Dialogues avec une araignée
136 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Dialogues avec une araignée , livre ebook

-

136 pages
Français

Vous pourrez modifier la taille du texte de cet ouvrage

Description

Au coeur de Clermont-Ferrand, une araignée s'est installée dans le bac à fleurs de l'écrivain. Elle observe, elle parle, donne des ordres et n'admet pas qu'on lui résiste. L'écrivain est docile : peu lui chaut qu'une araignée passe ses journées à épier le moindre de ses gestes dans son bureau ! Encore souligne-t-elle les fautes de syntaxe de l'écrivain, et livre-t-elle ses commentaires. Et devient capricieuse, exige que lui, l'écrivain, répète mille fois : - Vous êtes très belle. ... L'écrivain s'intéresse plutôt à une autre araignée qui s'est établie sur une autre fenêtre de la rue : plus épanouie et moins cynique, celle-ci ! Eprise de poésie, disciple de Jean-Sébastien Bach ! Lorsque la première araignée découvre la présence de la seconde, le drame est inévitable.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 avril 2010
Nombre de lectures 33
EAN13 9782296695504
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0500€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Dialogues avec une araignée
Du même auteur


Poésie

Les petits riens, Editions Flammes Vives, 1993.
Fenaisons, Editions Flammes Vives, 1996.
La prèle, Editions La Nouvelle Pléiade, 1998.
La boîte à musique, poèmes en prose, Editions La Nouvelle Pléiade, 1999.
Je, Editions La Nouvelle Pléiade, 2006.


Nouvelles

Je vous aime, petites gens des dimanches d’hiver, La Nouvelle Pléiade, 2007.
Poupée de maïs, Editions l’Harmattan, collection Ecritures, mars 2009 ;
Que contient-elle, votre cassette, Monsieur Harpagon ? Les Editions du Valet de Cœur, février 2010.


Théâtre

L’horloge parlante, L’allumette, deux pièces de théâtre, Editions La Nouvelle Pléiade, 2001.
Jean-Yves Lenoir


Dialogues avec une araignée


Conte


L’Harmattan
© L’Harmattan, 2010
5-7, rue de l’Ecole polytechnique, 75005 Paris

http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan1@wanadoo.fr

ISBN : 978-2-296-11349-7
EAN : 9782296113497

Fabrication numérique : Socprest, 2012
Ouvrage numérisé avec le soutien du Centre National du Livre
I
J ’ai senti sa présence dans mon dos. Je me suis levé, j’ai collé le nez à la vitre et j’ai regardé le bac à fleurs.
J’ai vu l’araignée. J’ai vu la toile.
Il n’est pas si facile de découvrir une toile d’araignée. Il faut avoir de bons yeux, il faut être attentif.
Je ne sais plus si je l’ai découverte parce qu’un nuage a assombri la rue, faisant écran derrière la toile, ou au contraire parce que le soleil l’a illuminée si violemment que les fils ont brillé comme des éclats de quartz qui auraient grandi dans le sens de la longueur.
Lorsque je l’ai vue, je suis revenu m’asseoir à mon bureau mais n’ai pu travailler. Elle m’a dit :
Venez à la fenêtre.
Je n’ai pas été surpris qu’une araignée se mette à parler. Bien au contraire ! je crois que je le savais, je le souhaitais.
Je me suis donc assis à la fenêtre, c’est-à-dire que j’ai tourné mon fauteuil en direction de la rue.
Pourquoi avez-vous laissé votre ordinateur sur le bureau, vous ne voulez plus écrire ? m’a-t-elle demandé.
Je ne peux pas écrire à contre-jour. À contre-jour je suis ébloui.
Oh ! Vos yeux vont s’habituer ! Prenez votre ordinateur.
Je vais me contenter de regarder la rue.
Prenez votre ordinateur, installez-vous ! a-t-elle ordonné.
Je n’ai pas osé lui dire qu’on me parle habituellement avec moins de vivacité ; j’ai simplement saisi l’ordinateur comme elle le demandait et l’ai posé sur mes genoux, face à la fenêtre.
Puis j’ai commencé à écrire, elle s’est tue quelques instants pendant que j’écrivais, et d’un ton neutre, sans moquerie, elle a fini par remarquer :
Vous trouvez l’inspiration, je crois.
Oui, je crois, ai-je fait distraitement.
Elle a ajouté :
Puis-je savoir ce que vous écrivez ?
J’écris sur la lumière. Presque rien. Quatre lignes.
Elle a laissé quelques secondes passer, peut-être quelques minutes – je ne sais plus –, et de nouveau m’a demandé :
Sur la lumière, la lumière de la rue ?
Oui, la lumière de la rue, celle des façades : les deux demi-façades qui regardent ma fenêtre et que je vois d’ici.
La toile s’est balancée légèrement, j’ai compris que c’était un signe d’acquiescement, mais qu’elle hésitait avant de poursuivre :
Lisez-moi ces quatre lignes !
Elle m’a dit :
Lisez-moi ces quatre lignes !
La voix était douce, ce n’était plus un ordre ; pour autant je n’ai pas résisté, j’ai commencé à lire :
« Les couleurs. Je vais parler des couleurs, les couleurs des demi-façades, – demi, puisqu’elles sont découpées par l’encadrement de ma propre fenêtre. Il me semble que les couleurs sont aujourd’hui plus calmes ; mais peut-on dire de couleurs qu’elles sont calmes ?
Plus calmes et plus sereines, peut-être parce que plus silencieuses, presque au repos. Après tout, nous venons juste de passer le solstice et le soleil obéit à des angles moins aigus, moins pointus. Avez-vous remarqué que le soleil, en juillet, se déplace lentement, si bien que la pierre et le crépi font apparaître des grains minuscules, comme une tige d’osier, comme un fruit – une orange non écorcée, comme la peau de certaines femmes du sud ? »
Je me suis interrompu. L’araignée a laissé un temps de silence. Puis elle a dit :
J’ai l’impression que vous trouvez votre rythme au fil des lignes, comme si votre style se faisait de plus en plus fluide à mesure que vous avancez !
Elle n’a donc apprécié que très modérément le paragraphe qui précède.
Je lui ai dit :
Allez directement au chapitre XIV. Peut-être y aurai-je trouvé mon rythme d’écriture ?
Est-ce une manière de plaisanter ?
Pas du tout. Je suis sûre que vous allez tellement aimer le chapitre XIV que vous regretterez de ne pas avoir lu le début du livre et que vous reviendrez au chapitre premier.
Chapitre XIV ! Où est-il ? L’avez-vous écrit ?
II
Nouveau temps de silence. Très long. Théâtral.
Finalement, clame l’araignée, la lumière ne vous a pas ébloui, vous l’avez même apprivoisée ?
Oui, ai-je fait, je me suis habitué, je l’ai apprivoisée en effet ! Non seulement dans les yeux mais aussi dans le geste, la lumière de l’été exige qu’on l’apprivoise dans le geste.
Elle a souri.
Était-ce le signe qu’il convenait de sourire à mon tour ? J’ai souri à mon tour.
Je crois, ai-je constaté, que je me suis installé dans mon fauteuil – et sans doute malgré moi – plus étroitement que d’habitude ; je veux dire plus complètement, faisant en sorte que mon corps épouse toutes les courbes, celles du siège, celles du dossier. C’est ainsi, en me faisant plus rond, plus docile, c’est ainsi que j’ai apprivoisé la lumière.
Et puis, ai-je dit encore, je veille à me mouvoir plus rarement, avec économie, afin que, grâce à la lenteur qui nous est propre à l’un et à l’autre, nous nous connaissions mieux, la lumière et moi.
À cet instant, j’ai compris que je parlais à l’araignée exactement comme si je cherchais à me justifier, comme si j’étais coupable. J’ignorais encore que ce sentiment de culpabilité allait m’accompagner désormais tout au long de ma vie.
Sans compter que j’avais perdu toute notion de durée.
Depuis quand sommes-nous ici ? ai-je demandé.
Je l’ignore. Je ne connais rien du temps qui passe. Les saisons sont mes repères. Et puis j’ai déjà lu beaucoup de chapitres, puisque je suis allé directement au quatorzième avant de revenir.
Mais… Vous distinguez le jour et la nuit ?
Oui, bien sûr. Cependant je vous dis que ce qui compte pour moi ce sont les saisons.
Et très vite, presque avec brusquerie, elle a poursuivi :
Nous reverrons-nous demain ?
Bien sûr !
À demain.
À demain.
J’étais soulagé.
D’être seul à nouveau. De laisser mes pensées marcher avec moi.
Je m’interroge : combien de temps faut-il pour écrire quatorze chapitres ? Des heures, des jours, des mois ?
Des saisons, a-t-elle murmuré.
III
Avant que vous vous asseyiez, j’ai une requête.
Dites-moi.
Prenez du papier et un stylo, et laissez votre ordinateur.
Je fixe l’araignée. Elle est exactement située au même point que la veille. Pardon ! je rectifie : elle est exactement située au même point que lors de notre première rencontre. Car j’ai perdu la notion du temps.
La tête dirigée vers le rebord de la fenêtre, c’est-à-dire vers le sol, l’abdomen à peine plus gros qu’une tête d’épingle et les huit pattes bien étalées au centre de sa toile, comme sur un dessin d’enfant.
Elle parle de la même voix lente, ouvrant toutes les voyelles, prolongeant exagérément les é.
Je suis une araignéééééééééééééée. Je suis une araignéééééééééééééée. Je suis une araignéééé

  • Univers Univers
  • Ebooks Ebooks
  • Livres audio Livres audio
  • Presse Presse
  • Podcasts Podcasts
  • BD BD
  • Documents Documents