Double tour
154 pages
Français

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Double tour , livre ebook

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Description

Une petite clé soigneusement planquée au fond d'un tiroir : voilà le point de départ du cheminement de Nathalie, jeune bourgeoise comblée, vers la découverte d'un terrible secret. Elle cherche en vain à se débarrasser des empreintes de son passé, des souvenirs, de ses anciens plaisirs. Des bruits inquiétants, des odeurs troublantes s'obstinent à la harceler. Difficile d'aller de l'avant dans un univers ensanglanté. Même Marseille, avec sa Canebière éventrée, ... devient le décor d'un perpétuel cauchemar.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 février 2010
Nombre de lectures 24
EAN13 9782296695801
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,0600€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

DOUBLE TOUR
 
Marguerite BOURDET
 
 
DOUBLE TOUR
 
Roman
 
 
 
L'H armattan
 
Du même auteur
 
Pianoforte, (Editions de la Courtine, 2003)
Tour d'ivoire (Des femmes-ANTOINETTE FOUQUE, 2005)
 
 
 
 
© L'HARMATTAN, 2010
5-7, rue de l'École-Polytechnique ; 75005 Paris
 
Fabrication numérique : Socprest, 2012
Ouvrage numérisé avec le soutien du Centre National du Livre
 
http://www.librairieharmattan.com
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
harmattan@wanadoo.fr
 
ISBN : 978-2-296-11394-7
EAN : 9782296113947
C'est ça, le chagrin... Ne plus rien supporter de ce qui rappelle le passé.
Edmonde Charles-Roux
(Oublier Palerme)
 
 
Servire... Obbedire... non potere esser niente... Un abito di servizio, sciupato, che ogni sera si appende al muro, a un chiodo. Dio, che cosa spaventosa, non sentirsi più pensata da nessuno !
Luigi Pirandello
(Vestire gli ignudi)
 
JUIN
 
I
 
A travers l'opacité qui me cuirasse, seule arrive à se faire jour l'idée fixe des policiers : remettre la main sur la clé.
J'ai pris le parti d'affirmer que je ne l'avais jamais eue ni en main ni sous les yeux, cette clé. Mais eux s'acharnent : fatalement, j'ai dû avoir vent de son existence ; à moins que je ne sois carrément tombée sur elle au hasard de mes pérégrinations domestiques.
En rangeant les affaires de mon mari, par exemple.
- Un homme ordonné n'a besoin de personne quand il s'agit de rangement. Aussi, je me suis toujours bien gardée de fourrer le nez dans ses affaires.
Alors, peut-être dans son cabinet ? Dans la salle de consultation ?
- Je n'y mets pratiquement jamais les pieds.
Là, je ne triche pas. C'est lui qui se chargeait une fois par semaine de faire place nette aux incursions de Dolorès, à son balai impétueux, à son chiffon expéditif. Quand la tornade était passée, il remettait lui-même paperasses et instruments à leur poste assigné.
J'ai beau réitérer ces mises au point, il se trouve toujours des entêtés pour ramener sur le tapis la question de la clé.
Une clé en balade au fond d'une poche, dans un coin de tiroir, ça vous intrigue, forcément. Surtout quand on ne sait pas ce qu'elle ouvre. Ça vous met la puce à l'oreille.
- Pas si elle ressemble comme deux gouttes d'eau à celles que l'on a en main d'habitude.
- Qui vous dit qu'elle leur ressemble ?
- Les serrures de même type ont toutes les mêmes clés, du moins en apparence. Vous avez parlé de serrure avec trois points de fermeture. A première vue, donc, pareille à celle de notre appartement, du cabinet médical, de la chambre du sixième étage qui fait fonction de débarras...
 
* * *
 
Depuis l'instant où il a pris l'affaire en main, l'inspecteur Casanova a mis en veilleuse l'histoire de la clé. Mais il ne perd jamais le nord... De temps en temps, ça le reprend. Un coup de revenez-y. Comme s'il avait peur d'oublier le leitmotiv.
- Récapitulons : vous n'avez jamais rencontré chez vous de clé suspecte.
- Jamais, inspecteur. Ou si je l'ai rencontrée, elle n'a pas forcé mon attention.
Je m'obstine à l'appeler inspecteur parce que dans les quelques polars que j'ai lus, et au cinéma, et dans les feuilletons télévisés, il me semble que c'est à ce titre qu'ont droit les fonctionnaires qui mènent les enquêtes.
Ma mère, éplucheuse émérite du Journal Officiel, soutient que les choses ont changé. Il paraît que je devrais dire l'OPJ Casanova, ou le lieutenant Casanova... Mais je profite de mon statut pour piétiner les directives officielles. D'ailleurs, j'ai toujours renâclé devant la montée triomphante de la manie cabalistique, peut-être parce que j'ai tendance à oublier les initiales ou peur de les intervertir. Quant au grade de lieutenant, on m'a appris depuis ma plus tendre enfance à le réserver religieusement à un grand-oncle tombé au champ d'honneur.
Inspecteur, commissaire, OPJ, lieutenant, au fond, qu'importe ? L'intéressé lui-même n'a pas l'air offusqué le moins du monde par mes flottements lexicaux. Et apparemment, ni mes réponses évasives, ni mes silences ne l'ébranlent. Rien à voir avec les hystériques qui m'ont harcelée le mois dernier et se sont acharnés sur moi dans l'espoir qu'ils arriveraient à tout savoir tout de suite.
Lui n'est pas du genre fouineur. On dirait qu'il a l'éternité devant lui.
L'inspecteur Casanova ne baisse ni les yeux ni les bras.
Moi non plus.
Il sait que je lui mens.
- Tôt ou tard, je t'aurais. Je finirai par t'avoir. A l'usure.
Et il sait que je sais qu'il sait.
Comme il est là pour faire son boulot, il tente délicatement, du bout du doigt, de me pousser au bord du gouffre.
J'en regarde le fond sans craindre le vertige. Il faudrait une obstination bien plus coriace que la sienne pour me faire perdre l'équilibre.
 
* * *
 
La clé, bien sûr, je l'avais vue. Je l'avais dénichée par hasard. Non seulement sa découverte avait éveillé ma suspicion, mais ses éclipses à répétition avaient vite fini par faire de mes soupçons des certitudes.
C'était il y a six mois : l'année venait de commencer.
Comme si c'était hier, dans ma tête. Ou une éternité, selon les jours.
Ce matin-là, jour de consultations, Gilles avait abandonné un instant ses patients à leur impatience pour le réconfort d'un café : il n'avait qu'un étage à monter. Il trépignait dans la cuisine, forcé de prêter son oreille blasée aux doléances que Dolorès ponctuait de brusques atterrissages en série sur le plateau. Elle avait la migraine, comme chaque fois qu'elle souffrait de ce qu'elle appelait « son mal de femme ». Une de ces migraines ! (Arrivée brutale de la soucoupe.) A se taper la tête contre les murs ! (Cliquetis de cuillère.) L'enfer ! (Chute lourde du sucrier.)
Gilles passait d'un pied sur l'autre. Tout en soufflant sur son café, il m'avait dit :
- Descend avec moi une minute. Je vais te donner de quoi la calmer.
C'était de la migraine qu'il parlait. Pour ce qui est de Dolorès, il savait comme moi qu'il n'existait aucun remède au monde contre sa logorrhée.
Dans un tiroir de son armoire à pharmacie, il avait choisi une boite violette, et sur le ton du boniment :
- Rien de plus efficace contre le mal de femme et ses migraines ! Action rapide, sans le moindre effet secondaire ! Voilà deux comprimés à lui faire avaler tout de suite, et deux autres qu'elle prendra ce soir.
Un mois plus tard, Dolorès, aux prises de nouveau avec son mal de crâne, avait invoqué le miracle. Mais ce jour-là, Gilles était retenu auprès d'un malade, et c'est moi qui avais eu droit aux jérémiades.
De guerre lasse, je m'étais résignée à décrocher la clé du cabinet suspendue dans l'entrée.
Le cabinet avait toujours été, en exclusivité, le domaine de Gilles. C'était bien la première fois que je prenais la liberté de puiser dans sa réserve de médicaments. J'étais sûre qu'il ne me l'aurait pas reproché. Pourtant, de vagues remous de conscience me poussaient à la fébrilité, comme du temps où, petite fille, je me risquais à fureter dans les affaires des grandes personnes. Heureusement la boite violette, encastrée dans le puzzle des échantillons multicolores, était facile à repérer.
Au moment où je la replaçais dans l'imbrication serrée des emballages de carton, j'ai sursauté à un clic métallique provenant du fond du tiroir. Instinctivement j'ai tenté de tout refermer en vitesse. Impossible. Un obstacle coinçait le tiroir à quelques centimètres de sa position de fermeture.
Alors, je l'ai sorti tout entier de son alvéole et j'ai passé ma main au fond. Là, mes doigts ont tout de suite rencontré l'achoppement : une clé plate, très ordinaire, très banale. Si elle avait été placée dans un endroit moins insolite, mes yeux auraient pu glisser sur elle sans la voir. J'aurais facilement pu la confondre avec une de celles que je manipulais tous les j ours.
Le morceau de ruban adhésif des

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