Dialogue avec un journal
274 pages
Français

Dialogue avec un journal , livre ebook

274 pages
Français

Description

75 ans, cela fait un joli titre, pas besoin d'en chercher un autre. J'ai 75 ans aujourd'hui ! Pourquoi enfin commencer à écrire alors que j'en ai toujours eu envie ? Mais à quoi bon chercher la réponse, elle va se dévoiler d'elle-même. Patiente, ma fille, cela te changera ! Le chien a fait son petit tour du soir, la chatte voudrait venir sur mes genoux : mes petits compagnons offrent chaque soir à leur maîtresse des preuves d'amour qui, pourtant depuis tant d'années, se sont révéléesŠinsuffisantes ! rien à leur reprocher cependant : ces petites bêtes n'en sont pas.

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Informations

Publié par
Date de parution 01 mars 2014
Nombre de lectures 7
EAN13 9782336343556
Langue Français
Poids de l'ouvrage 2 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0750€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

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DIALOGUE AVEC UN JOURNAL
Fannie Tedicrof
Roman
INDIGO
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En application des articles L. 122-10 à L. 122-12 du code de la propriété intellectuelle, toute reproduction à usage collectif par photocopie, intégralement ou partiellement, du présent ouvrage est interdite sans autorisation du Centre franÇais d'eXploitation du droit de copie (CFC, 20, rue des Grands-Augustins, 75006 Paris). Toute autre forme de reproduction, intégrale ou partielle, est également interdite sans autorisation de l’éditeur.
© INDIGO & Côté-femmes éditions 55 rue des Petites Écuries 75010 Paris http://www.indigo-cf.com e Dépôt légal, 2 trimestre 2012 ISBN 2-35260-086-3 EAN 9782352600862
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SOMMAIRE
Prologue : 1989, 75 ans .............................
PREMIÈRE PARTIE MICHA, 1990............................................. AGRICOLA… 1991-1992 ........................ GUY… 1992 ............................................ NICODESMOS… 1992-1993 ...................
DEUxIÈME PARTIE 2001............................................................ La fascination du serpent à plumes… 1988
TROISIÈME PARTIE 2005-2009 ................................................. QUATRIÈME PARTIE 2010, 1956-1966 (67, 69, 70), 1942-44 .... CINQUIÈME PARTIE 2011 ...........................................................
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POÈMES
Correspondances, 12 La cloche, 19 Dimanche soir, 19 Tendresse, 20 Tuer le temps, 34 Conjugaisons, 34 Propriano, 40 Si la rose…, 44 Le guide, 61 Le pêché capital, 76 Amoragonie, 79 Sous le volcan, 81 Le masochiste, 83 Tapis volants, 139 Beauté, 140 Moulin, 153 Cimetière, 185 La fable du pot de terre et du pot de fer, 239 Le mythe, 248 Citadelle du MOI, 267
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75 ANS
PROLOGUE
75 ans, cela fait un joli titre, pas besoin d’en chercher un autre. J’ai 75 ans aujourd’hui ! Pourquoi enfin commencer à écrire alors que j’en ai toujours eu envie ? Mais à quoi bon chercher la réponse, elle va se dévoiler d’elle-même. Patiente, ma fille, cela te changera ! Le chien a fait son petit tour du soir, la chatte voudrait venir sur mes genouX : mes petits compagnons offrent chaque soir à leur maîtresse des preuves d’amour qui, pourtant depuis tant d’années, se sont révélées insuffisantes ! rien à leur reprocher cependant : ces petites bêtes n’en sont pas. Non seulement elles sont belles mais… ce sont des personnalités racées pleines de qualités, à croire qu’elles ont été choisies sur cartes. Plume a réussi, la voici sur mes genouX ce soir et, jalouse de mon activité manuelle, n’a de cesse de m’en détourner. Et ma pensée vagabonde jusqu’en Pologne, vers Maria, la « camarade » qui passait sa vie à nourrir et sauver des chats, et des oiseauX. Amitié, complicités, discussions interminables sur le dos du bloc communiste, et tant de souvenirs communs tissés au cours de nos rencontres, ses séjours au labo et nos vacances en Corse ou ailleurs. Où es-tu camarade ? Inutile de te chercher ici, Maria, je m’adresse auX souvenirs. Histoires de chats qui servent de relais vers mon histoire ? mon chat s’appelait Mickey et ressemblait au FéliX de la bande dessinée. Il a laissé plein de délicieuX souvenirs à cette petite fille (de 75 ans) qui voulait lire toutes les histoires du monde pour y découvrir la vraie vie, puis qui a toujours rêvé d’écrire. Écrire sa vie, son histoire, parce que c’est déjà un roman et qu’il suffirait de la bien raconter ? Je vais donc essayer de continuer sans me décourager… Où sont donc tous mes vieuX cahiers ? « Apostrophe », émission mythique ! J’ai posé mon bol de chicorée sur les doubles pages, superbement illustrées par des vues d’avion d’Abou Simbel et de l’île de Philae, données quand ? par ma petite eX-belle-mère, maman Gentis, en souvenir de mon voyage en Égypte, c’était en ? 89, non… 1988 ? Ce fut une année quelconque sans doute, mais pour moi une année particulière: au printemps, on m’opère d’un amas de micro calcifications dans le sein gauche (un objet non identifié va rester à l’intérieur, ?), puis je voyage en Égypte, évènement eXceptionnel, et
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enfin ma mère sera délivrée, morte seule et retombée en enfance, à l’hôpital… des suites d’une opération urgente pour infection et nécrose de l’intestin grêle (bref une septicémie en quelque sorte !). Enterrée le jour de mon anniversaire, c’est mon frangin qui a décidé la date ! Il m’a annoncé son opération alors qu’elle était déjà mourante. Les fois précédentes, j’étais avertie lorsqu’elle était déjà opérée, ce qui était arrivé plusieurs fois. Délivrance pour elle, délivrance pour moi, sans doute aussi pour lui : elle avait 83 ans, c’est l’âge de mon eX-belle-maman quand elle m’a donné ces images qui ce soir traînent sur ma table, pourquoi ? Oh maman, combien je te ressemble dans mon cœur et mon corps, après avoir si longtemps refusé de l’admettre, te rejetant de moi comme tu m’avais naguère rejetée de toi ! Je sais déjà quel sera mon corps de vieille femme, que je suis en train de prendre, les seins, les mains, la forme du bassin et des cuisses, tout cela, en un peu plus petit, mais moi c’est toi. Sauf que toi je te trouvais belle ! A force de m’interroger, il m’est devenu évident que tu m’avais eXpulsée de toi à ma naissance comme un fardeau que tu refusais ; que le fait de me porter avait ressuscité en toi des souvenirs douloureuX et négatifs, ceuX de deuX grossesses précédentes dont tu n’aurais pas voulu te souvenir. Dont celle que tu nous a cachée. Tu m’as dit clairement que tu ne voulais pas de moi et que je dois la vie à la parole du toubib. De tous tes secrets j’ai porté le poids depuis l’origine, au point qu’il me semble être incomplète, comme si tu m’avais refusé « in utero » quelque chose de primordial, qui parachève. Jamais de tendresse entre nous, mais lorsque j’étais souffrante, tu devenais douce et attentive : tu me lisais des contes. J’ai souvenir de « l’oiseau bleu », d’Andersen. J’ai dû être très malade étant bébé. Ma petite enfance, accompagnée de l’angoisse que la guerre faisait planer, est une longue route sans parole ou manifestation d’amour de ta part, eXcepté les jolis costumes que tu savais me faire : nous n’avions pas d’argent et tu aimais coudre. Et les bigoudis pour mes cheveuX raides. Ma vie ultérieure, avidement, a essayé de combler un tel vide – tonneau des Danaïdes – cependant que ton sens du devoir, et ton souci éducatif, s’étaient eXercés sur moi avec la justesse nécessaire à l’éducation d’une fille, qui aurait voulu être un garÇon ! Et pour cause, seul ton fils semblait compter pour toi ! Maman, tu es morte seule à l’hôpital : j’ai demandé de ne pas prolonger ta survie artificielle. Mais depuis longtemps déjà ta mémoire et ton esprit s’étaient enfuis petit à petit. SiX ans se sont écoulés entre le décès de papa et le tien. Ce temps est devenu celui de ta descente auX enfers. Comme tu avais raison de déserter cet emprisonnement physique, psychologique, moral! J’aurais tant fait pour toi si tu avais voulu, si tu avais possédé plus longtemps un peu d’autonomie, et le désir de moins souffrir. Si Alzheimer ne t’avait pas
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envahie !… Je me suis trouvée impuissante. Mon nom, mon eXistence même tu les avais oubliés, accrochant toute la vie qui te restait à cette seule présence dont tu te sentais obligée de tout supporter : « je dois subir jusqu’au bout, ma fille », (c’est ce que tu me disais, rappelle-toi, sur ton lit d’hôpital après ta X… ième opération de la vessie). Pour te punir d’avoir laissé naître, contre ton gré, contre ton désir, ce second fils qui est mon aîné, si longtemps rêvé mort, écrasé dans sa poussette par un camion (comme celui que conduisait le père pour son travail ? horreur de la lecture psy… car je connais d’autres détails…). Tu disais que ce cauchemar t’a poursuivie toutes les nuits pendant 3 ans de sa petite enfance. La période où tu le nourrissais encore... Surprotection obligatoire, sans tendresse, évidemment !… le père ne la supportait pas ! Mais pour tenter d’effacer une telle culpabilité, vous avez mis en place, toi et lui, une relation sado-maso qui vous a tous deuX poursuivis et attachés, sans rémission. DeuX vies gâchées. Et la mienne, ainsi que celle de mon père! Armand avait presque diX ans quand je suis née, malgré toi encore ! Tout cela à cause de ce premier enfant que tu aurais voulu garder, peut-être enfant de l’amour celui-là, mais dont mon père ne voulait pas (vous étiez pauvres) et dont tu as dû avorter alors que le foetus avait déjà cinq mois : quelle horreur pour la jeune femme que tu étais… un garÇon !.. Mon frère ne sait rien de ces confidences que tu m’as faites à l’hôpital, avant ta première opération de la vessie, tu avais 75 ans et toute ta tête. Je les ai reÇues, ces confidences, sans en comprendre d’abord toutes les implications! Tu disais aussi que papa était plutôt content d’avoir une petite fille !… c’est cela que j’avais retenu. Un soir, à l’hôpital encore, lors d’un séjour d’observation à la suite de tes fractures des os iliaques (deuX, dont une ancienne, déjà consolidée, et la récente dont le toubib qui observait les radios s’étonnait devant moi de leur origine, moi je savais que tu avais pris des coups de pied au cul ! mais…), ce soir où, en face de ton fauteuil, je te décortiquais l’une après l’autre des fesses de clémentines que je glissais dans ta bouche – car presque aveugle et sourde tu ne pouvais manger seule, ni rien demander – tu semblais te régaler ; soudain tu t’es figée, ton regard voilé s’est levé, puis tu as murmuré « Armand ». Je tournais le dos à la porte ouverte et n’avais rien entendu mais j’ai fini par me retourner, car tu ne voulais plus manger : Armand, immobile dans l’encadrement, en imperméable et chapeau, regardait fiXement la scène et de son regard noir m’assassinait, moi qui une fois encore, m’interposais entre sa mère et lui. Tous mes petits cadeauX d’enfant, d’adulte aussi d’ailleurs, inutiles pour obtenir ton amour. Bien plus tard, cependant, tu es devenue un peu mon amie et mes problèmes de femme ont trouvé en toi une écoute attentive. Jeune fille amoureuse, je t’avais mise dans la confidence et tu m’avais permis ce que le père aurait refusé, des
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vacances entre « copains ». D’ailleurs je n’ai jamais oublié certains de tes conseils avisés. Tu m’avais toujours dit « ne te marie pas, ma petite fille, surtout avec un étranger… ». J’ai envie de te dire que tu avais bien raison ! Mais j’aurais encore tant de choses à dire de mon enfance ! passons. Tu sais maman, je tape ces mots sur ta petite machine portative à ruban, pour laquelle, quand je suis allée la chercher, Armand m’a demandé de lui signer une décharge ! Nous sommes le15 Août 1989, jour de ta fête et je pense à toi qui est partie l’an dernier. J’ai écrit ce jour un poème. Mais j’ai triché, j’aurai 75 ans en 2011 !
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