Hors-piste en Roumanie
92 pages
Français

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Hors-piste en Roumanie , livre ebook

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Description

De la Roumanie, on ne connaît au fond que le folklore et le mythe du vampire de Transylvanie. Ignoré, quand il n'est pas méprisé, ce pays, intégré dans l'Union européenne depuis 2007, fait l'objet de beaucoup d'a priori. Partant de ce constat, l'auteur, cinéaste de formation, a voulu s'en faire une idée neuve. De Bucarest, la capitale, à la campagne reculée, des forêts des Carpates aux plages qui bordent le Danube, l'auteur s'en est allé à la rencontre du hors-piste.

Sujets

Informations

Publié par
Date de parution 05 septembre 2016
Nombre de lectures 0
EAN13 9782336770208
Langue Français
Poids de l'ouvrage 1 Mo

Informations légales : prix de location à la page 0,0800€. Cette information est donnée uniquement à titre indicatif conformément à la législation en vigueur.

Extrait

Couverture
4e de couverture
Titre
Grégory R ATEAU








H ORS -P ISTE EN R OUMANIE

Récit du promeneur




Roman
Copyright






























© L’Harmattan, 2016
5-7, rue de l’École-Polytechnique ; 75005 Paris
http://www.harmattan.fr
diffusion.harmattan@wanadoo.fr
EAN Epub : 978-2-336-77020-8
Exergue


Il n’y avait rien que la nuit, comme partout d’ailleurs, une nuit énorme qui bouffait la route à deux pas de nous et même qu’il n’en sortait du noir qu’un petit bout de route grand comme la langue.
Louis-Ferdinand Céline. Voyage au bout de la nuit.
AVANT-PROPOS DE L’AUTEUR
Il fait triste et gris, la lumière du café algérien d’en face me fait cligner de l’œil. Ce néon bleu n’attend qu’une fissure pour embraser la rue dans un immense feu d’artifice. Je suis à Paris, dans le quartier un peu foutoir de Château rouge, un jour de pluie drue et de rebond glacé, dans un bureau qui, même éclairé, se couvre de nuages jusqu’au plafond. Certaines âmes à la sensibilité qui remonte sans filtre des tripes aux yeux plongent littéralement avec le jour au cœur de la tourmente. Les autres ne se laissent qu’artificiellement affecter par le temps, la pluie n’étant au fond qu’un sujet de plainte comme un autre. C’est dans ces moments d’entre-deux, qu’il ma donné d’entrevoir une vérité : ce que l’on ne peut mettre en bouche, avoisine souvent avec la vraie dépression, celle qu’il est impossible d’isoler dans un coin de son corps ou d’afficher sur des traits expressifs, tendus comme des faces clownesques avec pour finalité de se sociabiliser par mimétisme. Non, ici on rumine seul et en silence ; même les larmes sont intériorisées ; elles inondent les organes, elles font flotter la merde qui remonte jusqu’à la surface sans trouver d’issue pour jaillir. La noyade guette. C’est dans ce contexte que j’ai trouvé une faille providentielle.
Le téléphone sonne ; ma fiancée, Sarah, m’annonce la bonne nouvelle. Un riche mécène libanais qui possède plusieurs chaînes de télévision et de luxueux hôtels en Roumanie nous invite là-bas pour nous payer généreusement et nous commander des documentaires en pleine nature. Je regarde par la fenêtre, les rues n’ont pas changé d’un iota, toujours les mêmes légumes pourris qui surnagent comme des algues et, pourtant, j’ai une drôle d’impression. Les corps fripés sur lesquels la pluie vient se coller semblent tous à présent se tourner vers moi. Je ne suis plus incognito ; ils savent, envieux, que j’ai la clef pour me faire la belle. J’essaye de freiner mon cœur qui s’emballe au rythme épileptique du néon d’en face, bien décidé à me planter là sans attendre les délais du préavis fixé par l’entreprise. Déjà, l’imposture de ce changement si brutal aurait dû me mettre en garde sur la suite, sur les retournements qui jalonnent inévitablement une vie en mouvement. Mais à la vérité, je crois surtout que je n’ai rien voulu comprendre ou devancer, juste me casser. Mes valises faites, mon père en larmes à l’aéroport, j’étais dans le pétrin jusqu’au cou, Sarah solidement harponnée à mon bras.
Je mets immédiatement en garde un lecteur éventuel ; je ne me suis pas contenté de tenir un carnet de voyage sur la Roumanie dans les pages qui vont suivre sans se suivre ou être reliées entre elles. Tour à tour cinéaste-documentariste, voyageur, exilé, expatrié, randonneur, chômeur, râleur, employé de bureau, je me débats comme je peux pour ne pas laisser le temps effacer le bénéfice des premières perceptions. Le pied posé sur la plage du nouveau monde, on laisse une empreinte sacrée ; celles qui suivent n’imprègnent plus le béton. Après, l’habitude vient foutre son grain de sel quotidien. La suite de cette aventure apparaît diluée dans des textes dont la durée varie en fonction du rythme qui s’est imposé à moi de manière quasi organique. J’ai essayé de répondre à l’appel qui s’est fait des plus pressants, écrire, me raccrocher à cette honnêteté de la page que l’on noircit pour se prouver que l’on existe encore et que les choses autour de nous existent bel est bien. J’aime les livres, trouvant les heures où j’en suis privé bien tristes et inutiles. J’en suis arrivé, au fil de mes lectures, à la conviction qu’il n’existe aucune fiction. Je n’ai foi qu’en ce réel que l’on décroche d’un crochet du droit car on est, même sans le vouloir, l’auteur qui raconte, se raconte. On ne peut pas être quelqu’un d’autre. Même si cette Roumanie que je décris n’est pas celle de mon voisin de palier, j’espère que par écho quelqu’un se reconnaîtra dans ces impressions, ces questionnements, ces coups de gueule, parfois tendres, parfois pathétiques ou narcissiques, il n’y a rien de plus ni de moins que la vie et la poussière que l’on remue sous nos pieds. Sinon, ma tentative aura été vaine et le chemin de ce livre un « hors-piste » dont l’égarement aura été nul. J’ai néanmoins la conviction qu’il n’y a rien d’utile dans le fait d’écrire, on se doit ou non de le faire ; aux lecteurs d’y trouver le sens qui, sans eux, manque inévitablement à toutes les pages, même les plus lumineuses.
Grégory RATEAU
1 BUCAREST ET SES RELENTS DE SOIXANTE-DIX
Une brise fraîche et un soleil printanier, les rues de Bucarest sont beaucoup plus aérées que les trottoirs encombrés de Paris. Je longe des parcs sans me presser. Il faut dire que je dispose du temps à présent, ralentissant sa course comme bon me semble. Comme un vilain tyran qui m’aurait trop longtemps exploité, je le maltraite à mon tour. Lorsque je relève la tête, j’ai soudain en mémoire que je suis en ville : les panneaux géants des affiches publicitaires sont les meilleurs indices urbains qui soient. Ils jouent leur rôle à la perfection, jamais datés, toujours à la page. Pas de doute possible, nous sommes bien dans un pays qui bouge et vend à son tour le rêve de la consommation pour tous. Des cafés branchés, français, allemands, italiens, libanais, des restaurants du monde et des chaînes de fast food américaines commencent à germer un peu partout, témoignant des émigrations présentes comme dans toutes les capitales de l’Europe. Mais, hier, dans le bouillonnement d’un présent en pleine mutation, le passé a refait surface. Un petit tremblement de terre a rappelé aux habitants leurs vieilles angoisses. Les souvenirs du tremblement de terre meurtrier de soixante-dix sont encore dans toutes les mémoires. En attendant, ici, pas le temps de se laisser abattre, bien au contraire, on tente des choses, on se modernise et on planque les vieux blocs communistes qui blessent le cœur de son histoire sans pouvoir vraiment les faire disparaître. Détruire, cela coûterait bien trop cher, alors on maquille un peu. Dans ce chaos architectural, où l’on aurait oublié de se mettre d’accord au préalable avant de construire, de vieux bâtiments datant de Ceausescu ou de l’entre-deux-guerres côtoient de nombreuses tours de verre qui reflètent dans leurs glaces, comme pour les narguer, leur pâle décrépitude. L’une d’entre elles porte même le nom un peu pompeux, mais non moins prophétique, de Monolithe. Son architecture ne vient pas démentir son blase , en pierre noire, rectangulaire, semblable en tout point à ce bloc de connaissance planté devant nos ancêtres au début du film « 2001 l’odyssée de l’espace ». On devine donc une évolution brutale de l’espèce bucarestoise, projetée à la vitesse de la lumière. Leur désir accéléré d’entrer dans l’ère de la modernité et de se fondre dans l’Europe en devient presque touchant, mais ne nous y trompons pas, les fonds manquent et les structures des habitations sont de vrais châteaux de carte. Un souffle et la tragédie fera son grand retour. Je passe justement devant une petite église orthodoxe littéralement prisonnière entre deux immeubles commerciaux. Les murs de verre des bâtiments semblent se rapprocher dangereusement, comme pour l’écraser ou se mettre devant, au premier plan. Lorsque l’on interroge les gens sur des mesures éventuelles à prendre pour alerter l’opinion et sécuriser leurs habitats si une catastrophe venait à se produire, une très grande majorité pour ne pas dire la totalité s’en remet à Dieu. Quant aux industriels, ils attendent patiemment et ouvertement que les bâtiments s’effondrent pour reconstruire à neuf et à moindre coût. Le destin a bon dos, il profite aux uns, quant aux autres… Ce passage, cette mutation quasi inévitable vers la mondialisation me fait penser que je suis peut-être venu ici pour contempler les derniers vestiges d’un monde sur le point de disparaî

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