’est vrai qu’elle peint ta mère ?
– Qu’est-ce que ça peut te foutre.
– Pourquoi tu dis ça ?
– (…)
– Pourquoi tu dis ça ? D’ailleurs pourquoi tu racontes tout ça ? Tu sais bien que tu n’as pas de mère…
Raymond saisit Louis au collet et le plaqua contre le parapet du pont. Sa tête, lentement repoussée par la force de ces poignets étrangement volontaires, retombait en dodelinant dans le vide. L’eau de la Seine coulait. Quelques passants ralentirent le pas.
– Arrête. T’es fou ou quoi ?
– Ne redis plus jamais ça.
– Arrête Raymond. T’as plus d’humour ! J’sais pas pourquoi j’ai dit ça ? T’es tellement bizarre aujourd’hui.
– Ne redis plus jamais ça.
En disant ces mots, Raymond poussa un peu plus le corps de Louis dans le vide. L’eau de la Seine continuait de couler. Un homme s’interposa.
– Lâche-le. C’est dangereux.
– Surtout que je ne sais pas nager, Monsieur.
Raymond le relâcha et d’un geste dédaigneux lui lança.
– Tu n’es qu’un lâche. Et vous Monsieur… Et puis merde… Tu n’es qu’un lâche, Louis. Un lâche.
Il partit en courant en direction du Châtelet.
*****
Il referma la porte cochère et s’engouffra dans l’escalier. Il s’arrêta un instant pour reprendre son souffle.
Il resta un certain temps dans l’obscurité s’accrochant aux aiguilles de la montre qu’il avait perdue. Le souvenir des minutes. Des secondes. Son cœur battait fort dans sa poitrine. Il entendait les coups résonner dans le silence des lieux.
Une envie soudaine de dormir. Il suffit d’une simple paupière pour que le monde disparaisse. Il n’en reste que les sons. Et si l’on se bouche les oreilles ? Il préféra arrêter le flux de ses pensées. Impossible de bouger. Il entendit des pas. Et si tout cela, un rêve ?
– Qu’est-ce que tu fais-là Raymond ? Tout seul. Dans le noir !
Combien de temps avait duré son échappée. Il ouvrit brusquement les yeux. C’était la concierge. La lumière l’éblouissait.
– Bonjour Madame Campon.
– Et bien Raymond. Ça ne va pas ? Tu as l’air tout essoufflé !
– Ça va. Tout va. Je suis un peu fatigué.
– Tu as trop fait la fête hier soir.
Raymond ne répondit pas et commença à monter les escaliers. Il était sur le point de voir disparaître l’image de Madame Campon quand ses mots le rattrapèrent et l’immobilisèrent.
– Ta mère vient de rentrer.
– Ah bon ?
– Ce n’est pas son heure… Rien de grave, j’espère.
Il monta quatre à quatre les escaliers. Arrivé sur le palier, il s’arrêta. La lumière s’était de nouveau éteinte. Il resta devant la porte. L’appartement était silencieux. Que pouvait bien faire sa mère, ici, en pleine journée ? De quoi se mêlait Madame Campon ? N’avait-elle rien d’autre dans sa vie ? La vie des autres. Allait-elle jusqu’à faire les poubelles pour en savoir plus ? À quoi toutes ces informations lui servaient-elles ? La vie des autres. Et la sienne ?
Au cœur de cet après-midi insolite, la misère humaine lui tombait inopinément sur les épaules. Il n’avait jamais vu les choses ainsi. Il sentait soudainement peser un poids inhabituel. La vie des autres. La pauvre. Ce n’était pourtant pas une découverte pour lui. Il la connaissait bien Madame Campon. Depuis des années, elle suivait ses allers et venues. Comme toutes celles qui faisaient la vie de cet immeuble dont elle était la gardienne.
Ce fut par ses indiscrétions que sa mère apprit qu’il amenait des filles. Qu’est-ce qu’elle croyait qu’ils faisaient ? Et elle. Elle ferait mieux. Qu’est-ce qui lui prenait ? Il s’en était toujours accommodé. Mais cette fois. Particulière. Sa mère était là. En plein après-midi.
Les mots de Madame Campon lui revenaient en boucle. Il la trouvait un peu co

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