Heureux comme Dieu à Gennevilliers
150 pages
Français

Heureux comme Dieu à Gennevilliers , livre ebook

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150 pages
Français

Description

« Qu'est ce que j'ai fait au Bon Dieu pour avoir des élèves qui n'accordent plus le participe passé ? » Angèle, professeur de lettres à Gennevilliers savait pertinemment que du participe passé, ses élèves n'en avaient rien à cirer, mais que Dieu qu'elle avait cité, un Dieu indéfini et accommandant, pouvait unir Beurs, Feujs et Céfrans. Une telle déclaration devait, bien sûr, soulever des haines mais en bonne corse, elle avait des munitions. Qui gagnera ?

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Informations

Publié par
Date de parution 02 septembre 2015
Nombre de lectures 3
EAN13 9782336388267
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0650€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Eliane AubertColombani
Heureux comme Dieu à Gennevilliers
Heureux comme Dieu à Gennevilliers Roman
Eliane AUBERT-COLOMBANI
Heureux comme Dieu à Gennevilliers Roman
Du même auteur
Le Château du Temps Perdu,L' Harmattan 2015 Le Doctorant – Zia Vito, Editions Jean Paul Bayol 2014 La Perdrière,Marivole CPE, 2014 Portraits de Femmes,Maison de Jour de Fête, 2013 Journal d'un collabo 1945-1946, L' Harmattan 2013Étoile,Fondencre, 2012 (préface de Paul Veyne)L'âne et le bon Dieu,Albiana, 2009. Nouvelles de Corse(ouvrage collectif), Magellan, 2008La Buse,Albiana, 2008.L'appel de l'île,Albiana, 2007.Journal d'un collabo-1944,L'Harmattan, 2006.Le cousin, Le Rocher, 2005.La Fin du collabo, Le Rocher, 2004.Tuer le juge, L'Harmattan, 2001.Alzheimer au quotidien, L'Harmattan, 1999.Simon le Corse, Critérion,1994 ; Christian Lacour, 1997.La Mère allemande, Denoël, 1991.L'Élève de Clémence, Denoël, 1991.Les Silences de l'aube, Carrère, 1986.Le Journal d'un collabo, Denoël, 1984, L'Harmattan, 2006.Le temps des cerises, Les Presses de la Cité, 1983 ;  Denoël,1990 ; Maxi-Livre, 1996 ; L'Harmattan, 2000.Un homme de la terre, Le Cercle d'Or, 1978.La Guérison, Le Cercle d'Or, 1974.La Perdrière, Le Cercle d'Or,1971. Prix Guy Vanhor,1971
© L’Harmattan, 2015 5-7, rue de l’École-Polytechnique, 75005 Paris www. harmattan.com diffusion.harmattan@wanadoo.fr harmattan1@wanadoo.fr ISBN : 978-2-343-06787-2 EAN : 9782343067872
Chapitre 1 À la rentrée, la première fois qu’il l’avait vue, il avait pensé àun scorpion parce qu’elle avait des yeux parfaitement noirs et brillants. L’impression ne lui avait pas été désagréable : depuis deux ans déjà, sous l’influence de Jean-Jacques, il était entré en amour de tous les êtres vivants, insectes et crustacés compris. Au fil des mois, son petit scorpion, cette femme d’une quarantaine d’années, agrégée de lettres d’origine corse, lui était devenue de plus en plus sympathique. Ils ne faisaient pas partie de la même équipe pédagogique, aussi n’avaient-ils pas eu l’occasion de longs échanges. Quand ils se trouvaient côte à côte, près de la machine à café pendant les récréations, ou près de la photocopieuse, il avait eu beaucoup de mal à la tutoyer comme c’était pourtant l’usage. Il avait à la fois un peu peur d’elle et envie de se mettre sous sa protection. À plusieurs reprises, il avait surpris des bribes de conversation entre des collègues, en particulier deux autres professeurs de lettres, et il avait senti qu’elles n’aimaient pas le scorpion... Il en avait conclu qu’elles étaient jalouses car, si elles l’accusaient de démagogie, c’était à son avis parce qu’elles n’avaient pas assez d’empathie ou de savoir-faire pour être populaire auprès des très nombreux élèves maghrébins du collège.  Au fait, le scorpion était connu sous le nom d’Angèle Giudicelli.  - Tu parles d’un ange, avait lancé la grosse Pierrette Alliat ! ce qu’elle veut, c’est le pouvoir.,  Le pouvoir, elle l’avait, et l’amour aussi.  Le pouvoir n’est-il pas nécessaire à un professeur, songeait Jérôme, s’il veut enseigner sans risque de
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recevoir un pain dans la figure ou de constater à la sortie que ses quatre pneus sont crevés ? Lui, dans cette ville des Hauts-de-Seine, avait l’impression de se trouver dans une barque qui risquait de chavirer à tout instant.  Elle chavira un mercredi matin, pendant son dernier cours, de 11 heures à midi, alors qu’il venait d’adresser un reproche – oh, un reproche timide, poli et justifié bien entendu – à Samir,.  - J’avais demandé de mettre la photo au centre de la composition, tu l’as placée dans un coin, tu ne peux pas faire converger vers elle les autres éléments…  Une voix avait lancé : « Il a vergé, le con… »  Samir pouffait et un murmure s’éleva, s’amplifia, fut repris par toute la classe : « Pédé, pédé, enculé, nique ton père etc. etc. » Ça bouillonnait, le barrage cédait, c’était l’inondation. Jérôme était terrorisé mais ne se résignait pas à sortir et à demander du secours au conseiller d’éducation ; d’ailleurs, la salle d’arts plastiques était très éloignée des bâtiments principaux. S’il s’absentait, il les sentait capables du pire : briser les vitre, casser le mobilier, allumer un incendie… Il tenta de faire face :  - Écoutez-moi , vous êtes de ignorants… vous manquez de tolérance, c’est très grave, parmi vous, un cinquième sont ou seront des homosexuels… un homosexuel n’est pas un pédé, en grecpaidonqui veut dire "enfant"…  Les hurlements redoublèrent, une fille cria : « pédophile ! »  - Justement, la pédophilie est un crime, mais les hétérosexuels peuvent aussi être pédophiles…  « Maman, j’ai peur ! » lança une voix suraiguë. à laquelle une voix de basse répondit : « Il a mis sa main dans mon pantalon ! » « Appelle les keujs ! »  La sonnerie retentit. Jérôme leur fit un bras d‘honneur, prit son porte-documents et s’enfuit.
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 Il aurait dû quitter le collège et prendre la direction du métro mais il avait trop peur d’être poursuivi, agressé physiquement, et il se voyait déjà mort. Il courut vers la salle des profs où le scorpion, avant de sortir, se maquillait tranquillement.  - Qu’est-ce que tu as ? tu es tout pâle. Assied-toi.  - Non, je veux m’en aller, mais avec toi, si tu permets… tout de suite, avant que les autres arrivent. Je n’en peux plus ! je ne veux pas que les autres sachent.  Elle avait compris, rapidement elle enfila sa veste et prit son sac.  - Allez, on y va ! Tu me raconteras en chemin.  Elle adressa un signe de main au principal, à la plaisanterie du gardien, communiste et fier de l’être, « On ne fait pas d’heures supplémentaires ? » répondit un joyeux « C’est comme ça qu’on soutient les travailleurs ? ».  Trois ou quatre minutes s’étaient écoulées depuis la sonnerie. Les collègues allumaient leurs clopes et les élèves envahissaient la première cour. Jérôme ne se retournait pas. Il savait que les siens, ses tortionnaires, étaient à quelques mètres de lui, il s’attendait à des injures, mais aucune ne perça le brouhaha habituel de la sortie.  Angèle, en dépit de sa petite taille, marchait d’un bon pas. Quand ils se trouvèrent rue Paul Vaillant-Couturier, hors de vue du collège, elle interrogea :  - Raconte !  Il rapporta la scène avec méticulosité sans omettre un détail, jamais il ne lui avait parlé si longuement et d’une seule haleine.. après un moment, elle répondit :  - Nous allons examiner ce dernier événement, et tu m’excuseras si je me comporte d’une manière trop directe comme avec un élève, c’est pour ton bien. Premièrement, tu es très beau…si…si… tu as des traits fins et réguliers, c’est à la fois un avantage et un inconvénient. Il aurait été
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