Hervé Guibert
315 pages
Français

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Hervé Guibert , livre ebook

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Description

L'oeuvre littéraire d'Hervé Guibert (1955-1991) est ici relue à la lumière de son journal intime, Le Mausolée des amants, qui fut publié de manière posthume en 2001. A travers la question de l'altérité, qui se manifeste aussi par le rapport à soi présent dans son écriture, l'on croise chez cet auteur les influences d'intellectuels admirés, tels que Roland Barthes, Michel Foucault ou Thomas Bernhard. Le genre autofictionnel, considéré ici comme une variante postmoderne de l'autobiographie, révèle chez H. Guibert une crise identitaire liée à l'apparition du virus du sida. Arnaud Genon analyse les conséquences de cette fracture autobiographique au travers d'une tension entre la volonté de se dire et la difficulté de la réaliser.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 01 juin 2007
Nombre de lectures 138
EAN13 9782336272313
Langue Français

Informations légales : prix de location à la page 0,1200€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Hervé Guibert
Vers une esthétique postmodeme

Arnaud Genon
© L’HARMATTAN, 2007 5-7, rue de l’École-Polytechnique ; 75005 Paris
http://www.librairieharmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr
9782296032101
EAN : 9782296032101
A ma maman, un ange.
Sommaire
Page de titre Page de Copyright Dedicace Remerciements Introduction Chapitre 1 - L’œuvre comme labyrinthe : l’intratextualité Chapitre 2 - Guibert et le discours de l’Autre : intertextualité et interdiscursivité Chapitre 3 - La transgression autobiographique : identité, sujet et genre Chapitre 4 - Les je(ux) de miroirs Conclusion Bibliographie sélective
Remerciements
Je tiens à remercier Jean-Pierre Boulé sans qui ce livre n’aurait pas vu le jour. Qu’il trouve toute ma reconnaissance pour ses encouragements et son soutien indéfectibles. Merci à Agathe Gaillard et à Christine Guibert pour m’avoir parlé d’Hervé. Ces moments d’échanges ont été — et sont toujours — une grande joie et une chance. Je remercie aussi ma famille, mes amis et ma compagne Diane, pour leur affection et leur amour.
A la manière du sujet barthésien, le sujet guibertien « est un sujet disséminé, déconstruit, écartelé entre l’impossible unité et l’intolérable division. » 1
Introduction
En 2001, 10 ans après la mort d’Hervé Guibert, les éditions Gallimard publiaient Le Mausolée des amants, Journal , 1976-1991 2 . Le journal de l’écrivain était la pièce manquante de l’œuvre, antichambre des romans, prétexte des œuvres autobiographiques mais aussi, pour reprendre les expressions mêmes de l’auteur, « colonne vertébrale » ou « chose essentielle » 3 de son travail. Cette dernière « pièce » appelait alors une nouvelle lecture de l’œuvre qui, sans aucun doute, serait éclairée d’un jour nouveau.
Cela semble d’autant plus vrai pour Hervé Guibert que, toute son œuvre durant, il a fait de sa littérature un écho direct de la vie, de sa vie et de celle de ses proches... Plus exactement, il a fait croire que son œuvre était aussi sa vie et que la réciproque s’imposait d’elle-même. Et dans le « faire croire » se trouve un des enjeux, sur lequel nous reviendrons, de cette œuvre que nous considérons comme l’une des plus marquantes, des plus singulières de notre fin de siècle dernier.
L’œuvre de Guibert semble occuper une place particulière dans la littérature française des trente dernières années 4 , et cela pour différentes raisons. Tout d’abord confidentiel, le travail de Guibert a connu une exposition médiatique extraordinaire suite à la publication, en 1990, de A l’ami qui ne m’a pas sauvé la vie 5 . Invité dans les plus importantes émissions littéraires télévisées ( Apostrophes, Ex-Libris ), interviewé dans la presse quotidienne nationale ( Libération, Le Monde ) ou dans les hebdomadaires ( L’Événement du jeudi, Le Nouvel Observateur, Globe Hebdo, Elle ...), Guibert jouissait dans les dernières années de sa vie d’une couverture médiatique rare. Depuis sa mort, il connaît un long purgatoire, en France notamment, alors que les études guibertiennes se développent à l’étranger, au Royaume-Uni et aux États-Unis plus particulièrement 6 . C’est que Guibert souffre aujourd’hui d’avoir été surmédiatisé hier, victime d’un succès qui pour certains n’était dû qu’à la divulgation de sa maladie et à des révélations en rapport avec le monde des lettres parisien... Mais pas seulement.
La presse littéraire hexagonale a souvent évoqué, ces derniers temps, la « crise de l’invention romanesque » 7 , plus généralement, la « crise » de la littérature française. A l’origine de ces affirmations on trouve fréquemment l’idée que ce déclin serait le fait d’un retour du sujet ou de sa renarrativisation qui, d’après Anne Cousseau, « constitue précisément l’une des réponses au ‘déclin des méta-récits de légitimation’, selon l’expression souvent citée de Jean-François Lyotard.» 8 Ce retour postmoderne du sujet aurait donc défavorisé toute sorte de « progrès » littéraire, ainsi que l’explique Aline Mura-Brunel :

Il semblerait même que l’écriture de soi prenant des formes multiples, ait contaminé tous les récits (qui d’ailleurs se disent à nouveau « roman ») [...] Les écrivains affichent désormais la volonté de se dire, favorisant l’émergence d’une doxa en faveur d’une pensée du retour plutôt que de la rupture, sans que les tentations ruiniformes ne soient complètement êcartées. 9
C’est donc cette écriture du moi, du « je », de l’intime, l’autobiographie, l’autofiction, tout ce pan de l’écriture personnelle que Guibert a mené jusqu’à une frontière rarement atteinte avant lui, qui minerait le roman, l’écriture d’invention, la fiction. Ce reproche se fait lourdement sentir à travers des expressions telles que « littérature nombriliste », « narcissique » ou « mesquineries littéraires » 10 . Guibert est ainsi associé à cette tendance, désormais méprisée tant par la critique journalistique (qui s’en fait paradoxalement l’écho) que par la critique universitaire qui la considère avec circonspection. Cet aspect particulier de l’œuvre de Guibert, qui sera précisément envisagé dans notre troisième chapitre, permet dès maintenant de définir un terme - qui est aussi une notion et un genre - que nous aurons à utiliser à différentes reprises : celui d’autofiction. Nous entendrons, à travers l’utilisation de ce mot, la posture énonciative selon laquelle le sujet écrivant fait de lui-même le narrateur et le personnage de ses textes qui, alors qu’ils empruntent l’énonciation et le pacte propre au genre de l’autobiographie, portent le titre générique de « roman » 11 . Cette première définition, ici envisagée de façon large, sera par la suite affinée afin de rendre compte de manière spécifique du travail de Guibert.
Cette remise en cause de la légitimité de la littérature personnelle en général, de l’autofiction en particulier qu’Hervé Guibert illustre avec d’autres, tels que Christophe Donner, Christine Angot ou Guillaume Dustan 12 , est expliquée de façon très intéressante par Philippe Forest :

L’autofiction apparaît alors comme l’une des expressions de ce « procès de personnalisation » évoqué à l’époque par Gilles Lipovetsky dans son Ère du vide  : retour sur soi hédoniste offrant à l’être humain la possibilité d’un épanouissement narcissique dans le paradis consumériste et libéral [...] Et de fait, instrumentalisée par cette idéologie, depuis les années 80, l’autofiction aura souvent joué ce rôle de miroir consolateur dans lequel auteur et lecteur cherchent à contempler une image retrouvée d’eux-mêmes à la faveur de rassurants récits intimes et familiaux ressuscitant narcissiquement la fiction d’un monde stable et inquestionné. D’où la mauvaise réputation - parfois méritée - d’un genre qui très souvent se confond avec l’exercice complaisant d’une sorte de « cocooning » littéraire. 13
Le sujet serait donc coupable de tenter un retour sur lui-même. Il serait condamnable à ce titre, de vouloir se dire ou de faire de cette vaine épreuve l’enjeu (ou un des enjeux) de l’écriture, de la littérature. On le voit dans la dernière partie de cette citation, l’autofiction, associée à cette idée de narcissisme, de récit rassurant dans lequel le lecteur se retrouverait, ne peut être évoquée de manière laudative. Mais évoquer l’écriture de soi en ces termes réducteurs, c’est occulter qu’écrire sur soi constitue une véritable quête pour le sujet du XX e siècle qui a connu Freud et Lacan. Une quête qui acquiert une légitimité littéraire à partir du moment où elle se sait impossible, en ce sens poétique, romantique et parfois tragique. L’écrivain qui se prend pour objet d’étude ne doit pas être nécessairement considéré comme un narcissique complaisant cherchant la contemplation de son propre reflet dans les pages de ses écrits. Considérons qu’il peut aussi s’y chercher, engager une traque de lui-même dans un effort constant d’écriture, dans une expérience d’ordre existentielle. Alors, écrire sur soi n’est pas inconciliable avec la littérature lorsqu’on accepte l’idée que c’est d’abord écrire sur l’autre que je suis, comme le remarque Philippe Vilain :

quand écrire sur soi conduit fatalement à se rater, à se représenter l’image d’un autre, la plus fidèle représentation de soi ne devrait-elle pas alors se trouver, plus subtilement, non dans l’image dissemblante de soi, non dans cette peinture manquée, mais dans

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