Fragments de vies

Kanthiompa Badiopa

Description

De toutes conditions, qu’ils soient conquérants ou modestes, qu’ils détiennent le pouvoir ou qu’ils vivent parmi les humbles, les personnages des nouvelles de Kanthiompa Badiopa font l’expérience des heurs et malheurs dispensés par l’existence. Ainsi de cet immigré intégré expulsé de France; ainsi de cette amitié entre deux hommes qui volent en éclats; ainsi de cette femme obsédée par sa jeunesse ou de cette veuve injustement accusée de la mort de son époux. Toutefois, au-delà des destinées particulières et parce qu’il se fait l’observateur de l’âme et de la société, de la capacité des uns à la bonté tout autant de l’attirance des autres pour les vertiges, l’auteur dresse le portrait d’une humanité magnifiquement, dérisoirement, terriblement fragile.

Informations

• Publié par: publibook
• Date de parution: 12 avril 2012
• Nombre de lectures: 11
• EAN13: 9782748383188
• Langue: Français
• Poids de l'ouvrage: 1 Mo

Extrait

Fragments de vies

Kanthiompa Badiopa Fragments de vies Publibook

Retrouvez notre catalogue sur le site des Éditions Publibook : http://www.publibook.com Ce texte publié par les Éditions Publibook est protégé par les lois et traités internationaux relatifs aux droits d’auteur. Son impression sur papier est strictement réservée à l’acquéreur et limitée à son usage personnel. Toute autre reproduction ou copie, par quelque procédé que ce soit, constituerait une contrefaçon et serait passible des sanctions prévues par les textes susvisés et notamment le Code français de la propriété intellectuelle et les conventions internationales en vigueur sur la protection des droits d’auteur. Éditions Publibook 14, rue des Volontaires 75015 PARIS – France Tél. : [phone] IDDN.FR.010.0116519.000.R.P.2011.030.31500 Cet ouvrage a fait l’objet d’une première publication aux Éditions Publibook en 2012

Rendez-moi mon papa ou

Le chômage faisait déjà rage en France quand Omar Konté y arriva pendant le second mandat de Mitterrand. Il avait quitté sa ville natale de Ségou, au Mali, pour venir amasser de l’argent là où il y en avait – du moins, c’est ce qu’il croyait. Omar Konté avait alors vingt-sept printemps. Il se mit aussitôt à travailler avec acharnement pour réali- ser son rêve : s’enrichir, rentrer au pays, et être enfin connu et respecté dans sa ville natale. Cette obsession l’anima pendant deux ans, jusqu’au jour où il posa les yeux sur une certaine Alisa.

Dès lors, ses résolutions volèrent en éclats. Qui était cette Alisa, cette briseuse de rêves, cette avorteuse de beaux projets ? Il s’agissait d’une ravissante Sénégalaise d’origine capverdienne de vingt-cinq ans, belle comme le jour et faite pour l’amour. Une véritable Aphrodite… À l’époque, elle travaillait comme serveuse dans une cafété- ria du quinzième arrondissement de Paris. C’est là qu’Omar Konté la repéra, l’épia, puis l’aborda. D’abord rétive, la Sénégalaise ne put plus repousser les assauts successifs du Malien et s’avoua conquise. Par la suite, il se montra plus assidu encore. Pas un jour ne se passa en effet sans que l’enfant de Ségou ne vînt dans l’établissement pour contempler celle qui était devenue l’unique passion de sa vie de jeune déraciné, une passion obsédante. Alisa ne l’adorait pas moins, et les deux tourtereaux se voyaient sans cesse.

Mademoiselle Alisa Preira était née à Marseille et avait passé toute sa jeunesse dans la cité phocéenne. À vingt

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ans, bac en poche, elle partit pour Paris en espérant trouver mieux que dans sa ville natale, où elle devait se contenter de jobs pour étudiants ou de petits boulots d’été. Alisa avait ainsi émigré dans son propre pays, comme bon nom- bre d’autres Français. Toutefois, bien que native de Marseille, Alisa était restée de nationalité sénégalaise. En suivant des cours de comptabilité, elle parvint à ob- tenir un CAP en comptabilité et améliora sa situation professionnelle. Elle monta en effet en grade dans la café- téria. Elle ne faisait plus des tours de tables, les bras pleins de plateaux, désormais, elle comptait l’argent. L’intellectuelle et le manuel : les deux amants for- maient un couple idéal et se complétaient à merveille. Travailleurs acharnés et pétris d’une ambition dévorante, ils étaient unis pour le meilleur et pour le pire. À eux deux, ils se sentaient plus forts que tout et prêts à affronter le monde entier. Chaque matin, comme tous les actifs du monde entier, ils se quittaient pour aller travailler. L’un s’épuisait physi- quement sur quelque périlleux chantier, tandis que l’autre se fatiguait les méninges dans un bureau exigu, mais tous deux étaient fiers de ce qu’ils accomplissaient quotidien- nement. Ils avaient la satisfaction de contribuer à cette société à laquelle ils pensaient jusqu’alors n’appartenir que partiellement. Le couple travaillait d’arrache-pied pour son avenir. Ils ne pensaient qu’à une seule chose : pouvoir subvenir à leurs besoins et à ceux de leur future progéniture.

Après deux années de vie commune, un petit être vint couronner leur bonheur conjugal. Ils vivaient alors dans le dix-huitième arrondissement. C’est là que vint au monde le petit Fofana Konté, fruit de leur passion. L’enfant com- bla de bonheur et d’enthousiasme les jeunes parents et les

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