Deux cinéastes
167 pages
Français

Deux cinéastes , livre ebook

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167 pages
Français

Description

Un vieux réalisateur de cinéma, César, perd sa femme dans un incendie. Il interroge le passé et le futur et accepte, désœuvré, un poste humble de technicien sur le film d'un jeune réalisateur, Gaëtan. César est un personnage d'une certaine dignité du haut de ses soixante et un ans. Gaëtan, très jeune, a un avenir incertain. Une fois embarqué, César l'assistera plus par altruisme que par conviction.

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Publié par
Date de parution 08 août 2017
Nombre de lectures 2
EAN13 9782140042959
Langue Français

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Extrait

Pierre Delestrade
Pierre Delestrade Deux cinéastes Roman
Deux cinéastes
Éditeur
L e s i m p l i q u é s
Les impliqués É d i t e u r
Deux cinéastes
Pierre Delestrade
Deux cinéastes Roman Les impliqués Éditeur
Du même auteur La belle névrose, L’Harmattan, 2011. © Les impliqués Éditeur, 2017 21 bis, rue des écoles, 75005 Paris www.lesimpliques.fr contact@lesimpliques.frISBN : 978-2-343-12672-2 EAN : 9782343126722
I Un homme, bien bâti, soixante et un ans, sourcil broussailleux, œil de lynx, un beau front, une chevelure d’artiste, marche dans la brume de Paris. Il semble aimer cette sensation. Ce qui va le surprendre dans une demi-heure va le choquer peut-être à vie… Pour le moment, il fait de petits bonds, marche comme Charlie Chaplin un instant, balaie le brouillard comme Buster Keaton. Il revient de province et a préféré, par ce temps subtilement humide, rentrer à pied de la gare dans son XIXe. Les dernières centaines de mètres ne lui sont point contraignantes. Il va retrouver sa femme de toujours, ou presque. (Il l’a trompé deux petites fois, selon elle.) Il vient de province, avec un gros dossier sous le bras, l’air un peu nonchalant, mais déterminé. Il semble porté par une vigueur peu courante. Un coin de rue, et il est chez lui. Horreur ! Une grue est à plat sur son immeuble délabré ! Elle a dû mortellement frapper cinq étages. Il reste un pitoyable étage fait de décombres. A quelle heure est-ce arrivé ? César, c’est le prénom de l’homme, voit trois badauds discuter. Peut-être va-t-il obtenir quelques informations ? Il reconnaît un voisin : - C’est arrivé cette nuit, dit celui-ci. Nous avons peu d’espoir. Cinq survivants à l’heure actuelle. Alicia, ta femme, malgré les recherches jusqu’à maintenant n’est pas reparue… Mais cela doit être à toi. Il y a ton nom dessus. César reconnaît tout de suite sa mallette de DVD classiques. Une porcelaine a été aussi étrangement sauvée. César est en larmes, ne s’en cache pas. Il aurait envie de casser les murs restants. Il va falloir qu’il se trouve un gîte pour la nuit. Le voisin lui propose de venir dîner chez lui dans peu de temps. César accepte.
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Le brouillard s’est amplifié. César marche le nez un peu en avant, comme Jacques Tati. Le voisin, Claude, tape sa main sur son épaule gentiment. Claude était chez sa copine la nuit du drame, un peu plus loin à trois cents mètres. César se souvenait de lui comme d’un bon citoyen, champion de tiercé, bien qu’il ne soit jamais monté à cheval lui-même, et joyeux fumeur de Gitanes. Claude, aimable par nature, arriva avec César chez sa copine Adèle. Claude était cafetier tout prêt d’ici, mais aujourd’hui c’était son jour de congé. Il demanda à Adèle de sortir un bon petit plat de choucroute. César avait sûrement besoin de calories. Il était abattu. On lui proposa un bon remontant : un verre de Brouilly, qu’il goûta tout de suite. - Je vous remercie, dit César, très respectueusement. Claude était fier de l’inviter. Il était plus jeune que César, et auvergnat dans le cœur. César était réalisateur de longs métrages de cinéma. Il avait eu un certain succès autrefois. Trois fois. Il avait espéré, plus tard. Tant qu’il y a de la vie, il y a de l’espoir. Sa femme, Alicia, tout juste décédée, probablement, à cinquante-trois ans, était une femme remarquable travaillant dans la communication et faisant souvent bouillir la marmite. Ils avaient eu un fils, tout de suite doué pour la musique, ambidextre : Olivier. Il était actuellement à Hollywood, compositeur de musique de blockbusters. Ce n’était pas un nostalgique et le sentiment d’être nouveau dans cette branche si vaste de la bande sonore du septième art lui plaisait beaucoup. César repensa soudainement aux comédies musicales US de l’époque de la guerre qui s’inspiraient du folklore de l’Amérique du Sud : « Down Argentine way », « The gang’s all here », Banana split (1943), et qu’il avait adorées.
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Arrivé au bout de son deuxième verre, César revint courtoisement à ses hôtes. Il s’enquérait de la « santé » du café de Claude, qu’il fréquentait quand il sentait chez lui l’inspiration baisser. Toujours les mêmes têtes : - Et que j’t’en paye un autre ! - Mon poteau, c’est MA tournée ! César était toujours à une table, jamais au bar. Claude avait souvent entendu : - Comment tu expliques la faim dans le monde. Il est même pas midi ? Des sortes d’anciens combattants jouaient gaiement à la belote tous les jours. Claude était partout dans son bar riche en commentaires sur le foot et la politique, ce qui était pour lui la moitié du métier. Il faisait le plat du jour, le tabac et les jeux avec Adèle. César aurait pu bâtir plusieurs séquences sur l’endroit. C’était dans un coin de sa tête pour plus tard. On lui servit une fameuse choucroute, et pour changer : du blanc. - Merci beaucoup. Excusez-moi d’être un peu ailleurs, dit le cinéaste. - C'est normal, César, répondit Claude. Je me demande si on va être dédommagés. Et pour les proprios, bonjour ! Il paraît que la justice peut mettre des années. César repensait à son Alicia, à sa fine silhouette, son visage de vamp angélique, pas une ride. Au dessert, César eut deux surprises : une appétissante charlotte aux pommes, et la visite d’un petit singe, un ouistiti sans doute. D’une sagacité extraordinaire et de plus poli ! Il ne chercha pas à se servir dans les assiettes. César aurait aimé avoir une caméra sous la main. Il ferait écrire une séquence un jour à un scénariste. Pour le
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